St Louis blues (Raoul Walsh, 1939)

Une chanteuse de Broadway fuit son imprésario qui la force à se déshabiller et rejoint un showbat sur le Mississipi…

Une surprise qui récompense le cinéphile s’étant précédemment enquillé une vingtaine de films de Raoul Walsh des années 30. En effet, la qualité des numéros musicaux, la splendeur du noir et blanc, le pittoresque des seconds rôles (la vieille avec son cigare), la beauté assez complexe des rapports entre la chanteuse et son producteur, la vivacité du rythme et le dynamisme général font de St Louis blues un vrai bon film, selon moi le meilleur musical signé Raoul Walsh.

College swing (Raoul Walsh, 1938)

Pour hériter de l’université fondée par son aïeul il y a deux cents ans, une cancre doit obtenir son examen.

Comédie musicale plus consternante qu’autre chose. En plus de préfigurer Samuel Fuller, Martin Scorsese ou Clint Eastwood, Raoul Walsh a aussi préfiguré Christian Gion (les films analogues de Claude Zidi sont mieux).

Artistes et modèles (Raoul Walsh, 1937)

La petite amie d’un publicitaire séduit le commanditaire de son fiancé pour être la vedette de sa nouvelle campagne.

La rayonnante splendeur de Ida Lupino à vingt ans et des numéros musicaux et dansants qui montrent la tranquille suprématie de Hollywood en matière de divertissement spectaculaire sont les principaux atouts de cette sympathique comédie où les femmes mènent les hommes par le bout du nez pour concrétiser leurs ambitions. Sans être génial, Artistes et modèles est un des rares bons films de Raoul Walsh tournés dans les années 30.

Hors du gouffre (The man who came back, Raoul Walsh, 1931)

Un fils à papa chassé par son père pour ses débauches tombe amoureux d’une chanteuse de cabaret…

Le couple borzagien par excellence Janet Gaynor/Charles Farrell est ici filmé par Raoul Walsh car l’échec de Liliom a dépossédé l’auteur de L’heure suprême du projet. Le mélo a beau être alambiqué et verbeux, les grands gestes théâtraux du toujours sympathique Charles Farrell ont beau passer moins bien que dans les films muets, la douceur sublime de Janet Gaynor et les éclairages de Arthur Edeson font de Hors du gouffre un pas si mauvais film que ne l’a dit sa star féminine (« mon plus mauvais film« ).

Sa dernière course (Salty O’Rourke, Raoul Walsh, 1945)

Pour rembourser sa dette à un malfrat, un joueur pousse le jockey du cheval sur lequel il va parier à s’entraîner et à aller à l’école.

Ce bref synopsis donne un aperçu des bifurcations d’un récit original qui navigue entre film noir, comédie et film sentimental. Malheureusement, et contrairement à d’autres films de Raoul Walsh, le liant entre toutes ces parties peine à s’effectuer, en premier lieu à cause d’Alan Ladd, inadapté à un rôle qui eût nécessité la dureté comique d’un Cary Grant ou d’un James Cagney. Les motivations de son personnage ne tiennent pas debout. Le scénario retombe conventionnellement sur ses pattes mais les scènes entre la toujours adorable Gail Russell et Stanley Clements, qui joue le jeune, touchent par une certaine justesse.

Les deux aventuriers (Jump for glory, Raoul Walsh, 1937)

Un cambrioleur tombe amoureux d’une riche demoiselle qu’il cambriolait mais son ancien acolyte se met en travers de leur bonheur.

Deuxième film tourné par Walsh en Grande-Bretagne, après O.H.M.S. Ce n’est pas franchement mieux sans être complètement nul, grâce à la présence féline Douglas Fairbanks Jr. On songe parfois à La main en collet, en beaucoup moins bien à cause d’une mise en scène nettement plus terne que celle du film de Hitchcock.

Marines, let’s go (Raoul Walsh, 1961)

Pendant la guerre de Corée, des soldats américains partent en permission au Japon.

