Les révoltés du Bounty (Frank Lloyd, 1935)

A la fin du XVIIIème siècle, la révolte de l’équipage du Bounty contre la cruauté du capitaine Bligh.

En son temps considéré comme un classique, ce film d’aventures maritimes a rapidement été dépassé par ceux de Michael Curtiz, infiniment plus fougueux (ses collaborations avec Errol Flynn) ou puissants dramatiquement (Le vaisseau fantôme, chef d’oeuvre encore trop méconnu). Cependant, l’académisme de Frank Lloyd a au moins deux mérites. D’abord un savoir-faire qui assure une qualité minimale tant au niveau du dessein d’ensemble (rythme qui n’est pas mou malgré la longue durée) que du détail (brillante distribution, qualité des nombreuses et très cinégéniques scènes d’action sur le bateau). Ensuite, son approche purement routinière du sujet lui permet de filmer avec une égale distance les marins soumis à la tyrannie du capitaine, l’admirable sang-froid de celui-ci lors de sa traversée héroïque après avoir été abandonné et la dureté des lois sur le nouveau Bounty. Cela sort la dramaturgie du manichéisme qui la plombait durant toute la première partie où la méchanceté de Bligh était filmée sans la moindre nuance.

A l’abordage (Against all flags, George Sherman, 1952)

En 1700, un officier de Sa Majesté infiltre la république pirate de l’île de Madagascar.

Un Errol Flynn vieilli (prématurément par l’alcool), un Anthony Quinn cabotin, des décors peints qui sautent aux yeux et une histoire d’amour un peu poussive même si traitée sur le mode de la screwball comedy (Maureen O’Hara oblige)…A l’abordage n’est clairement pas un chef d’oeuvre du film de pirates mais il a suffisamment d’atouts -le superbe Technicolor de Russell Metty, le rythme impeccable et un joli final où les trois dimensions de l’espace sont exploitées par la mise en scène pour un maximum de spectacle- pour permettre de passer une sympathique soirée, façon « La dernière séance ».

La Fille des boucaniers (Frederick De Cordova, 1950)

L’ayant retrouvé à la Nouvelle-Orléans, une jeune femme devient la maîtresse du pirate qui l’avait capturée…

L’intrigue est proche de l’ineptie mais le superbe Technicolor de Russell Metty, le rythme vif et une séquence d’abordage mouvementée fournissent un sympathique écrin à la splendide Yvonne de Carlo.

Les vautours de la mer (Victor Sjöström, 1915)

Une famille de contrebandiers a affaire au fils d’un douanier qu’ils ont dû tuer quinze auparavant et dont leur fille est amoureuse.

De belles images maritimes et une séquence d’action impeccable (le sabordage) surnagent au sein d’un film au découpage encore primitif tandis que le tragique de l’intrigue est gauchi par les coïncidences rocambolesques.

La malle de Singapour (China seas, Tay Garnett, 1935)

Sur son paquebot dont la cargaison d’or attire les pirates, un capitaine est poursuivi par la dernière femme qu’il a séduite au port et retrouve par hasard son ancienne fiancée de la haute-société…

Un film d’aventures dont la dramaturgie conventionnelle est épicée par le sexy duo Clark Gable/Jean Harlow, une atmosphère truculente typique de Tay Garnett et un petit parfum de lutte des classes qui nuance le manichéisme habituel.

Les travailleurs de la mer (André Antoine et Léonard Antoine, 1918)

Pour la main de la fille de l’armateur, un pêcheur solitaire s’en va renflouer une épave échouée dans un écueil.

Les images, qu’elles soient de criques, de pitons rocheux, de quais, de travail menuisier, ou de maisons portuaires sont superbes. Parce que Romuald Joubé est filmé comme un personnage de péplum méditerranéen, j’ai songé à Hercule à la conquête de l’Atlantide. Héroïque, réaliste et tragique, Les travailleurs de la mer selon Antoine est un joyau du film d’aventures.

L’aventure vient de la mer (Frenchman’s creek, Mitchell Leisen, 1944)

Au XVIIème siècle, une aristocrate londonienne fâchée avec son mari retourne dans les Cornouailles et tombe amoureuse du pirate français qui écume la région.

Mélange de films d’aventures maritime façon L’aigle des mers et de film de rêverie féminine façon L’aventure de Mme Muir. Le mépris de la vraisemblance, l’inadéquation de Arturo de Cordova au rôle du héros, la faiblesse des scènes d’action et la manque de nerf de la mise en scène discréditent le versant aventureux de l’oeuvre. En revanche, l’aspect romantico-onirique est servi par une plastique renversante, le top de l’âge d’or hollywoodien. Les plans du bateau sous un ciel rosé sont d’un kitsch irrésistible.

L’or du Cristobal (Jacques Becker et Jean Stelli, 1940)

Un second débarqué dans un pays exotique après avoir fricoté avec la femme du capitaine s’allie avec le potentat local pour dérober la cargaison d’or de son ancien navire.

