Les espions s’amusent (Jet Pilot, Josef von Sternberg, 1957)

Un colonel de l’US Air Force est chargé de séduire une aviatrice russe atterrie en Alaska pour connaître ses intentions.

Comédie de guerre froide façon Ninotchka mais bien plus bien courte d’inspiration que les films de Wilder et Lubitsch. Au-delà de quelques touches vulgaires (le bruit d’avion pour figurer le désir masculin) ou bien senties (le consistant champ-contrechamp lorsque John Wayne retrouve Janet Leigh dans leur chambre), ce film faussement ultime de Sternberg est foncièrement du théâtre, assez correctement ficelé (rigoureuse structure en trois actes, saillies anticommunistes toujours plaisantes) mais sans grande invention (visuelle ou verbale: Jules Furthman est moins piquant qu’il le fut). Le vaudeville est cependant, évidemment, entrecoupé de scènes d’avion, auxquelles Howard Hughes a donné trop de place.

K-19: le piège des profondeurs (Kathryn Bigelow, 2002)

En 1961, sur ordre du Parti, un sous-marin nucléaire russe est envoyé en mission alors qu’il n’est pas encore au point techniquement…

La confrontation entre le capitaine intransigeant et le second qui est proche de ses hommes prend une tournure surprenante qui donne à penser, sans démagogie ni forfanterie, sur le devoir, l’obéissance, la dignité, le dépassement de soi et la camaraderie; bref, sur l’Armée.

Avec ses équipes techniques, Kathryn Bigelow a réalisé des prouesses pour maintenir une énergie visuelle à l’intérieur de ce décor très contraignant qu’est le sous-marin (reconstruit à l’identique). Son sens du dynamisme grandiose n’a d’égal que son empathie pour les hommes qu’elle filme. Juste après vous avoir scotché au fauteuil avec une remontée du sous-marin à travers la glace, elle vous émeut avec une partie de foot sur la banquise où souffle un lyrisme fordien. Ces deux grandes qualités font d’elle la cinéaste idéale pour filmer l’héroïsme. C’est ainsi que toutes les séquences autour de la réparation du réacteur sont sublimes et sont peut-être ce que le cinéma américain nous a offert de plus poignant depuis le début du millénaire.

Malgré la convention de la langue anglaise, les acteurs s’avèrent tous parfaits. Qu’il se soit investi dans ce film jusqu’à le produire restera, il faut l’espérer, un des titres de gloires de Harrison Ford. Un ou deux dialogues surligneurs dus à sa nature de superproduction hollywoodienne n’empêchent pas K-19 d’être le meilleur film épique contemporain.

Maldonne pour un espion (A dandy in aspic, Anthony Mann et Laurence Harvey, 1968)

Un agent du KGB infiltré au MI5 est missionné par ce dernier pour éliminer un agent russe identifié avec son nom.

Le grand Anthony Mann mourut au cours du tournage qui fut achevé par son acteur principal, Laurence Harvey. Cela dit, je ne sais dans quelle mesure ce drame serait responsable du caractère embrouillé et filandreux de la narration comme du kitsch de la réalisation, pleine de zooms intempestifs. L’histoire d’amour avec la jeune photographe jouée par Mia Farrow, pour convenue qu’elle soit, est ce que Maldonne pour un espion contient de plus réussi.

 

Napalm (Claude Lanzmann, 2017)

Cinquante-huit ans après avoir vécu une histoire d’amour avec une infirmière nord-coréenne, Claude Lanzmann revient à Pyongyang.

Ceux qui ont lu Le lièvre de Patagonie n’apprendront pas grand-chose en découvrant ce film où Lanzmann revient sur l’épisode le plus romanesque de ses mémoires. En revanche, Napalm est un film extraordinaire en ceci que des images saisies à la dérobée sont l’occasion de découvrir à quoi ressemble la Corée du Nord. Le début, où la caméra descend les avenues vides et ensoleillées de la capitale avec en fond sonore un très beau texte dit par l’auteur, est fascinant. Par la suite, Claude Lanzmann articule l’intime et le politique sans toujours éviter ni la complaisance à l’égard du dernier régime stalinien de la planète ni une certaine mégalomanie narcissique (la comparaison douteuse entre le « c’était ici » de Shoah et le lieu de son rendez-vous amoureux) mais cette impudeur qui se fiche du politiquement correct est inséparable de la folie qui fait tout le prix de cette confession où un vieil homme retourne filmer en Corée du Nord pour stimuler la réminiscence d’un amour hors du commun.

