Rue des âmes perdues/Son dernier tango (The woman he scorned, Paul Czinner, 1929)

Parce qu’il s’y est engagé devant Dieu qui lui a sauvé la vie, un gardien de phare épouse une fille de bastringue…

Mélodrame des plus schématiques transfiguré par la virtuosité totale et le raffinement visuel de Paul Czinner. L’histoire n’est guère sophistiquée et souvent bêtement conventionnelle mais force est de constater que le cinéaste n’a besoin que de peu de cartons pour la raconter. Plusieurs scènes -la séduction ambiguë dans le bar- et plans -le travelling légèrement satirique sur la table du mariage, le dernier sur la plage- ont une force d’expression indépendante du récit faiblard qui les porte.

L’histoire des treize/La duchesse de Langeais (Liebe, Paul Czinner, 1926)

Un général tombe éperdument amoureux d’une coquette.

C’est une plate illustration d’un chef d’oeuvre absolu de Balzac. Une scène comme celle de l’orgue réveillant les sentiments de Montriveau perd évidemment toute sa puissance dans un film muet et montre que les scénaristes et le metteur en scène n’ont guère réfléchi à l’adaptation, c’est à dire à la transposition d’un médium à un autre. Toute la grandeur lyrique et héroïque du roman a été perdue en cours de route. Un exemple parmi cent: l’enlèvement final, grandiose et sublime dans le roman (je vous y renvoie car le texte est facilement trouvable sur Internet), se résume ici au franchissement d’un mur de pavillon par quatre types (et non treize…). C’est plus risible qu’autre chose. De plus, l’actrice qui joue la duchesse manque de la plus élémentaire des distinctions. Il faut voir la frénésie avec laquelle elle serre la main de sa copine qui l’invite au bal pour se rendre compte qu’elle serait bien plus crédible en fille des rues qu’en reine des salons parisiens. Reste quelques plans joliment éclairés comme c’était courant dans le cinéma allemand de l’époque ainsi qu’une ou deux fulgurances dans la mise en scène de Czinner tel que le retour du premier enlèvement: la femme se pomponne par réflexe quasi-atavique avant de s’effondrer sur le divan, déchirée par la passion.

La Duchesse de Langeais

Mélo (Paul Czinner, 1932)

Une femme tombe amoureuse du meilleur ami de son mari.

Le canevas issu d’une pièce de théâtre signée Henri Bernstein (qui sera plus tard réadaptée par Alain Resnais) est donc basique mais il est transfiguré par la finesse du découpage et de la direction d’acteurs. La séquence qui voit naître les sentiments illégitimes est superbe de vérité humaine et sa réussite permet de croire à la suite des péripéties, péripéties parfois conventionnelles. Gaby Morlay trouve là un de ses plus beaux rôles. Le rythme est languide.