A New-York, les Jets et les Sharks s’affrontent mais l’amour rôde.
Une telle profusion -de mouvements, de couleurs, de sons- ordonnée avec une telle netteté, une telle fluidité et une telle unité, c’est la victoire la plus complète du style. Tant dans les séquences à grande figuration que dans les scènes les plus intimes, chaque geste, chaque composition visuelle, chaque éclairage, est riche de sens, insufflant une épaisseur sociale, une vérité psychologique et, surtout, une force lyrique sans commune mesure avec le film de 1961. Les rebondissements les plus artificiels du livret initial passent la rampe aussi facilement que dans les meilleures représentations d’opéras. Faire l’éloge de West side story version 2021, ce serait -outre rappeler la splendeur de la partition de Leonard Bernstein- inventorier et détailler la quasi-totalité du métrage. Je me contenterai de citer l’acmé: la séquence du bal avec le coup de foudre, ce que j’ai vu de plus incontestablement sublime au cinéma depuis des lustres. Non content de nous apprendre qu’il y a encore des gens qui savent danser et faire danser à Hollywood, Spielberg livre un des plus beaux fleurons de l’histoire d’un genre qu’il investit pour la première fois*. Si postérité égale justice, ce pur chef d’oeuvre devrait faire oublier le film -très moyen- de Wise et Robbins.
*sur ce terrain, il pulvérise ses amis Scorsese (New-York, New-York) et Coppola (Cotton club, Coup de coeur), ce qui aurait pu faire réfléchir à deux fois Michel Ciment au dernier Masque et la plume