Appel d’urgence (Miracle mile, Steve De Jarnatt, 1988)

A Los Angeles, un trentenaire au début d’une histoire d’amour apprend par hasard que sa ville va bientôt être frappée par des missiles nucléaires…

Le postulat est d’autant plus dur à avaler que la séquence cruciale où le héros fait part de la nouvelle à ses premiers compagnons de fuite manque de crédibilité à cause de coïncidences faciles et de réactions trop rapides des protagonistes. Cependant, les développements qui s’ensuivent révèlent l’inventivité d’une série B inclassable. Steve de Jarnatt a un sens du cadrage qui met bien en valeur son décor nocturne et urbain. L’unité de temps et la retranscription concrète et saugrenue de l’hystérie évoquent une version « film-catastrophe » de After hours mais, à la fin de la projection, c’est le romantisme qui demeure, romantisme constant plus que sous-jacent qui tempère le pessimisme des brutales scènes de panique et affirme joliment une foi solide dans le couple.

The human factor (Otto Preminger, 1979)

Un bureaucrate du MI6 marié à une noire sud-africaine est soupçonné d’envoyer des renseignements à Moscou.

L’aspect visuel ingrat (très anglais) ne doit pas abuser le spectateur: après plusieurs semi-navets, le dernier film d’Otto Preminger fut digne de son auteur. Adaptant un roman de Graham Greene, le grand cinéaste viennois a retrouvé l’intelligence, l’élégance et la hauteur de vue emblématiques de ses chefs d’oeuvre. Ces qualités lui permettent ici de clarifier l’inextricable entrelacs de causes et de conséquences d’une affaire d’espionnage et de sèchement dramatiser la dialectique entre affaires d’état et affaires intimes. Retrouvant, conformément à la promesse de son titre, l’humanité au sein des rouages les plus cyniquement bureaucratiques des services secrets, The human factor montre combien l’idéologie peut ne pas importer dans le fait de servir un camp plutôt qu’un autre.

L’aube rouge (John Milius, 1984)

La troisième guerre mondiale déclarée, les Russes envahissent le territoire américain et une poignée de lycéens s’en va résister dans les montagnes…

Épique et ahurissante parabole anti-rouge où John Milius projette ses fantasmes d’Amerloque parano sur les maquis de la Résistance. La sécheresse minimaliste -et un peu répétitive- du récit et la violente dureté de la mise en scène évitent cependant au film de sombrer dans la plus gluante des démagogies et assurent à la fin une dignité inattendue.

My son John (Leo McCarey, 1951)

Un jeune diplômé de retour dans sa famille est soupçonné par son père d’être devenu un agent communiste.

Ce film peu vu mérite beaucoup mieux que la réputation de vulgaire tract anti-rouge qui lui est généralement accolée. En effet, si le point de vue de Leo McCarey ne fait à la fin aucun doute, My son John permet de se rendre compte encore une fois que qualité morale et qualité esthétique vont de pair au cinéma: pour intéresser le spectateur à son discours, un auteur se doit d’être franc dans le traitement de son sujet et d’en faire ressortir toutes les contradictions dialectiques, contradictions qui lui permettent de dramatiser intelligemment sa matière narrative. Un film perpétuellement univoque serait un film plat donc mauvais. My son John est tout le contraire.