On comprend que le grand Jacques Becker ait plus ou moins escamoté son premier long-métrage, abandonné en cours de route et achevé par Jean Stelli, de sa filmographie. Non seulement, c’est une ineptie mais de plus, toutes les scènes potentiellement spectaculaires ont lieu hors-champ et sont racontées a posteriori par des témoins (on imagine aisément les problèmes ayant pesé sur la production). Le cabotinage de Charles Vanel en général Tapioca est parfois amusant et  on peut voir la rare et belle Conchita Montenegro. C’est tout.

All is lost (J. C. Chandor, 2013)

Dans l’océan indien, un marin dont le bateau coule tente de survivre.

Attention, film à concept! Un seul acteur, quasiment pas de paroles, on suit le naufrage ainsi que la lutte désespérée du capitaine pour l’enrayer étapes par étapes. Premier problème: la maladresse d’un découpage et d’un montage inaptes à rendre sensible la durée des gestes. La suite d’images exprime alors une succession d’idées abstraites (Redford censé faire ceci, Redford censé faire cela) plus qu’une continuité dramatique correspondant à l’évolution de la situation. Ce montage introduit aussi des ellipses abusives qui truquent grossièrement les scènes censées être spectaculaires, telle celle où le bateau se retourne. Deuxième problème: le mauvais goût général avec une musique atroce et de très nombreux plans sous-marins qui ne servent strictement à rien si ce n’est à « faire joli » comme les fonds d’écran Windows peuvent « faire joli ». Pourtant, à la longue, All is lost finit par émouvoir. Sa deuxième partie, celle où Redford s’est réfugié sur le canot de survie, est un peu plus rigoureuse que la partie sur le bateau; peut-être parce que l’espace est alors plus petit donc plus facile à maîtriser pour le réalisateur. Au fur et à mesure que d’énormes cargos passent sans le voir, le drame du naufragé commence enfin à prendre de l’ampleur jusqu’à une fin qui contient plus d’idées de mise en scène que tout le reste du film et qui est pas loin d’être sublime.

L’île perdue/La femme du bout du monde (Jean Epstein, 1937)

Sur une île près de l’Antarctique, des marins partis chercher du radium tombent sous le charme d’une femme qui tient un bar avec son mari et son fils.

Une sorte de baudruche filmique. Le film aurait été considérablement mutilé (au point de changer de titre) et cela se voit car toutes les intrigues se résorbent (plus qu’elles ne se résolvent) subitement après environ 50 minutes de projection. Le récit de ces marins qui tombent sous le charme d’une sirène des temps modernes est a priori original et intéressant mais manque singulièrement de substance. De plus, la pauvreté des décors (dont Epstein plasticien ne fait pas grand-chose) va de pair avec la pauvreté narrative et accentue l’abstraction de ce qui nous est montré. La distribution est inégale: Le Vigan en armateur avide nous gratifie d’une composition délectable mais le Parisien Paul Azaïs imite l’Alsacien Pierre Fresnay lorsqu’il imite les Marseillais et ce n’est pas très probant. Néanmoins, La femme du bout du monde garde un certain charme nostalgique, charme qui se matérialise pleinement dans les flash-backs bizarres et folkoriques insérés par Jean Epstein lorsque « la femme du bout du monde » chante des airs bretons.

Le roman d’un mousse (Léonce Perret, 1914)

Un usurier et un mari ruiné escroquent une veuve seule avec son enfant…

L’archaïsme de la première partie laisse présager une régression formelle par rapport au formidable Enfant de Paris mais à partir du moment où le gamin est enlevé, à partir du moment où Le roman d’un mousse se transforme franchement en film d’aventures, la mise en scène se fait soudain plus inventive et plus variée. C’est comme si, chez Léonce Perret, l’aération faisait naître l’inspiration. Le réalisme des poursuites sur les remparts de Saint-Malo filmées à contre-jour et des séquences sur le bateau donne du corps au feuilleton mélodramatique. Enfin, le dénouement, fondé sur un véritable montage parallèle, annonce clairement les fameux morceaux de bravoure de Griffith.

Le navire des filles perdues (Raffaello Matarazzo, 1953)

Au XVIIIème siècle, une fille de bonne famille qui a fait accuser sa cousine de l’infanticide qu’elle a commis retrouve celle-ci dans les cales du galion de son voyage de noces.

Il arrive un moment dans ce mélodrame feuilletonesque où l’énormité des coïncidences le décrédibilise. Ce moment, c’est celui où tout le monde se retrouve sur le bateau. Débarrassé de toute préoccupation réaliste, le film prend alors l’allure d’une allégorie chrétienne où Matarazzo fustige violemment un ordre social vicié. A la manière des films de Cecil B. DeMille, Le navire des filles perdues tire sa beauté de l’extrémisme de ses effets dramatiques: la pureté naïve des scènes de prédication n’a d’égale que le délire -jusqu’à la caricature- des scènes sadiques et érotiques. Il est regrettable que la fadeur du GevaColor amoindrisse le potentiel de cette mise en scène ultra-baroque.

