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Un gangster en cavale se réfugie dans un château habité par un couple d’aristocrates dégénérés.
Roman Polanski et son scénariste Gérard Brach ne tirent pas parti de cette situation potentiellement excitante. Faute de talent ou faute de modestie, leur huis-clos est dénué de toute tension dramatique. Plutôt qu’un thriller, ils ont réalisé un film en roue libre où ils se laissent aller à un absurde de supermarché. S’articulant autour de la thématique éculée de la jolie femme frustrée mariée à un aristocrate impuissant, Cul-de-sac est bourré de signes assénant au spectateur complice qu’il est face à un film « étrange et anticonformiste »: les plans récurrents sur des poules, un gamin qui prend la carabine et se met à tirer, le jeu grotesque et insupportable de Donald Pleasence…
Le problème est que cette dissémination est dénuée de la moindre cohérence. Chez Bunuel et Carrière, le surréalisme est d’abord un principe dramatique et en tant que tel, il n’a rien de gratuit, il exprime le nécessaire credo esthétique de l’auteur. Dans Cul-de-sac au contraire, il n’y a pas de mise en scène digne de ce nom, c’est à dire agencement des acteurs, des objets et des situations suivant une vision déterminée. Par exemple, toutes les scènes avec les invités n’ont aucune autre fonction (dramatique, plastique, poétique…) que celle de générer de la bizarrerie à peu de frais.
Il n’y a pas de mouvement, pas de gestion du temps. Le style du film est un style théâtral sans dramaturgie digne de ce nom et sans caractère intéressant. Les personnages sont des caricatures qui n’évoluent pas au cours du film. Les intentions (attaque de la morale, poésie de l’absurde…) sont lourdes, l’exécution manque de la plus élémentaire des rigueurs. Cul-de-sac est le faux bon film par excellence. Il n’y a qu’à comparer ce film avec un Losey ou un Bunuel réussi de la même période pour se rendre compte de l’indigence de la mise en scène de Polanski.