Les centurions (Mark Robson, 1966)

En Algérie, un régiment de parachutistes lutte contre un chef du FLN qui fut, en Indochine, un des leurs.

Derrière la superproduction internationale pleine de stars, de paysages exotiques et de scènes à grand spectacle, d’ailleurs troussée avec habileté (sauf l’emploi abusif de la musique tonitruante de Franz Waxman), voici un film qui montre la guerre d’Algérie avec une acuité et une profondeur rares. Les coïncidences qui facilitent la réduction du drame à quelques personnages n’empêchent pas de rendre sensible l’évolution du travail de l’armée en Algérie, de plus en plus policier, avec ce que cela comporte de salissure morale. La torture et les massacres de civils sont clairement évoqués et engendrent la victoire en même temps que la discorde dans le régiment et la démission du héros, non exempt d’une certaine faiblesse quoique joué par Alain Delon.

Le cocu magnifique (Antonio Pietrangeli, 1964)

Trompant son épouse, un bourgeois italien s’imagine que celle-ci le trompe également.

Un récit qui s’enlise dans des situations répétitives, l’abus de séquences fantasmatiques et une voix-off qui peine à donner le change font de Un cocu magnifique une comédie italienne des plus ennuyeuses. Pas grand-chose à se mettre sous la dent à part un pseudo strip-tease de Claudia Cardinale.

Elles ne pensent qu’à ça (Charlotte Dubreuil, 1994)

Une mère rejoint sa fille qui aurait fait une tentative de suicide et tente de résoudre ses problèmes conjugaux en lui faisant découvrir son hédonisme.

Compte tenu du titre et de l’auteur de la bande dessinée originale (Wolinski), je m’attendais à quelque chose de plus graveleux or le ton est en fait léger mais non exempt d’une certaine mélancolie: cette comédie assez molle et peu drôle tire son intérêt du respect du mystère du personnage central, qui résiste à toutes les réductions, y compris celle du happy-end de convention. Pas si mal.

Les conspirateurs (Luigi Magni, 1968)

En 1825 à Rome, deux carbonari sont arrêtés pour avoir tenté d’assassiner un mouchard…

Malgré une distribution exceptionnelle et une musique lyrique, morriconienne en diable, de Armando Trovajoli, cette tragicomédie historique est ratée à cause d’une mise en scène faiblarde: l’inexistence à l’écran du décor romain, les artifices théâtraux de l’écriture qui régulièrement ramènent la comédie historique vers le vaudeville, le rythme mou et l’échec quant à la variation des registres ambitionnée (la perpétuelle gravité de Robert Hossein plombe le comique) désintéressent rapidement le spectateur.

Le bel Antonio (Mauro Bolognini, 1960)

A Catane, l’impuissance d’un soi-disant séducteur met en péril son mariage arrangé avec une fille sublime.

La satire du patriarcat sicilien recèle des moments amusants dont le meilleur est l’ellipse de la mort du père, sommet d’humour noir. La mise en scène de Mauro Bolognini met bien en valeur les jolis décors intérieurs mais elle est un peu amidonnée. Assumer pleinement le genre comique en insufflant plus de mordant et de vivacité n’eût pas nui à la force dramatique. Les acteurs -en particulier Pierre Brasseur- sont très bons mais on ne voit pas assez Claudia Cardinale (alors qu’on voit beaucoup Marcello Mastroianni).

Les lions sont lâchés (Henri Verneuil, 1961)

Une jeune Bordelaise quitte son mari pour faire des expériences sentimentales et sexuelles par l’entremise d’une amie de la haute-société parisienne.

Le délicieux petit roman de Nicole a un peu perdu au change de l’adaptation. Plusieurs phrases étincelantes ont été conservées mais apparaissent plaquées sur des scènes qui n’ont pas leur vivacité ni leur sens du détail. Qui n’a pas lu le livre risque d’être largué par certains rebondissements racontés uniquement par la voix-off. La satire sociale est rapetissée et le récit réduit aux tortueuses tribulations des six personnages principaux. Ces six personnages principaux étant prodigieusement distribués et l’élégante liberté de ton de la romancière ayant été maintenue par France Roche et Michel Audiard, le film demeure agréable.