Avant d’arriver à la conclusion finale (« il faut lutter contre la subversion communiste* »), le réalisateur nous gratifie d’une des peintures les plus justes de la famille américaine. Les confrontations entre le père et son fils ou entre la mère et son fils sont montrées avec une acuité qui est bien celle de l’auteur de Place aux jeunes. N’importe quel jeune revenu au foyer après s’en être longtemps éloigné pourra se reconnaître dans le personnage de Robert Walker. Durant toute la première heure, une distance, celle entre l’étudiant qui a pu s’élargir l’esprit au contact des intellectuels de la capitale et ses parents confits dans leur conservatisme simple et tranché, est rendue sensible par une mise en scène extrêmement subtile dont est absente toute forme de propagande. L’air emprunté de John, ses timides provocations face au curé, son absence lors des réunions familiales et, aussi, la sombre photographie de Harry Stradling et l’aptitude du réalisateur pour incarner physiquement les antagonismes des protagonistes dans le décor quasi-unique de la maison instillent progressivement le malaise.

Le génie de McCarey est de faire passer son discours politique à travers les émotions intimes de ses personnages. A ce titre, la mère est le pivot du drame. Si tous les acteurs sont excellents, Helen Hayes est d’ailleurs remarquable dans ce rôle. Guidée par son amour maternel, elle est moins raide que le père et essaie sincèrement de comprendre son fils. Cela donnera l’occasion à celui-ci de défendre avec succès ses idées auprès de sa génitrice -et par-là même auprès du spectateur. Cette prise en compte du point de vue de l’ennemi politique culmine dans un plan où ce grand catholique patriote qu’est McCarey, ayant comme à son habitude poussé la logique de sa scène jusqu’à son paroxysme, ridiculise le rituel américain du serment sur la Bible. En dernier ressort, c’est l’amour d’un fils pour sa mère qui restaurera l’ordre menacé par le virus communiste.

Enfin, on ne saurait conclure un texte sur My son John sans saluer la prodigieuse inventivité de Leo McCarey qui subit en 1951 la pire avanie qu’un réalisateur puisse imaginer au cours du tournage –le décès subit de son acteur principal- et qui, tel que le montre la fin sublime, s’en sortit avec brio.

*conclusion dont il faut rappeler aux bonnes âmes françaises si promptes à condamner le maccarthysme qu’elle est liée à une réalité politique donnée: celle de l’apogée de la guerre froide alors que les partis communistes des pays occidentaux étaient aux ordres du Kominform de Staline.

I was a communist for the FBI (Gordon Douglas, 1951)

En pleine guerre froide, un agent du F.B.I infiltre le parti communiste implanté chez les ouvriers de Pittsburgh.

Si la propagande oblitère finalement la richesse dialectique de l’argument dramatique, cet argument donne lieu à des scènes étonnamment fortes qui insufflent une certaine densité humaine au récit: ainsi lorsque le père est forcé de jouer son rôle de communiste aux yeux de son fils, chagriné et révolté. Frank Lovejoy se révèle d’ailleurs un excellent comédien. De surcroît, la concision du découpage, la qualité de la photo, la précision des mouvements de caméra et la sécheresse des scènes de violence font de I was a communist for the FBI un film vif et plaisant. C’est à vrai dire un des films les plus brillants du talentueux Gordon Douglas.

Aux postes de combat (The Bedford incident, James B. Harris, 1965)

Pendant la guerre froide, un destroyer américain traque un sous-marin soviétique…

Le manque de détails concrets et réalistes de la mise en scène donne au film un côté théâtral et artificiel. Seuls les plans d’ensemble où on voit le navire naviguer permettent au spectateur d’imaginer que l’action se déroule sur un destroyer. On ne voit guère les marins travailler, on les voit essentiellement discuter. Les personnages semblent là pour incarner des idées (ex : le journaliste joué par Sidney Poitier) alimentant une fable anti-nucléaire laborieuse et même malhonnête (quid des Gold codes?). Il n’y a guère que le bouillonnant Richard Widmark pour parvenir à insuffler un peu de vie dans ce film à thèse (thèse qui est la même que dans Docteur Folamour, exprimée ici avec un imperturbable et assommant sérieux).

