La loi de Lynch (This day and age, Cecil B.DeMille, 1933)

Lorsqu’un racketteur est innocenté du meurtre d’un boutiquier qu’ils fréquentaient, des étudiants en droit se substituent à la justice.

M le maudit chez les ados (filature et procès sont très inspirés du film de Lang alors récent). Le film est intéressant (le typage juif du boutiquer est accentué jusqu’à la caricature mais il est présenté comme sympathique), vivement mené et contient quelques scènes fortes (l’extirpation des aveux au-dessus des rats) mais la censure de la MPAA -qui n’a pas attendu le renforcement du Code Hays en juin 1934 pour s’exercer- est passée par là et DeMille lui a complu en ajoutant force édulcorant artificiel au dénouement. D’où la parfaite inoffensivité de ce qui aurait pu être une réflexion sur la justice aussi percutante que d’autres polars « indignés » de l’époque (Afraid to talk, Okay America…).

Wine of youth (King Vidor, 1924)

Une jeune fille de la bourgeoisie américaine a bien l’intention de profiter de sa jeunesse, contre les recommandations de sa mère et les récriminations de sa grand-mère.

Comédie sociologique pleinement ancrée dans la bourgeoisie américaine des années 20, riche de vitalité et de mouvements. Par-delà le siècle qui nous en sépare, il y a une jolie justesse dans l’appréhension du couple sur le long terme.

Licorice pizza (Paul Thomas Anderson, 2021)

Dans les années 70 à Los Angeles, un acteur de 15 ans tente de séduire une femme de dix ans son aînée.

Ce qui frappe d’abord, c’est la médiocrité du scénario: quasi-nullité du récit, des dialogues, de la continuité dramaturgique, de la contextualisation, de la caractérisation des personnages. Du coup, de quoi sont constituées les deux heures et treize minutes que durent le film? Une succession de péripéties oiseuses, qui pourraient être qualifiée de « digressions » si seulement la trame principale était suffisamment nette.

L’important ne serait donc pas ce qui est raconté tout au long de l’oeuvre mais plutôt le potentiel de « fraîcheur » exprimé par chaque moment pris indépendamment des autres. Le plan-séquence introductif, merveilleux de vérité immédiate en dépit de sa virtuosité un brin ostentatoire, pourrait faire croire à la tenue d’un tel pari. Le problème est que le style du réalisateur n’a rien à voir avec celui d’un « spontanéiste », type Kechiche, mais tout à voir avec celui d’un formaliste, type David Lynch à qui m’a précisément fait songer le grotesque à retardement de la séquence au commissariat.

Si la splendeur visuelle de la reconstitution est plaisante et s’il est hautement appréciable de voir un cinéaste se soucier à ce point de son découpage et ne pas se cantonner au champ contre-champ, sachant parfois insuffler une expressivité à des séquences qui devaient être peu de choses sur le papier par le seul truchement de la forme (indéniablement, Licorice Pizza « est du cinéma » car ce ne saurait être autre chose), force est de constater que, au bout de 2h13, plusieurs procédés d’abord séduisants ont viré à la rhétorique: ainsi, les travellings latéraux sur des gamins qui courent avec en fond sonore une chansonette de l’époque peuvent au début figurer les élans du coeur mais s’avèrent finalement un peu creux à force de répétition.

Plus grave: la faiblesse du récit n’empêche pas l’arbitraire de l’auteur d’être patent. Par exemple, l’artifice de la coïncidence du moment où la fille se rend compte que la jauge est vide et celui où le garçon fracasse la voiture de son client montre le marionettiste à l’oeuvre. A quelles fins? Une vague impression de bizarre, ni franchement comique ni vraiment dramatique. Une coquetterie gentiment saugrenue, à peine préparée par ce qui a précédé dans le film et qui n’aura aucune incidence sur la suite; qui donc aurait pu tout aussi bien être coupée du montage. Bien trop de séquences dans Licorice Pizza fonctionnent sur ce principe, purement gratuit, du gentiment saugrenu mâtiné de clins d’oeil à la sous-culture américaine (ici, le propriétaire de la voiture est l’ancien mari de Barbra Streisand, ce qui nous fait une belle jambe). A l’image du titre, non traduit par des distributeurs toujours plus soumis à l’Oncle Sam.