Histoire d’aimer (Marcello Fondato, 1975)

L’épouse d’un ingénieur est choisie comme jurée du procès d’une femme accusée d’avoir tué son amoureux à coups de pelles.

Claudia Cardinale en très petite tenue suffit à faire de Histoire d’aimer un titre capital de la comédie italienne. En dehors de ça, le film bénéficie d’une distribution quatre étoiles (ou plutôt trois étoiles et demi car le talent de Monica Vitti était inversement proportionnel à sa vanité) et d’un thème intéressant qui est la correspondance entre un crime passionnel et l’éveil sexuel d’une bourgeoise frigide. J’aurais toutefois aimé voir ce thème développé avec moins de schématisme, plus de concision et plus de profondeur (fin en queue de poisson).

Nous sommes tous coupables (Luigi Zampa, 1959)

A Gênes, un juge d’instruction enquête sur un tabassage violent pendant que des membres de la famille chez laquelle il loge essayent de maintenir leur niveau économique sans se compromettre moralement…

Entremêlant personnages et intrigues avec la virtuosité d’un romancier, Lugi Zampa a réalisé un nouveau film sur les divers processus de corruption à l’oeuvre dans la société italienne. Préférant cette fois la tonalité dramatique au registre comique, il a concocté plusieurs séquences saisissantes d’amertume. La finesse de l’interprétation (François Périer en tête), le réalisme de la mise en scène et la rigueur d’une narration centrée sur les comportements individuels permettent de ne jamais sacrifier la vitalité et le naturel de la représentation au schématisme du discours. Finalement, seul le personnage du juge apparaît comme un prétexte d’auteur, un relais entre le spectateur et la fiction en cela qu’il permet aux autres protagonistes de s’épancher sur leur condition. A noter que Il magistrato est un film d’autant plus beau qu’il est un des seuls de Zampa à se clore sur une note d’espoir, note d’espoir matérialisée par le lumineux visage de la jeune Cardinale.

Bello, onesto, emigrato Australia sposerebbe compaesana illibata (Luigi Zampa, 1971)

Un travailleur italien émigré en Australie trouve une épouse calabraise en mentant dans une annonce matrimoniale…

Un regard aiguisé, source de gags aussi bien que d’amertume, sur une réalité méconnue (la solitude des immigrés italiens en Australie) et une Claudia Cardinale sublime et sublimée (on note que les cheveux mi-longs lui vont à ravir) permettent à cet inédit tardif de Luigi Zampa de rester plaisant en dépit de la paresse certaine de l’écriture (plusieurs péripéties artificielles) et de l’interprétation grimaçante d’un Sordi en roue libre.

Comment réussir en amour sans se fatiguer (Don’t make waves, Alexander Mackendrick, 1967)

A Malibu, après que sa voiture a été accidentée par une jolie peintre entretenue par un riche constructeur de piscines, un homme exige de se faire dédommager…

Le manque d’unité et de développement dans la narration est préjudiciable à cette satire amère du « californian way of life ». De sublimes actrices en petite tenue, des accents pathétiques rares et bienvenus, une chanson des Byrds et une maîtrise du Cinémascope digne de Blake Edwards la rendent toutefois assez plaisante. Certains gags tel la fin où une maison dégringole une falaise de boue poussent l’absurde jusqu’au malaise.

Deux rivales (Gli indifferenti, Francesco Maselli, 1964)

Un homme séduit la mère et la fille d’une famille bourgeoise désargentée.

Un film sinistre, terne, creux qui se complait dans la représentation de personnages médiocres. La bassesse et l’insignifiance des sentiments exprimés engendre la nullité d’un film par ailleurs mis en scène sans la moindre inspiration. Même Claudia Cardinale, coiffée n’importe comment et dont le corps est rarement filmé en entier, ne s’avère pas beaucoup plus désirable que Paulette Goddard, quinquagénaire décadente apte à stimuler nos instincts les plus pervers. Cette aberration est à l’image d’une œuvre à l’opposé de toute jeunesse, de tout désir, de toute vitalité.