L’ultimatum des trois mercenaires (Twilight’s last gleaming, Robert Aldrich, 1977)

Un général renégat s’empare d’un silo de missiles nucléaires et fait du chantage sur la maison-blanche…

Cet opus tardif de Robert Aldrich est une parabole gauchiste aux ressorts particulièrement grossiers et artificiels. Je songe notamment au contenu du fameux document top-secret qui dénote la naïveté du film. Je songe aussi à l’absurdité du fait que le président aille se présenter aux terroristes après avoir accepté leurs exigences. Je songe au fait qu’un simple truand explique à un général étoilé présenté pendant tout le film comme hyper-brillant les pièges (qui sont gros comme une maison) que celui-ci n’a pas anticipés. Ce manque de crédibilité se retrouve aussi dans une mise en scène étonnamment inégale: l’assaut du silo nucléaire ressemble à un braquage d’épicerie tant il manque d’ampleur. Pas de plan large, un montage confus, un décor quasi-ridicule et des péripéties artificielles (le coup du niveau à bulles) font que l’on ne ressent guère la tension de l’évènement. L’utilisation abusive du split-screen ajoute à la confusion générale. Les personnages sont taillés à la serpe (pauvre Richard Widmark!), le film est truffé de coups de stabylo surlignant le discours de l’auteur. Pourtant, le film se suit avec un certain plaisir grâce à la puissance de son ressort dramatique principal, à quelques moments de suspense bien orchestrés et à Burt Lancaster, toujours excellent. Chouette divertissement du samedi soir,  L’ultimatum des trois mercenaires reste un opus mineur au sein de la filmographie de son auteur.

Hôtel Terminus : Klaus Barbie, sa vie et son temps (Marcel Ophuls, 1988)

De sa jeunesse à son procès, la carrière de Klaus Barbie retracée par des images d’archives et des entretiens avec ceux qui y ont eu affaire.

C’est un documentaire fleuve de plus de quatre heures d’une ampleur extraordinaire. Que ce soit la résistance, la Shoah, la connexion entre anciens nazis et CIA ou entre drogue et dictateurs péruviens, chaque aspect historique soulevé par le parcours de Klaus Barbie est soigneusement détaillé. Le film est d’abord une fascinante plongée dans les arcanes les plus secrètes de la géopolitique de la seconde moitié du XXème siècle. Pourtant, malgré la gravité de son sujet, le film n’est ni solennel ni pontifiant. Il est passionnant. Ce n’est pas pour rien que Marcel Ophuls, le fils du grand Max, se présente avant tout comme un féru de cinéma hollywoodien classique.

C’est comme s’il interrogeait la grande histoire à hauteur d’homme. C’est comme si on conversait nous-même -en quatre langues différentes- avec ces espions de la C.I.A retraités au bord de leur piscine, avec ces grands résistants devant leur bibliothèque, avec ces anciens dictateurs sud-américains devenus assez pitoyables, avec ces prêtres de la « filière des rats », avec le jardinier indien de Barbie ou encore avec cette déportée juive revenue sur les lieux de son arrestation. Ce panel, le plus varié que l’on puisse imaginer, forme d’abord un formidable échantillon d’humanité et ce n’est pas la moindre des qualités d’Ophuls que de nous le restituer en tant que tel, sans qu’il ne paraisse instrumentalisé au service du discours de l’auteur.

Loin de se poser en détenteur de la vérité au-dessus de ses interlocuteurs (qui sont parfois des pourritures avérées), le cinéaste sait confronter les témoignages contradictoires grâce au montage. C’est aussi un intervieweur pugnace, fin et habile qui pousse ses interlocuteurs dans leurs retranchements sans se départir de sa courtoisie. En interrogeant des « petites gens » sur leurs actions peu glorieuses, il révèle ainsi des motivations quasi-inconscientes que le spectateur ne se permettra pas de juger car il a bien l’impression que le cinéaste a mis à jour une sorte de fond commun à l’humanité. A contrario, cette tendance à l’universalité redoublera le réconfort distillé par les témoignages d’héroïsme quotidien, qui sont à peu près aussi nombreux.