Mara Maru (Gordon Douglas, 1952)

Un plongeur dont l’associé a été assassiné est embarqué dans une expédition pour trouver un trésor.

Un petit film d’aventures saupoudré de mystère policier avec une lumière perpétuellement sombre et donc peu dépaysante compte tenu du fait que l’action se déroule dans les mers du Sud. C’est globalement routinier, bavard et assez mou. Le cas de conscience du héros vénal est d’abord ennuyeux car c’est un poncif exposé avec force dialogues sursignifiants mais il finit par convaincre car les auteurs l’assument jusqu’au bout et montrent qu’un type poursuivi par le héros s’avère le vrai gentil. Et donc le héros avait clairement tort. C’est une entorse appréciable à la convention qui arrive cependant très tardivement.

Les naufrageurs des mers du Sud (Reap the wild wind, Cecil B.DeMille, 1942)

Un armateur et le capitaine de son navire, amoureux de la même femme, enquêtent sur des naufrages mystérieux dans les mers du Sud.

Les naufrageurs des mers du Sud est un film d’aventures exotique assez typique du cinéma de DeMille. C’est à dire que pour le dynamisme de la mise en scène, on repassera. Le film est très bavard. En revanche, on se délectera des couleurs éclatantes d’un Technicolor saturé, de l’opulence de la direction artistique, de la composition élaborée des plans, bref de la beauté des images et du charme suranné d’une poésie de studio révolue. A noter aussi que les caractères sont étonnamment complexes, le héros n’étant pas celui que l’on croit au début du film.

Le pavillon noir (The spanish main, Frank Borzage, 1946)


Un film de pirates conventionnel dans lequel on retrouve la patte de Borzage. En effet, au-delà des péripéties habituelles au genre, Le pavillon noir est un vrai film d’amour entre le pirate et sa captive. Les séquences les plus intéressantes du film sont celles qui mettent à jour les divers simulacres des tourtereaux. Malheureusement, la partie « aventures » n’est pas très bien menée, les ficelles du scénario sont très grossières. Le pavillon noir est plusieurs coudées en dessous de La flibustière des Antilles qui lui est la fusion parfaite entre entre le film de pirates et une sensibilité secrètement mélodramatique.

Barbe-noire le pirate (Raoul Walsh, 1952)

Abordages, duel au sabre, île au trésor…Tout le cahier des charges du film de pirates figure dans cette évocation de la vie du mythique Barbe-Noire. Pourtant, Captain blood semble bien loin. La piraterie est ici montrée dans toute son immoralité. Barbe-Noire est une pure incarnation du mal, un démon cupide, trahissant ses hommes, ne faisant aucun cas de la vie humaine et finissant même par revenir d’entre les morts. Sa seule motivation est l’or. Plusieurs séquences sont parmi les plus cruelles tournées à l’époque. L’interprétation de Robert Newton est outrageusement cabotine, délibérément outrancière mais elle s’avère in fine idéale pour incarner cette figure hors du commun. Face à lui, le gentil chirurgien joué par Keith Andes apparaît terriblement fade. Dommage aussi que le caractère répétitif et superficiel de la narration ne rende le film intéressant que par intermittences.

La belle espionne (The sea devils, Raoul Walsh, 1953)

Ce film est avant tout un modèle de concision dramatique, un récit mené tambour battant qui offre au spectateur attentif un sous-texte d’une belle richesse. Il faut préciser ici que le scénario a été ciselé par le grand Borden Chase. A travers des échanges verbaux qui ne manquent pas de sel, ce pur film d’aventures parle du couple (la belle espionne en question est avant tout une menteuse et une cachotière vis-à-vis du héros Gilliatt, elle se comporte donc avec lui comme si elle était sa maîtresse) avec l’élégance caractéristique des meilleurs films hollywoodiens, c’est à dire sans en avoir l’air, en faisant croire que ce qui compte c’est la truculence, l’humour et l’action. Et de fait, c’est bien à travers le récit d’aventures et non malgré lui que s’expriment les sentiments des personnages.

Le film est purement walshien dans la mesure où la dramaturgie est guidée par les états d’âme du héros, par ses pulsions, par son amour qui le fait grandir par rapport à son alter-ego rival qui lui restera toute sa vie un contrebandier ne s’intéressant qu’à l’argent et aux filles faciles. D’ailleurs, les moments les plus faibles du film sont ceux dans lesquels l’espionne effectue sa mission en France, une poignée de séquences purement fonctionnelles durant lesquelles Gilliatt est temporairement évacué de l’intrigue. Pourtant, ce qui empêche La belle espionne de se hisser parmi les plus beaux chefs d’oeuvre de Raoul Walsh, c’est aussi et surtout le manque désespérant de charisme et d’expressivité de Rock Hudson. Si un acteur de la trempe d’Errol Flynn l’avait remplacé, gageons que Gilliatt aurait eu un tout autre panache…Le film n’en reste pas moins un joyau, un témoignage précieux d’une ère où la fusion entre spectacle et vision personnelle du cinéaste était totale.