Au milieu du XIXème siècle, un homme violent utilise ses talents de tireur contre les bandits.
Quel bonheur de découvrir encore aujourd’hui, après plus de vingt ans de cinéphilie, des pépites du western! Même pas mentionnée par le pavé de Tavernier et Coursodon, cette petite production de Allied Artists frappe par son rythme endiablé et sa force dramatique peu commune.
Retraçant la vie d’un fameux pistolero du Far-West, mythifié par Mark Twain dans ses mémoires, Jack Slade le damné ne fait aucune concession au manichéisme et montre la désespérance de ce genre de personnage, fût-il du bon côté de la barrière. Comme La cible humaine, il s’agit d’un western crépusculaire d’une époque où le terme n’avait pas encore été inventé. Incapable de sortir d’un cycle infernal de violence, accro à l’alcool, le (anti)héros préfigure le William Munny de Clint Eastwood.
C’est avec des séquences d’une brutalité exceptionnelle, mettant souvent en scène des enfants, qu’est montré l’aspect purement et simplement chaotique d’un territoire d’avant la loi, d’avant la civilisation. Terrible plan où Jack Slade prend un gosse fauché par une balle dans ses bras, un gosse auquel il s’était confié cinq secondes auparavant: l’impossibilité de la rédemption pour Jack est figurée instantanément, avec une poignante amertume.
Dans le rôle éponyme, avec son chapeau noir et ses favoris, Mark Stevens a un charisme et une sobriété expressive dignes des plus grandes stars du genre. Face à lui, Dorothy Malone apporte une sensualité sans apprêt qui ajoute à la brutalité de l’ensemble. Les dialogues, laconiques et riches de sens, dénotent également l’ambition inhabituelle des auteurs de ce western de série.
Sans se faire valoir en tant que telle, la réalisation, à laquelle aurait contribué Mark Stevens, est impeccable: découpage fluide, riche de mouvements de caméra précis et efficaces, photo noir et blanc au diapason d’une atmosphère tourmentée, détails réalistes (les grosses auréoles de sueur sur le héros!) ou d’une poésie macabre (les pieds d’un pendu qui frottent sa guitare), montage sophistiqué des séquences de duel qui engendre un maximum de tension.
Bref, quelques raccourcis de scénario habituels à ces productions n’empêchent pas Jack Slade le damné d’être un western singulier, brillant et poignant.