Ophuls présente donc les choses avec impartialité, humanisme et, ce n’est pas le moins important, humour et légèreté. Le cinéaste-enquêteur a failli payer de sa vie lors d’une agression de barbouzes en Amérique du sud mais c’est bien l’impression de légèreté et d’espoir qui domine après la vision de son film (qui se termine après tout par une happy-end). A l’image de la dédicace finale, bouleversant hommage à la grandeur d’âme la plus pure et la plus simple qui soit. Hotel Terminus est une oeuvre capitale.

November days (Marcel Ophuls, 1991)

Au moment de la chute du mur de Berlin, Marcel Ophuls rencontre plusieurs personnes en R.D.A: dignitaires politiques, officiers de la STASI, petites gens…

Outre la variété de ses témoins et la qualité de ses entretiens, la grandeur de Marcel Ophuls est d’élargir petit à petit le cadre relativement circonscrit d’une commande de la BBC sur la chute du mur à une passionnante plongée au coeur de l’Histoire entrain de s’écrire. Par un art consommé du montage, il restitue aussi bien la chute de la pierre dans la mare que les remous, plus ou moins lointains, que cette chute provoque. Ainsi des interviews de néo-nazis qui rappellent la résurgence nationaliste provoquée par la fin du régime socialiste et la perspective de la réunification allemande. Ce qui donne à son film l’ampleur et la complexité de la grande histoire qu’il raconte. S’il fallait toutefois résumer le propos de November days, on dirait qu’il s’agit in fine d’une méditation sur le danger des idéologies (voir Barbara Brecht -fille de- qui régna sur le Berliner Ensemble justifier maladroitement la construction du mur est assez édifiant).

The fearmakers (Jacques Tourneur, 1958)

De retour de Corée, un vétéran se rend compte que son institut de sondage a été accaparé par des lobbyistes pacifistes sans scrupule…

Guerre froide oblige, les militants anti-armement sont donc les méchants. Peu nous importerait s’ils n’étaient aussi caricaturaux et surtout si le passionnant sujet, c’est à dire la manipulation de l’opinion par le marketing politique, était traité avec un minimum d’intelligence. Or ce traitement est tout à fait conventionnel. Tout est réduit à une enquête policière où le héros cherche et trouve des preuves d’un crime écrites noir sur blanc dans un fichier central puis pète la gueule aux méchants. Entre-temps, il a évidemment séduit la secrétaire. Plusieurs flash-backs ont beau montrer qu’il est revenu traumatisé de Corée, ces traumatismes mais n’ont en fait aucune incidence sur le déroulement de l’histoire. Bref: The fearmakers aurait pu être une pépite de la série B subversive, c’est un produit convenu tout juste convenable dont l’intérêt est certes rehaussé par la prestation du toujours impeccable Dana Andrews et par un noir & blanc joliment stylisé.

This is Korea! (John Ford, 1951)

Documentaire de propagande américaine sur la guerre de Corée.

Les quelques belles images où la sentimentalité mélancolique de John Ford s’exprime indéniablement n’altèrent guère la profonde débilité de ce film de propagande extrêmement virulent (« fire them! burn’em out! cook’em! »). On est loin de la grandeur élégiaque de La bataille de Midway réalisé dans le même cadre quelques dix ans auparavant. A noter que, distribué par Republic, This is Korea! est un film en Trucolor.

Ne me quitte jamais (Delmer Daves, 1954)

Un journaliste américain et une danseuse russe récemment mariés sont séparés par les autorités soviétiques…

Film de propagande anticommuniste formaté par la MGM sans intérêt. Le récit est aussi grossier que les intentions, l’histoire d’amour est invraisemblable car dénuée de substance, Gene Tierney n’apparaît presque pas à l’écran et il n’y a aucune trace de la sensibilité habituelle de Delmer Daves.

Panic sur Florida Beach (Matinee, Joe Dante, 1993)

Dans une petite ville de Floride au moment de la crise des missiles de Cuba, un réalisateur de films d’horreur présente sa dernière production tandis qu’un ado dont le père militaire va de base en base tente de s’intégrer dans sa nouvelle école…

Cette réjouissante chronique de la vie d’une petite ville de Floride pendant le pic de la guerre froide s’annonçait comme le chef d’oeuvre de Joe Dante. La verve caustique de l’auteur, brocardant ici la paranoïa américaine, est comme toujours compensée par une réelle tendresse pour ses personnages.  On se moque des ridicules exercices d’évacuation scolaire mais on nous fait partager l’inquiétude du jeune héros dont le père marin est parti pour Cuba. Brève et bouleversante, la séquence du super 8 est sublime de nostalgie et d’angoisse feutrée. Rien que pour avoir réalisé cette séquence, Joe Dante ne saurait être négligé. Le début promettait un récit ample.