Que ces fortes réserves n’induisent pas le lecteur en erreur sur mon appréciation du film. Parce que Licorice Pizza a été grandement surestimé à sa sortie il y a six mois, le retour de balancier est en quelque sorte naturel. Pourtant, à l’heure d’un cinéma hollywoodien gangréné par l’écriture feuilletonesque, la foi et le talent de Paul Thomas Anderson pour recréer un espace-temps par la seule force de sa mise en scène sont dignes d’encouragements. J’aimerais simplement que pour son prochain film, sa mégalomanie soit tempérée au point que ce grand génie s’abaisse à plancher, ou à faire plancher des gens compétents, sur l’écriture. Vu les éloges dithyrambiques qu’il a récoltés pour Licorice Pizza, ce n’est pas gagné.

La vie ardente (Florestano Vancini, 1963)

En vacances en Sardaigne, une adolescente fuit sa riche famille pour aller s’amuser avec deux jeunes hommes dans une cabane reculée.

Languissante bluette auquel le virage dramatique de la dernière partie apporte une vraie profondeur mélancolique.

French postcards (Willard Huyck, 1979)

De jeunes Américains passent une année d’études à Paris.

Une relative fraîcheur, le plaisir amusant de voir de sympathiques seconds rôles français (Christophe Bourseiller, Marie-Anne Chazel, Anémone, Jean Rochefort…) parler Anglais et quelques bonheurs de mise en scène qui tournent tous autour de Marie-France Pisier rendent agréable le visionnage de cette très conventionnelle bluette.

Gwendolina (Alberto Lattuada, 1957)

Une jeune fille de la bourgeoisie dont les parents sont sur le point de se séparer vit ses premières amours.

Ecrit par Valerio Zurlini, Gwendolina montre l’importance de la mise en scène puisque si le thème -éveil amoureux d’une adolescente- est proche des premiers films de l’auteur de Été violent, le tout est d’une banalité qui l’apparente plutôt aux téléphones blancs, malgré l’absence de la fraîche candeur qui fait le charme des meilleurs films de ce courant ainsi que la présence de quelques très vagues notations sociologiques qui montrent que, en 1957, le cinéma italien n’était plus sous une cloche aussi hermétique qu’à l’époque de Signorinette.

Deux sœurs vivaient en paix (The bachelor and the bobby-soxer, Irving Reis, 1947)

Une lycéenne tombe amoureuse d’un peintre récemment jugé devant le tribunal présidé par sa soeur.

Amusante comédie, notamment grâce à Cary Grant qui n’hésite pas à se rendre ridicule. Comme souvent, le dernier tiers avec sa résolution conventionnelle peine à convaincre, au contraire des prometteuses et piquantes prémisses.

Un jeune héritier à l’université (Hiroshi Shimizu, 1933)

Le fils d’un riche commerçant fréquente une geisha donc se trouve exclu de son équipe universitaire de rugby.

Une certaine légèreté n’empêche pas quelques scènes mélodramatiques d’être présentes. Ce n’est pas mauvais mais encore un peu laborieux, loin d’avoir la grâce des grands films ultérieurs de Shimizu.

College swing (Raoul Walsh, 1938)

Pour hériter de l’université fondée par son aïeul il y a deux cents ans, une cancre doit obtenir son examen.

Comédie musicale plus consternante qu’autre chose. En plus de préfigurer Samuel Fuller, Martin Scorsese ou Clint Eastwood, Raoul Walsh a aussi préfiguré Christian Gion (les films analogues de Claude Zidi sont mieux).

The romantic age/Naughty Arlette (Edmond T.Gréville, 1949)

Dans un lycée anglais, une élève française tente de séduire le nouveau professeur, père de famille qui a aussi sa fille dans sa classe.

Le dynamisme visuel, l’équilibre des tons et une inventivité formelle qui verse parfois dans la coquetterie rendent ce film d’adolecentes tout à fait sympathique. The romantic age est une preuve que l’inégal Gréville était capable de transfigurer n’importe quel sujet grâce à sa mise en scène. Par exemple, ici, ses contre-plongées rendent sensible l’attirance érotique qui fait basculer le récit.

