La vipère (The little foxes, William Wyler, 1941)

Dans le Sud des Etats-Unis, une femme fait pression sur son mari malade pour obtenir l’argent nécessaire à une affaire industrielle menée avec ses deux frères.

Au début, l’arrière-plan historique, les digressions avec les serviteurs Noirs et l’impressionnant travail sur la profondeur de champ rappellent carrément La règle du jeu et laissent penser que William Wyler a transformé la pièce de Liliane Hellman en oeuvre cinématographique digne de ce nom. Malheureusement, cette impression s’avère vite trompeuse car rarement le temps et l’espace auront été aussi mal restitués dans un film; des séquences censées se dérouler à des milliers de kilomètres de distance se succèdent comme si les personnages n’avaient fait que changer de pièce. La mise en scène n’est finalement qu’un écrin décoratif enrobant les dialogues d’une demi-douzaine de personnages univoques qui délayent très longuement un drame cousu de fil blanc. Poussiéreux.

Le vandale (Come and get it, Howard Hawks et William Wyler, 1936)

A la fin du XIXème siècle, l’ascension sociale d’un ambitieux bûcheron.

La première partie est virile, spectaculaire (magnifiques plans de jetées de troncs dans le fleuve dues à l’assistant de Hawks, Richard Rosson) et typiquement hawksienne. Si Frances Farmer, trop grave, ne m’a pas convaincue en entraîneuse de bar, Edward Arnold, dans un de ses rares premiers rôles, est très bien. La suite du récit, malheureusement, ressort du bête mélo. D’ailleurs, face à l’intransigeance de Samuel Goldwyn qui ne voulait rien changer du scénario, Hawks s’est fâché et le tournage fut achevé par William Wyler. Frustrant.

L’insoumise (Jezebel, William Wyler, 1938)

A la Nouvelle-Orléans, quelques années avant la guerre de Sécession, une jeune fille est mise au ban de la société pour avoir dansé en robe rouge…

Il y a un hiatus entre la froideur du style et le romantisme de la conduite des personnages. En dehors de certaines scènes opératiques, telle la fin, l’attirance amoureuse des héros n’est guère rendue sensible. Cependant l’évocation de l’arrière-plan social et historique est d’une belle richesse. Même si le manque de variété du décor est quelque peu ennuyeux à la longue, la perfection de la direction artistique mise en valeur par une caméra très mobile et une multitude de détails dans l’écriture font que le vieux Sud est bien reconstitué. Tout ce travail serait purement décoratif si la variété des cadrages ainsi que le travail sur le profondeur de champ ne rehaussaient, tant que faire se peut, l’intensité d’une dramaturgie surannée.

L’héritière (William Wyler, 1949)

Un beau jeune homme sans le sou fait la cour à une héritière…

Hauteur de vue et fluidité font que le style suprêmement classique de William Wyler n’est ici pas très éloigné de celui du grand Otto Preminger. L’écriture est suffisamment subtile et dialectique pour ménager le mystère autour des intentions et motivations de chacun des protagonistes du drame. Tous sont interprétés avec justesse, sans caricature ni cabotinage. Le réalisateur assume parfaitement les origines théâtrales du huis-clos qu’il met en scène et la pertinence de chaque cadrage montre l’intelligence spécifique du cinéma qui pouvait être la sienne.

Le cavalier du désert (The westerner, William Wyler, 1940)

Un western à la fois archaïque et audacieux. L’archaïsme se ressent dans le caractère très figé de la mise en scène de Wyler. Pas de lyrisme, pas de mouvement, pas de vitalité, beaucoup de bavardages dans ce western aride aux cadres très composés. La mise en scène est à l’image d’un héros monolithique qui véhicule une vision d’une rare naïveté. Héros idéalement incarné par l’icône absolue qu’est Gary Cooper. On ne croit pas à ce personnage mais on s’y attache comme à un héros de BD. L’audace se manifeste dans les expérimentations plastiques de Wyler et de son mythique chef opérateur, Gregg Toland. Audaces qui ne brillent pas toujours par leur pertinence. On a notamment droit au plan subjectif d’un mourant.
Bref, c’est comme si Wyler, réalisateur habitué aux prestigieux mélodrames et aux grandes fresques, s’était complètement désintéressé de son sujet et avait élaboré sa mise en scène sans se soucier le moins du monde de sa narration et du genre. Pas de souffle, pas de sous-propos politique ni de morale comme c’était souvent le cas dans les grands westerns, mais un terrain de jeu pour le réalisateur et son chef opérateur. Plutôt que leurs expérimentations surranées, on appréciera la beauté naïve qui émane de ce livre d’images et de son héros hiératique.