La Force de vaincre (Tough Enough, Richard Fleischer, 1983)

Pour payer les factures, un chanteur de country se lance dans la boxe.

Le sujet est intéressant, les acteurs sont sympathiques et il y a une justesse dans le détail des scènes intimistes mais deux gros écueils empêchent ce film tardif de Richard Fleischer d’être beaucoup mieux que moyen:

  1. problème de rythme général à cause d’un appesantissement sur les scènes de boxes, trop longues, et d’un manque de focus sur l’évolution du héros. Le développement de son goût pour la violence peine à se faire sentir.
  2. une absence de courage critique et une putasserie qui entraînent un manque de cohérence profonde: d’un côté, Tough enough raconte l’histoire, assez subversive, d’un brave type qui se détruit physiquement -et détruit d’autres types- pour subvenir aux besoins de sa famille (puis par orgueil). De l’autre, lorsque ce brave type gagne par KO, sa victoire est célébrée comme si de rien n’avait été, avec tous les flonflons hollywoodiens de circonstance. Dans le même ordre d’idées, les touches d’humour qui parsèment le film sonnent faux.

Mandingo (Richard Fleischer, 1975)

Dans une plantation du Sud des Etats-Unis, le fils achète un esclave et en fait un lutteur.

Au-delà des images de violence sauvage qui n’ont rien perdu de leur puissance de choc, cette grande fresque de l’esclavage, si elle pâtit d’une exposition un peu longue, rend sensible une dialectique de la déshumanisation et de la réhumanisation qui passe aussi bien par les rebondissements d’un récit retors mais cohérent car centré sur les pulsions sexuelles des personnages que par l’attention de la caméra au regard perdu de Ken Norton. Finalement, seul le personnage de James Mason, avec son enfant noir repose-pieds, apparaît caricatural. Comme dans Les damnés, l’abondance de zooms, étonnante chez un cinéaste classique de l’acabit de Richard Fleischer, participe d’une esthétique déviante en accord avec le sujet infernal et décadent. En définitive, Mandigo s’avère un des meilleurs films de son réalisateur.

Soleil vert (Richard Fleischer, 1973)

En 2022, dans un New-York ultra-pollué, un policier enquêtant sur le meurtre d’un notable met à jour une terrible vérité.

Avec les propos terrifiants de justesse du personnage de Edward G.Robinson au début du film, j’ai craint que visionnier ce dernier ne me fasse culpabiliser de mon mode de vie d’occidental et n’entraîne chez moi une prise de conscience me transformant en écolo relou. Heureusement, plus de peur de que de mal: réduisant son récit à une intrigue policière (mal fichue car intégrant mal des concessions à l’image de la star), il s’est avéré tout à fait inoffensif politiquement parlant. Soleil vert fait partie de l’espèce terriblement ennuyeuse des films se réduisant à une idée. Et comme cette idée est plus connue que le film lui-même, regarder le film ne présente à peu près aucun intérêt.

L’étrangleur de Boston (Richard Fleischer, 1968)

Au début des années 60, la police de Boston chercher à retrouver un criminel qui étrangle des femmes.

Suremployé, le split-screen a tout d’un gadget fatigant. La narration ne privilégiant aucun point de vue, le spectateur ne sait pas vraiment pourquoi les auteurs se sont piqués de faire un film de ces faits divers monstrueux: l’adresse finale fait office de note d’intention plus que de conclusion. Heureusement, il y a Henry Fonda (le jeu de Tony Curtis est trop chargé).

L’énigme du Chicago-express (The narrow margin, Richard Fleischer, 1952)

Un policier est chargé de protéger une témoin-clé d’un procès contre la mafia dans le train qui l’amène au tribunal.

Un titre emblématique des qualités techniques de la série B américaine policière du début des années 50 : sécheresse, concision, dureté. L’inventivité formelle de Richard Fleischer se manifeste dans l’importance dramatique des reflets mais c’est bien le seul trait qui singularise son film, exercice de style habile mais dénué de toute profondeur morale, psychologique, documentaire ou politique.

Child of divorce (Richard Fleischer, 1946)

Les parents d’une petite fille divorcent.