A brighter summer day (Edward Yang, 1991)

En 1960 à Taïwan, des bandes d’adolescents à la dérive se battent…

Et ça dure 3h57. Malheureusement, la fresque ambitionnée déçoit à cause du volontarisme dédramatisant du style: l’abondance de plans éloignés, de hors-champs injustifiés, d’ellipses impromptues, de raccords abrupts, de plans sous-exposés (explicable par les fréquentes pénurie d’électricité à Taïwan dans les années 60) maintient une distance entre le spectateur et les évènements qui, parfois, vire à l’obscurité narrative. J’imagine bien combien un tel parti-pris devrait retranscrire la perte de repères d’une jeunesse déracinée; j’imagine mais je ne ressens guère. Vanité du cinéma dit « moderne ».

Vision quest/Crazy for love (Harold Becker, 1985)

Un lycéen qui espère obtenir une bourse pour l’université grâce à son talent pour la lutte gréco-romaine défie un champion en la matière.

Le talent digressif, l’originalité du milieu sportif et la sensibilité de Harold Becker dans les scènes entre le héros et la jeune femme apportent une certaine justesse de détail à cette énième illustration du rêve américain, illustration dopée par une anthologie de variète 80’s (Madonna, Berlin, Don Henley, Paul Weller…).

Un si bel été (The greengage summer/Loss of innocence, Lewis Gilbert, 1961)

Leur mère malade à leur arrivée pour des vacances en Champagne, de jeunes Anglaises vont dans un hôtel habité par un charmant Anglais…

Le premier problème est que Kenneth More, l’acteur qui joue le type dont le charme fait succomber toutes les filles, n’a aucun charme. Difficile de croire à son personnage. Ensuite, la mise en scène ne rend guère justice aux jeunes filles ni aux paysages dans lesquels se déroule l’intrigue. Bref, cette adaptation de Rumer Godden a donné lieu à un film banal et manquant de sensibilité.

Le nouveau monde (Alain Corneau, 1995)

En 1959 à Orléans près d’une base américaine, les interactions d’un couple d’adolescents fasciné par la culture américaine avec un soldat et la fille d’un autre soldat.

Qu’il s’agisse des séquences de baston de bar ou de serment enfantin, une grande fausseté émane de la mise en scène. Souvent, l’idée littéraire exsude par tous les pores de la séquence, au détriment de toute vérité de l’instant. Pour compenser ce qu’il a probablement identifié comme des artifices de romancier, Alain Corneau a parsemé son film de détails naturalistes des plus sordides (castration d’un étalon, sciage d’un veau dans le ventre de sa mère, suicide dans le bain…). A mon avis, ce n’est pas une riche idée. Seule la scène avec l’accident de voiture m’a paru forte et sans complaisance.

Finalement, la relation entre le GI joué par James Gandolfini et l’adolescent joué par Nicolas Chatel finit par intéresser, par raconter quelque chose d’un peu singulier, de surprenant et, à partir de la jolie scène du magasin américain, d’émouvant. Dans la dernière séquence, la critique de « l’occupation américaine » (titre du roman originel de Pascal Quignard) fait mouche, passant uniquement par le décalage entre le mouvement des figurants et le décor, bref par la mise en scène, donc gardant sa nécessaire ambiguïté. Bref, Le nouveau monde est un film raté mais pas tout à fait nul. Qu’on y entende deux chansons de Buddy Holly dont  la sublimissime Rave on accroît aussi l’indulgence.

Annette et la dame blonde (Jean Dréville, 1942)

Une jeune fille découpe le manteau en vison de la maîtresse de l’homme dont elle est amoureux.

Comédie écrite par Decoin pour Darrieux, Annette et la dame blonde fut finalement réalisé par Jean Dréville avec Louise Carletti. C’est médiocre, niais et occasionnellement caricatural (l’Américaine) mais consolons-nous: avec le tandem initial, cela n’aurait certainement pas été un chef d’oeuvre tant le scénario est prévisible et inconsistant.