Metropolitan (Whit Stillman, 1990)

Un garçon issu d’un milieu populaire s’intègre à une bande de jeunes de la haute-société new-yorkaise.

Une qualité essentielle qui empêche le film d’être ennuyeux: l’ingéniosité avec laquelle Whit Stillman fait oublier la maigreur de son budget. Des images des grands hôtels enregistrées en catimini, la composition étudiée des plans d’intérieur, les cartons qui prennent soin d’abstraire le récit de toute temporalité précise et les lents fondus au noir stylisent Metropolitan et insufflent à la chronique naturaliste une atmosphère ouatée et discrètement nostalgique.

Le problème est que le récit ne suit pas. Stillman n’approfondit pas les prémisses dramatiques. La différence de milieu social est vite éludée, l’auteur préférant focaliser autour d’un arc vaguement mythologique et puritain (le diabolique Ric) et filmer de longs palabres sans objet. Les dialogues ont ici une place prépondérante. Mais là où chez Rohmer, une discussion sur Pascal caractérisait profondément les protagonistes, les débats philosophico-culturels ne révèlent des personnages de Stillman rien d’autre que leur vanité. Le jansénisme travaillait Rohmer tandis que Stillman n’a aucun point de vue sur le fouriérisme ou le surréalisme. En dehors certes de celui sur Jane Austen, ces échanges stériles ne semblent n’être là que pour l’étalage de références sophistiquées (Fourier, Bunuel, le cha-cha-cha…).

Où l’auteur veut-il en venir? De la même façon que le risque, en filmant l’ennui, est de film faire un film ennuyeux, le risque, en filmant des personnages creux, est de faire un film creux. Ce n’est pas l’ironie bon teint dont Stillman saupoudre son oeuvre qui cache la fascination un rien béate qui est la sienne envers ces jeunes gens en tenue de soirée buvant des cocktails dans les salons les plus luxueux de New-York. Il se garde bien de toute critique sociale conséquente. Par critique sociale, je n’entends pas « discours marxiste » mais précision d’un regard vif et pénétrant tel que celui de Fitzgerald dans Tendre est la nuit ou celui de Jacques Becker dans Edouard et Caroline.

Pourtant, il semble que Stillman ait bien un « propos » à exprimer. Il semble intéressé par la sociologie, la décadence, le caractère éphémère des groupes d’amis. Le problème est que ces obsessions ne sont tangibles que parce que les protagonistes en parlent. Dans la scène où les « héros » font part de leur peur du déclassement à un anonyme pilier de bar, éclate la facilité d’un narrateur qui, impuissant à exprimer le sens à travers récit et mise en scène, fait artificiellement théoriser ses personnages sur leur condition.

Bref, avec ce premier film, Stillman révélait un talent certain de metteur en scène un tantinet gâché par la faiblesse de l’écriture et une fâcheuse tendance à la préciosité.