Un des tout premiers films de Ken Loach, tourné pour la BBC. Le drame d’une famille qui devient sans-abri. Du cinéma militant pur et dur. D’un point de vue formel, Cathy come home est influencé par le free cinema, cette nouvelle vague anglaise plus politisée que la française. C’est heurté, la voix-off est très présente, les images semblent être prises sur le vif pour donner un cachet documentaire à ce qui reste une fiction. La réalité est vue par un prisme idéologique qui la simplifie outrageusement (les fonctionnaires du logement sont tous de méchants insensibles). Le propos est aussi con qu’un tract de la LCR (LCR que d’ailleurs Loach a expressément soutenu). Bref, Ken Loach en 1966 n’était guère plus supportable que Ken Loach aujourd’hui.
Et pourtant…Et pourtant, je ne peux m’empêcher de préférer ce film fait pour la télévision, qui a captivé un quart de la population britannique à sa diffusion, à ceux que Loach envoie désormais régulièrement aux festivals et à leurs publics restreints. Cathy come home est certes limité esthétiquement et intellectuellement mais le but de Loach lorsqu’il l’a réalisé était de faire prendre conscience d’un problème social avant de faire oeuvre d’art. Or c’est bien ce qui s’est passé après l’émission de la BBC. Ce film a entraîné une réaction d’indignation générale en Grande-Bretagne, a fait débat et a finalement accéléré le lancement de la construction de logements publics (programme Shelter). La preuve qu’un film médiocre peut avoir des conséquences sociales bien plus importantes que nombre de chefs d’oeuvre. Ce n’est sans doute pas avec un film nuancé, complexe, « où chacun à ses raisons » qu’une telle réaction aurait pu avoir lieu. A méditer.