Au XIXème siècle, un enfant naturel élevé dans un couvent retrouve sa mère qui lui raconte son histoire…
Je n’aime guère le style de Raoul Ruiz qui a tendance à figer la vie sous un glacis de travellings millimétrés. En témoigne son épouvantable adaptation de Proust. Les mystères de Lisbonne est néanmoins un film époustouflant parce qu’il s’agit du récit le plus vertigineux vu au cinéma depuis, disons, Il était une fois en Amérique. Se déployant sur une durée-fleuve de 4h30, la narration multiplie et imbrique les flashbacks, flash-forwards et autres glissements de point de vue sans perdre le spectateur. Ce spectateur ne s’ennuie pas non plus pour peu qu’il soit sensible au charme d’intrigues qui descendent en droite ligne des feuilletons populaires du XIXème siècle. Filles de bonne famille perdues par amour, brigands devenus prêtres, sinistres hommes de main cachés derrière la porte dérobée, duels pour l’honneur…et coïncidences énormes que ne renierait pas le Victor Hugo des Misérables sont en effet la matière des Mystères de Lisbonne.
Mais alors quid de la mise en scène de Ruiz? Même si le foisonnement romanesque fait que le film ne manque pas de souffle, la mise en scène de Ruiz, toujours aussi précieuse et certes moins enlevée que celle d’un Walsh ou d’un de Broca, n’est pas idéale pour rendre le mouvement de telles aventures. Pourtant, la distance induite par l’extrême sophistication des plans, distance qui apparente le film au livre d’images plus qu’au cinéma d’aventures hollywoodien, se justifie magistralement et douloureusement à la fin. Ces Mystères de Lisbonne sont brodés de l’étoffe des rêves d’enfant.