Parmi les maîtres classiques hollywoodiens, il n’y a pas que Howard Hawks qui, en fin de carrière, refît paresseusement ses anciens succès. Marines, let’s go est une resucée du Cri de la victoire, en plus comique. Comme l’adaptation de Léon Uris, ce film tire sa beauté du contraste entre ses deux parties: la permission et le combat. L’expérience de la mort donne un prix inestimable à la légèreté paillarde qui l’a précédée. Pour Raoul Walsh, filmer les Marines en Corée n’est pas exalter l’idéologie qui a motivé leur envoi (l’anticommunisme n’est ici qu’un sujet de moquerie) mais donner raison (mille fois) à leur hédonisme. Aussi crétins puissent-ils parfois paraître, le regard de l’auteur sur les bidasses en goguette est plein de sympathie et ne manque pas de tendresse. Un peu comme dans La brune brûlante, le Cinémascope-couleur est l’écrin d’un comique furieux. Sans être à proprement parler géniale, la mise en scène semble couler de source. Le découpage est fluide et le rythme vif. Ainsi, malgré l’inconsistance du scénario, Marines, let’s go se laisse regarder avec intérêt.

Faiblesse humaine (Sadie Thompson, Raoul Walsh, 1928)

Sur une île du Pacifique, une ancienne chanteuse courtisée par la soldatesque est prise en grippe par un activiste puritain.

La nature du pouvoir et la motivation du puritain lorsqu’il refuse l’expulsion à Sydney auraient gagné à être précisées mais, mené par un grand duo d’acteurs apte à restituer toute la complexité évolutive de leurs personnages et doté d’une mise en scène expressive et riche de détails qui transfigure la quasi-unité de lieu, Sadie Thompson n’en demeure pas moins un très bon film de Raoul Walsh.

Wild girl (Raoul Walsh, 1932)

Dans une communauté de pionniers, une jeune fille garçon manqué est courtisée par deux joueurs et un puritain voulant être élu maire tandis qu’un ancien confédéré recherche ce dernier pour accomplir une vengeance.

En adaptant une pièce elle-même adaptée d’un roman de Bret Harte, Raoul Walsh a réalisé une oeuvre dans la continuité directe de La piste des géants. Le film commence là où le précédent se terminait: la communauté est établie mais pas complètement civilisée.

Comme dans le western avec John Wayne, la superbe -quoique moins monumentale- appréhension des décors naturels, avec la claire lumière descendant dans les immenses séquoias en bas desquels s’animent les hommes, constitue l’atout majeur de Wild girl. C’est un cadre réaliste et poétique qui transfigure l’origine théâtrale du scénario. Voir par exemple la première rencontre entre le héros et l’héroïne, alors que cette dernière se baigne dans un lac.

D’un récit mouvementé et hétéroclite, où l’aptitude de Walsh à varier les registres fait merveille, émerge une morale pessimiste: les gentils doivent fuir la civilisation et se retrouver proscrits pour réaliser leur bonheur. Une séquence terrible où un père de famille est lynché témoigne également de cette audacieuse noirceur.

On note également un étonnant générique « guitryesque » où les acteurs présentent oralement le personnage qu’ils incarnent. Des transitions de montage en forme de pages qui se tournent affichent la dimension romanesque du film mais apparaissent parfois comme de regrettables ellipses; étrangement, deux séquences d’action potentiellement spectaculaires ne sont pas montrées mais racontées par le truculent Eugene Palette.

Malgré ce parti-pris qui accélère le rythme mais rétrécit l’ampleur d’un film ne durant que 1h20 et malgré une Joan Bennett parfois trop sophistiquée dans son habillement et son maquillage pour son rôle, Wild girl s’avère donc un très bon film; en fait le deuxième meilleur réalisé par Raoul Walsh entre 1931 et 1938.

Empreintes digitales (Big brown eyes, Raoul Walsh, 1936)

Après une dispute avec son fiancé policier, une manucure est engagée dans un journal où elle enquête sur la même affaire criminelle que son ex.

Alors que ses films réalisés dans les années 30 sont majoritairement décevants, cela fait plaisir de retrouver le rythme vif, les ruptures de ton surprenantes mais logiques et le populisme de bon aloi (les clients du coiffeur qui font office de choeur tragique!) propres à Raoul Walsh dans un bon film. Cette comédie policière, non dénuée de gravité, bénéficie de dialogues vachards, de l’amoralisme du style qui détourne la convention et d’un Cary Grant plus plébéien qu’à l’accoutumée mais non moins spirituel; son couple avec Joan Bennett fonctionne bien.

