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A Detroit, trois ouvriers ont l’idée de voler la caisse de leur syndicat…
Le contexte social est ici un décor, non un milieu. C’est-à-dire que Paul Schrader s’est servi des usines automobiles comme cadre à sa -parfaite- construction dramatique. Peu lui importe la réalité ouvrière tant que celle-ci lui fournit suffisamment d’outils pour régler sa mécanique fataliste. Le pessimisme qui renvoie dos à dos patronat et syndicat n’a pas grande portée tant ces entités sociales sont artificiellement instrumentalisées selon les besoins d’une narration canonique. Ainsi, une séquence telle que celle où le père de famille noir a affaire à l’agent du fisc provoque deux réactions. D’abord, de l’émotion devant la force de sa mise en scène: écriture au cordeau, utilisation audacieuse et pertinente de l’humour, interprétation fiévreuse et poignante de Richard Pryor. Ensuite, on se rend compte que cette scène, pour forte qu’elle ait été, n’est jamais qu’une exposition servant à présenter le personnage de Pryor et à justifier sa conduite postérieure de façon déterministe. Tous excellemment interprétés, les personnages de Blue collar sont entièrement soumis à une mécanique dramatique qui semble leur préexister. C’est toute la différence entre ce bon film, brillant mais finalement un peu vain, et un film noir « social » classique tel que The breaking point. Grand scénariste, Schrader est cependant incapable d’un plan aussi gratuit et aussi beau que celui de l’enfant noir à la fin du chef d’oeuvre de Curtiz.