Un drame court, sec et juste. Voir un film hollywoodien montrer, avec autant de cruauté tranquille que chez Luigi Comencini ou Mikio Naruse, des parents se désintéresser de leur progéniture stupéfie. Coup d’essai, coup de maître pour Richard Fleischer.

Barrabas (Richard Fleischer, 1961)

Après avoir été gracié par la foule à la place de Jésus-Christ, le voleur Barrabas erre, tourmenté, dans l’empire romain.

Les plans longs, larges et beaux de Richard Fleischer posent un regard d’esthète sur ce long et redondant itinéraire spirituel, alourdi par une distribution d’acteurs prestigieux mais jouant sans nuance.

Duel dans la boue (These thousand hills, Richard Fleischer, 1959)

Dans une ville du Far-West, l’ascension d’un jeune homme ambitieux.

Duel dans la boue est une fable romanesque sur l’arrivisme corrupteur qui utilise pas mal de conventions narratives mal digérées. Ainsi de la caractérisation du méchant, trop systématiquement opposé au héros pour être crédible. Il n’y a pas non plus beaucoup d’action et le récit avance plus à travers des dialogues en intérieurs qu’à travers des chevauchées.

Néanmoins, Duel dans la boue est un bon western car la mise en scène de Richard Fleischer étoffe considérablement un scénario trop souvent simpliste. Prenons pour exemple la séquence du lynchage. D’abord, la sécheresse du découpage et la brutalité des cadrages lui insufflent une force dramatique comme seuls savaient le faire les maîtres hollywoodiens de l’époque. Mais ce n’est pas tout. Fleischer nuance la grossièreté de la situation en faisant tirer un des lyncheurs sur la corde. Ce geste furtif n’influencera guère la suite de l’histoire (le lynché était en fait déjà mort) mais charge d’un poids d’humanité ce qui était écrit sur le papier. Les personnages ne sont alors plus des pantins asservis à la mécanique (pas très brillante) du scénario mais des êtres de chair et de sang dont les réactions peuvent contredire le sens général d’une scène.

A ce titre, si le héros est le réceptacle quelque peu forcé du discours des auteurs sur les méfaits de l’ambition, la prostituée interprétée par Lee Remick est un magnifique personnage. Elle est le reflet à la fois biaisé et exacerbé du drame. Le jeu détaché de l’actrice, son charme évanescent et, évidemment, le bleu insondable de ses yeux sont pour beaucoup dans la beauté de Duel dans la boue.

Les complices de la dernière chance (The last run, Richard Fleischer, 1971)

Un gangster à la retraite refait un dernier coup: conduire un jeune truand qui vient de s’évader.

Un polar banal et superficiel sauvé par la présence de George C. Scott qui donne une épaisseur humaine à son personnage stéréotypé. La fin,  touchante dans sa cruauté, donne la mesure de ce que le film aurait pu être s’il avait mieux exploité la différence de génération entre ses protagonistes.  La musique de Jerry Goldsmith et le charme de la rare  Trish van Devere empêchent aussi l’ennui de s’installer trop durablement. Il n’empêche: l’année suivante, l’association entre Richard Fleischer et George C. Scott allait donner lieu à un polar d’une toute autre envergure:  Les flics ne dorment pas la nuit.

Les flics ne dorment pas la nuit (The new centurions, Richard Fleischer, 1972)

Avec ses courses-poursuites urbaines, avec sa bande-son funky signée Quincy Jones, et surtout dans sa description quotidienne du travail des policiers, Les flics ne dorment pas la nuit peut être vu comme la matrice esthétique des séries qui allaient régner sur la télé américaine les vingt années suivantes. Ce premier état de fait le hisse déja parmi les polars importants de la décennie. Pourtant, bien que le film soit peu dramatisé et focalisé sur le métier de flic, Richard Fleischer va au-delà du simple enregistrement simili-documentaire et insuffle à son constat social désespéré une vérité humaine en rendant prégnant les fêlures qu’entraîne le boulot, centrant son film sur deux magnifiques personnages interprétés par des acteurs au sommet: Stacy Keach et George C.Scott. Il faut voir la profondeur émotionnelle et le sens qu’arrive à donner le cinéaste à un simple champ-contrechamp (dans la séquence où George C.Scott regarde les voitures de patrouille s’éloigner) pour mesurer la maîtrise de son art.