Le Mauvais Chemin (La Viaccia, Mauro Bolognini, 1960)

A la fin du XIXème siècle, un jeune paysan italien légataire de son riche oncle s’amourache d’une prostituée.

La viaccia est un mélodrame romanesque qui confronte la ville à la campagne, les bonnes gens aux prostituées, la famille au bordel. Les oppositions sont relativement subtiles, les personnages plutôt bien dessinés. A l’exception d’une fin exagérément pathétique, les péripéties sont crédibles. Bref, le film est d’une facture tout ce qu’il y a de plus honorable. Il est simplement dommage qu’elle soit aussi académique. Le style précieux de Bolognini n’a pas encore atteint sa plénitude. Ici, les décors et les costumes sont soignés, la photographie est belle (j’ai songé à la peinture hollandaise devant certaines scènes de rue) mais la rigidité de la mise en scène n’est jamais dépassée, elle ne crée jamais de mélancolie comme dans les quelques grands films que le cinéaste réalisera par la suite (L’héritage). La faute peut-être à une musique banale qui ne donne aucun relief aux images, une musique à l’opposé des bandes originales qu’Ennio Morricone composera pour Bolognini dans les années 70. La faute aussi à des dialogues trop littéraires compte tenu des personnages qui les prononcent. La faute enfin au doublage de Claudia Cardinale, d’une fadeur insultante pour la bella donna.

L’affaire Mori (Il prefetto di ferro, Pasquale Squitieri, 1977)

Sous Mussolini, la lutte du préfet Mori contre la mafia en Sicile.

Fiction de gauche qui OSE dénoncer le fascisme et la mafia. Le film n’est pas foncièrement mauvais, Gemma est bon dans le rôle éponyme mais c’est sans surprise et assez ennuyeux sur la longueur. J’espère pour Claudia Cardinale que Pasquale Squitieri ne fait pas l’amour comme il filme.

La storia (Luigi Comencini, 1986)

Les turpitudes endurées par une mère italienne durant la seconde guerre mondiale.

Ce feuilleton mélodramatique que j’ai vu au cinéma a probablement beaucoup souffert du charcutage préalable à son exploitation en salles. Les personnages n’ont pas beaucoup d’épaisseur, ce qui les motive manque trop souvent de clarté. Ainsi il est étrange de voir une mère apparemment très aimante laisser son gamin de six ans se balader tout seul dans l’Italie de l’immédiat après guerre sans que son comportement ne soit interrogé par le récit ou la mise en scène, comme si cette négligence maternelle allait de soi. Ce genre de béance narrative affaiblit considérablement le drame.

Claudia Cardinale, dans un grand rôle tragique, s’est bêtement enlaidie et a tendance à surjouer la douleur. Cette impression de fausseté vient peut-être encore une fois de la cassure d’une continuité dramatique qui peut-être justifiait le caractère excessif de la prestation de la star. Reste quelques jolis moments, fragments de ce qui fut peut-être une grande oeuvre. Cela fait beaucoup de « peut-être ». En l’état, le film est assez lamentable et ravive le beau souvenir de La ragazza, précédente collaboration entre le cinéaste et l’actrice ayant aussi pour cadre l’immédiat après-guerre. C’était vingt ans auparavant et Claudia Cardinale était alors la plus belle femme du monde.

Libera mon amour (Mauro Bolognini, 1974)

Un film étrange, qui à travers une héroïne délibérement caricaturale (elle s’appelle Libera Anarchia) et une mise en scène frôlant le grotesque montre l’apparente normalité du fascisme et surtout la névrosité apparente des légitimes insoumis.

Les images d’archives qui reviennent régulièrement sont un contrepoint aussi glaçant que pertinent à un début assez comique. Des moments touchants dûs notamment à la musique de Morricone même si on peut regretter que tout ça paraisse parfois désincarné en dépit d’une magnifique Claudia Cardinale dans le rôle titre et de très bons seconds rôles, la narration et l’évolution psychologique de ses personnages n’étant a priori pas le souci majeur de Bolognini qui se préoccupe plus sur ce film de son propos politique et du symbolisme de sa mise en scène.