 

Les déchaînés (A private’s affair, Raoul Walsh, 1959)

Pendant leur entraînement, trois appelés aimant chanter sont repérés par un producteur de spectacle télévisé mais l’un d’entre eux perd sa voix et, abusant des médicaments pour la retrouver, s’endort et, à cause d’un échange de lits à l’infirmerie, est marié dans son sommeil à l’assistante du secrétaire d’état à la Défense.

C’est tout le génie de Raoul Walsh que de conférer à un échaufaudage narratif qui paraît aussi alambiqué sur le papier un naturel souverain grâce à sa maîtrise tranquille de la mise en scène: ampleur du Cinémascope qui évite de fragmenter les séquences, fluidité du ton, incarnation du récit à travers l’action, aisance des transitions, équilibre dans la caricature, invention des gestes qui insuffle une vérité nouvelle à une séquence aussi conventionnelle que celle où les recrues retrouvent leurs dulcinées à la plage. Pour brocarder l’absurdité de l’ordre militaire, le comique de répétition -ou plutôt de variation- est poussé dans ses ultimes retranchements.

Derrière la pochade courtelinesque,  le vieux maître porte un regard détaché sur la modernité sous ses différents aspects: assouplissement des règles de la caserne, femmes accédant aux postes à responsabilité, télévision, beatniks…mais l’administration est toujours aussi stupide et la soldatesque toujours en quête de femmes: « pour que rien ne change, il faut que tout change », Walsh aurait pu réaliser Le guépard. Ainsi, Les déchaînés n’est pas un film aussi mineur que son sujet et sa distribution, constituée par les jeunes premiers de la Fox, ne le laissent paraître.

Au service de la gloire (What price glory, Raoul Walsh, 1926)

Dans un village picard pendant la première guerre mondiale, un capitaine des Marines retrouve un sergent avec lequel il a l’habitude de se battre pour les femmes.

Cela manque de concision à certains endroits mais, cinéaste au sommet de son art, Raoul Walsh mêle magnifiquement la truculence (beaucoup), l’émotion (un peu) et la virtuosité spectaculaire (plus que dans son oeuvre ultérieure, les artifices de la Fox sont notamment utilisés pour styliser les grandioses batailles). Magistral et en tous points supérieur à la version de Ford tant l’inventivité visuelle et, aussi, une plus grande empathie de Walsh envers les « femmes à soldats », empêchent ici la verdeur de sombrer dans la vulgarité.

The lucky lady (Raoul Walsh, 1926)

L’héritière du trône d’un petit royaume dont l’économie est basée sur le jeu refuse un mariage arrangé et s’entiche d’un touriste américain.

Sympathique petite comédie à la Lubitsch agrémentée d’un dynamisme typique de Walsh (la course-poursuite entre amoureux) . Les savoureux cartons sont ce qu’il y a de plus amusant.

Regeneration (Raoul Walsh, 1915)

A New-York, un gangster se repend par amour…

Le récit schématique et moralisateur est d’autant moins convaincant que l’on ne voit jamais le gangster en question commettre de crime. Toutefois, ce récit est étayé par le réalisme brutal, mouvementé et parfois inventif (la fuite finale du méchant) de la mise en scène. A ce titre, ce premier long-métrage de Raoul Walsh est remarquable et annonce l’oeuvre à venir (The Bowery notamment).

Me and my gal (Raoul Walsh, 1932)

Un policier new-yorkais est entiché d’une jeune fille dont la soeur est la maîtresse d’un bandit en cavale…

Petit film assez sympathique qui, après une première partie grouillante de vie avec des personnages multiples dont certains sont pris entre deux feux, a quand même vite fait de retrouver les rails de la convention.

Rivaux (Under pressure, Raoul Walsh et Irving Cummings, 1935)

A New-York, deux équipes rivales percent un tunnel sous la mer…

Les quelques notations documentaires (ainsi des risques de malaise encourus par les ouvriers lorsqu’ils remontent à la surface) sont ce qu’il y a de plus intéressant dans ce digne et conventionnel petit film à la gloire des perceurs de tunnel.