La plume blanche (Robert D.Webb, 1955)

Alors que les Cheyennes sont la dernière tribu à ne pas avoir signé le traité de paix, un jeune colporteur noue une amitié avec le fils du chef…

Ce western pro-indien se distingue des autres en ceci qu’il ose représenter une histoire d’amour entre le héros blanc et une Indienne. Il se montre ainsi plus audacieux que Danse avec les loups réalisé 35 ans plus tard. Le scénario signé Delmer Daves est fin et habile mais, handicapée par la fadeur de Robert Wagner, la mise en scène manque de point de vue et de conviction. Sauf dans la très belle séquence finale, la fusion des différents arcs narratifs apparaît laborieuse et artificielle. Plus que jamais, le Cinémascope permet au réalisateur d’éviter de faire des choix dans son découpage. Les plans larges sont nombreux et riches de figurants mais cadrés sans imagination. A certains instants, la photo de Lucien Ballard supplée remarquablement cette lacune, tel les images de l’exode où les Indiens apparaissent comme sédimentés par l’Histoire. Bref, La plume blanche est un bon western qui aurait pu être grand si Robert D.Webb s’était montré plus inspiré par son matériau, intéressant à divers titres.

Le shérif (The proud ones, Robert D. Webb, 1956)

Pour lutter contre un caïd, un shérif vieillissant embauche comme adjoint le fils d’un truand qu’il a tué…

Rarement western aura fusionné l’intimisme et le politique avec autant d’évidence. La chronique des derniers jours du mandat d’un shérif dans une ville en pleine expansion économique permet aux auteurs d’aborder plusieurs thèmes, certains typiques du western (la relation entre l’homme de loi expérimenté et le jeune chien fou, l’établissement du law and order…), d’autres plus inhabituels (le vieillissement qui rend inapte au métier). Le traitement est simple et précis, le rythme est ample et fluide, le regard est droit et toujours à hauteur d’homme. Clairement, on songe à Hawks d’autant que Walter Brennan campe ici rigoureusement le même personnage que dans Rio Bravo, qui sortira deux ans plus tard.

Le film est plein de détails qui donnent de l’épaisseur aux personnage et enrichissent l’intrigue. Ainsi d’un adjoint démissionnant sans que l’on ne sache vraiment si c’est par lâcheté ou parce que sa femme est sur le point d’accoucher.  La plus belle de ces idées est sans doute d’avoir rendu le shérif sujet à des crises de cécité partielle après qu’il a été agressé. Ces crises obligent parfois le héros à fuir devant l’ennemi et donc l’humanisent considérablement. Plus subtilement, on retrouve ce poids d’humanité du héros dans son acharnement quasi-obsessionnel. En témoigne la scène où il explose de colère face à un conseil municipal qui s’accommode fort bien des nouveaux tripots, très bons pour les affaires. Le jeu extraordinaire du grand Robert Ryan (c’est peut-être son plus beau rôle au cinéma) dit ici toute la rigueur puritaine qui motive son personnage, parfois à l’encontre des gens qui l’ont élu.

D’une façon générale, la compromission morale de la communauté est très bien montrée: précisément et graduellement. Il n’y a pas de simplification abusive et démagogique au service d’un quelconque message politique ou ressortant d’une convention mal digérée mais la présentation claire, rigoureuse et intelligemment dramatisée de chacun des tenants et aboutissements d’une situation donnée. Bref: un précis de mise en scène.

En somme, Le shérif est un des meilleurs westerns urbains qui soient.