Malheureusement, les caractères ne sont pas fouillés comme ils auraient pu l’être. Les intrigues sentimentales ou amicales des ados restent assez superficielles quoique donnant lieu à des scènes très touchantes.  Avec la longue séquence de projection qui fait office de dernier acte, le réalisateur se laisse aller à ses péchés mignons que sont la dérision et le fétichisme. Il le fait certes avec du brio à revendre et son film est toujours plein de malice, d’humour et de fantaisie. On passe donc un excellent moment. Mais on ne peut s’empêcher de garder un petit arrière-goût de déception. Jamais peut-être n’aura t-on ressenti aussi pleinement les qualités (inventivité, virtuosité visuelle, justesse de ton) en même temps que les limites du cinéma de Joe Dante (trop de révérence envers les irrévérencieux empêche sa personnalité de s’exprimer pleinement).

Top secret (The tamarind seed, Blake Edwards, 1974)

Pendant leurs vacances aux Caraïbes, un espion russe et une espionne anglaises tombent amoureux…

Avec The tamarind seed, Blake Edwards a réalisé un exercice de style hitchcockien qui, sans être une comédie, ne se dépare que le temps d’une scène d’action d’une vulgarité aux frontières du nanar de l’élégance légère caractéristique du réalisateur. La manipulation d’un espion converge avec celle d’un cinéaste et les divers double-jeux, simulations,  et camouflages d’intentions sont une profonde source de plaisir pour le spectateur. Ce petit jeu est bien mené par les auteurs. Si Omar Sharif est bon sans être éblouissant, l’interprétation de la très classe Julie Andrews donne une profonde densité à la mélancolie de son personnage. L’inattendue beauté de cette singulière héroïne est aussi celle du film.

Big Jim McLain (Edward Ludwig, 1952)

Des agents de la HUAC (commission sur les activités anti-américaines) débusquent des communistes à Hawaï.

Produit par John Wayne en pleine guerre froide, Big Jim McLain est un des films de propagande anticommuniste parmi les plus radicaux jamais tournés. Les ressorts sont très grossiers (les parents qui livrent leur fils présentés comme des héros…) et le film ne loupe pas une occasion de flatter vulgairement la fibre patriotique de l’Américain moyen. Le cadre hawaïen est ainsi l’occasion de faire lourdement référence à Pearl Harbour…Bref Big Jim McLain est une cible idéale pour le bien-pensant moyen, le neuneu sans conscience historique qui oublie qu’en 1952, un parti communiste est d’abord -via le Kominform- un sous-marin de l’URSS et qu’en 1952, l’URSS, c’est Staline.

En revanche, pour le spectateur curieux et attentif, Big Jim McLain ne manque pas d’intérêt car c’est un des rares films à représenter cette chose pas évidente à représenter qu’est une guerre froide. En effet, comment mettre en scène la lutte contre un ennemi invisible? comment montrer un ennemi chargé d’intentions mais qui n’est pas encore passé à l’acte? On n’est pas loin de Minority report…Ces questions de cinéma, résolues grâce à une histoire de complot, font écho au dilemme au coeur du film qui est: comment protéger les démocraties qui en garantissant les libertés des individus sécrètent leur propre poison? Comme le dit le personnage de John Wayne à la fin, son pote est mort pour la constitution américaine et en particulier pour son cinquième amendement qui permet justement aux agents communistes de refuser de témoigner devant la HUAC en tout légalité. A ce dilemme, Big Jim McLain n’apporte aucune réponse toute faite. C’est un film outrancier mais pas si simpliste que ça car la franchise des auteurs leur permet d’exposer le problème soulevé par leur sujet.