Welcome to New-York (Abel Ferrara, 2014)

Le chef d’une grande institution internationale se fait inculper pour le viol d’une femme de chambre.

Cela commence comme un tableau grotesque des abus engendrés par la toute-puissance et ça se termine comme une réflexion catholique façon Bernanos où le double fictionnel de Strauss-Kahn s’avère la proie de Satan. Ce qui demeure le plus intéressant cinématographiquement parlant, c’est l’utilisation du corps de Depardieu, tantôt dominant (les longues orgies où il est un pur consommateur sexuel), tantôt dominé (les séquences de fouilles, non moins longues). Le sexe est filmé dans un parfait équilibre entre séduction et distance grâce au clair-obscur et aux grognements de Depardieu. Cependant, l’écriture pèche; les dialogues sont pauvres, tout ce qui a trait aux ambitions de la belle-famille n’est pas assez bien développé et les deux heures de projection ne sont finalement pas justifiés tant la matière narrative demeure faible. « DSK+Ferrara+Depardieu », cela demeure un coup plus qu’un film.

 

 

New-York deux heures du matin (Fear city, Abel Ferrara, 1984)

Les deux patrons d’une agence de strip-teaseuses enquêtent sur des agressions sadiques visant leur cheptel.

Polar s’inspirant clairement de M le maudit et de L’homme tranquille mais ruiné par la désinvolture de l’écriture et, dans une moindre mesure, par la médiocrité de l’interprétation. A part ça, le New-York nocturne est bien restitué.

Snake eyes (Abel Ferrara, 1993)

Chronique du tournage du film d’un cinéaste queutard, drogué et taraudé par l’idée de rédemption.

Snake eyes est donc une  autocaricature d’Abel Ferrara.  Auto-complaisance auteuriste? Autopsie de la création? Difficile de trancher une question qui relèverait de toute façon du procès d’intention. Contentons nous de juger sur pièce. En l’état, Snake Eyes n’est guère plus qu’une énième variation sur la porosité de la frontière entre représentation et réalité. Où est le théâtre, où est la vie ? On en revient au Carrosse d’or.  La cocaïne et les blondes peroxydées en plus. La monstration de la perversité du réalisateur qui exploite les fêlures de ses acteurs pour ses personnages est l’aspect le plus intéressant du film.

Christmas (Abel Ferrara, 2001)

Noël 1993 à Manhattan: un couple de jeune bourgeois d’origine dominicaine prépare les festivités, écume les supermarchés pour trouver la poupée que veut leur fille unique…tout en faisant des allers-retours à Harlem pour continuer le trafic de cocaïne qui les fait vivre. Avec une rigueur dramatique exemplaire (la règle classique des trois unités est globalement respectée), Ferrara dresse le portrait d’une ville décadente, dans laquelle la pourriture morale symbolisée par la drogue a inflitré toutes les couches de la sociétés. Y compris la police. La séquence finale qui voit un trafiquant remercié par la communauté pour ses dons aux centres aérés est éloquente quant à l’hypocrisie sociale. Christmas est donc d’abord un saisissant tableau du New-York pré-Giuliani filmé avec cette aura nocturne emblématique du cinéaste.

Pourtant ce film ne se limite pas à une représentation doloriste de la perdition comme peut l’être le lourd et complaisant Bad lieutenant. Il y a quelque chose de rohmérien dans Christmas qui est d’abord l’histoire d’un couple qui se remet en question après un incident lié aux risques de leur métier; incident qui prend la forme d’une péripétie hautement morale mise en valeur par l’épure de l’intrigue. Sans jamais digresser de sa chronique, Ferrara se joue des frontières entre les genres. La séquence du sapin de Noël est merveilleuse, comme si le Capra de La vie est belle, celui d’autant plus lucide qu’il ose croire aux miracles, s’immiscait dans cette histoire sordide.  Conte moral aux accents documentaires, Christmas est un très beau film.