Héros d’occasion (Hail the conquering hero, Preston Sturges, 1944)

Un jeune homme reformé après un mois d’entraînement rencontre des Marines dans un bar qui l’incitent et l’aident à faire croire à sa mère veuve de guerre qu’il est, comme eux, rentré en héros de Guadalcanal.

La mécanique est habile mais non dénuée d’artifices théâtraux pour boucler l’intrigue; par exemple, la fiancée du héros est également courtisée par le fils de son rival dans l’élection municipale…La réduction de la ville à une demi-douzaine de personnages, le verrouillage du récit, limitent la portée de la comédie même si quelques notations gentiment satiriques, pas toujours intégrées dans la mise en scène avec le plus grand des naturels, font mouche. Bref, c’est un film typique de Preston Sturges, un film de scénariste, bien sans être génial.

Le gros lot (Christmas in July, Preston Sturges, 1940)

A cause d’une farce de collègues, un jeune couple croit qu’il a gagné un prix de 25000 dollars à un concours de slogan…

Percutante satire du rêve américain dont l’origine théâtrale ressort parfois au détour de telle ou telle tirade, brillante mais artificielle. La principale qualité du film est aussi sa principale faiblesse: c’est concis, ça ne dévie pas de la ligne directrice, mais de ce fait, les personnages, surtout celui de la jeune épouse, manquent d’étoffe. Belle fluidité au niveau du découpage qui permet un rythme impeccable malgré l’abondance de dialogues.

Infidèlement vôtre (Preston Sturges, 1948)

Suite au malencontreux rapport d’un détective, un brillant chef d’orchestre fou amoureux soupçonne sa femme d’infidélité.

Cette comédie de Preston Sturges est basée sur une pseudo-originalité: durant son concert, le chef d’orchestre imagine trois scénarios pour faire face à l’infidélité supposée de sa femme. Le cinéaste représente ces trois scénarios. Successivement. Cette construction est nulle puisque le spectateur sait que c’est du virtuel et que pendant tout ce temps (les deux tiers du métrage), le récit n’avance donc pas. Ses rêveries ne font même pas évoluer les sentiments ou le caractère du héros, elles ne sont que prétextes à gags poussifs à base de meurtres et de suicides (actions vidées de leur potentiel dramatique puisqu’on sait que ce n’est que du fantasme). Sous-tendue par une vision du monde proche du nihilisme, l’inspiration de Sturges est souvent très sinistre, ce qui rend ses films beaucoup moins plaisants que ceux de ses collègues Hawks ou McCarey.
C’est d’autant plus dommage que l’exposition était brillante montrant avec beaucoup d’humour comment la jalousie, indissociable de l’amour, peut empoisonner les esprits les plus raffinés. Mais les sentiments n’intéressent pas Preston Sturges…

The Palm Beach story (Preston Sturges, 1942)

La charmante épouse d’un architecte raté décide de plaquer son mari qui va tenter de la reconquérir.

The Palm Beach story est donc une classique comédie de remariage. Un peu trop classique. La convention n’y est que rarement dépassée. L’inhabituelle vérité érotique du début cède rapidement la place au déroulement convenu d’une intrigue analogue à celle de Cette sacrée vérité. Certes, rarement dans la comédie américaine la dimension matérialiste du couple aura été évoquée aussi explicitement mais Sturges passe à côté de ce sujet à cause d’une résolution du drame facile et attendue.

Son film est cependant de très bonne facture. Il est drôle, enlevé, mouvementé, divertissant. Si le couple qu’elle forme avec le terne Joel McCrea n’est pas des plus étincelants, Claudette Colbert, égale à elle-même, ne manque pas d’entrain. Les penchants loufoques de l’auteur sont tantôt réjouissants (la scène de chasse dans le train), tantôt poussifs (le personnage de Toto). Preston Sturges est un virtuose qui sait emballer son affaire mais faute d’une réelle attention aux personnages et au sujet, son film n’a pas la profondeur émotionnelle des chefs d’oeuvre de Hawks, McCarey, Capra ou Lubitsch. Bref, The Palm Beach story est une comédie mineure mais plaisante.

Les voyages de Sullivan (Preston Sturges, 1941)

Le classique de Preston Sturges n’est pas un film si comique que ça. La satire envers le réalisateur d’Hollywood qui se pique de vivre comme un pauvre, sorte de bobo avant l’heure, est pour le moins grinçante et prend un tour carrément sinistre à la fin. Le film est une odyssée, voyage aussi bien physique qu’intérieur et a presque autant à voir avec le récit picaresque qu’avec la comédie. C’est rondement mené mais c’est infiniment moins drôle et joyeux que les chefs d’oeuvre du genre. Ajoutons que le happy end passe par une morale très douteuse (« t’es réalisateur donc on te sort du bagne même si tu as frappé un homme avec une pierre ») sans que cette morale ne semble remise en question par l’auteur.

Miracle au village (Miracle of Morgan’s Creek, Preston Sturges, 1944)

Pendant la Seconde guerre mondiale, un homme que l’armée a recalé tente de limiter les dégâts suite au mariage, lors d’une fête trop arrosée, de la femme qu’il aime avec un soldat parti au front.
Toute la première partie avant le mariage est très bien vue, l’enchaînement des situations particulièrement brillant montrant l’homme se mettre petit à petit dans un pétrin hallucinant pour les beaux yeux de la femme. Par la suite, Preston Sturges s’éloigne du couple pour aller vers une dérision plus générale, dans laquelle il exerce avec virtuosité son comique de l’absurde et de la destruction. Les nombreuses séquences qui se concluent par la chute d’un personnage renvoient aux grandes heures du burlesque. Néanmoins, aussi brillantes que puissent être son écriture et sa mise en scène, il manque peut-être à Sturges une vision du monde qui le hisserait au niveau des plus grands. La mécanique profondément humaniste de Lubitsch, la foi inébranlable de McCarey, ou même la délicieuse régression adolescente de Hawks, étaient la marque de grands artistes qui chacun à leur façon révélaient une vérité essentielle sur le couple ou sur le monde. En revanche, la verve essentiellement destructrice de Sturges -qui n’a rien d’anarchisante au contraire de celle des Marx par exemple- a une portée plus limitée. Les personnages ne sortent guère de leur caractérisation grotesque. Ainsi, alors que McCarey et Lubitsch savaient faire rire sans sacrifier l’émotion, on ne croit pas une seule seconde aux pleurs de Betty Hutton qui est d’ailleurs une actrice assez insupportable.
Mais que ces quelques réserves n’induisent pas l’amateur en erreur: Miracle au village est un film certes superficiel mais jubilatoire et très drôle. Ce qui est le principal pour une comédie.