Les visiteurs (Elia Kazan, 1971)

Un vétéran du Viet-Nâm voit deux anciens camarades qu’il avait dénoncés pour un crime de guerre débarquer chez lui…

Avec ce huis-clos tourné avec très peu de moyens, Elia Kazan se renouvelait dans la continuité. L’insuffisance de la technique, le montage parallèle hoquetant et une ou deux articulations un peu expéditives du récit n’altèrent guère la puissance subversive des Visiteurs, un des très rares films américains à dissocier la force et la morale, à faire du juste un faible. La violence y découle d’une malédiction immémoriale face à laquelle l’homme a deux options: encaisser et faire mine d’adhérer à une virilité mortifère (terrible tirade sur le capitaine philippin) ou se rebeller au risque du rejet social. Et encore une fois, Elia Kazan révélait un grand acteur : James Woods.

Un homme dans la foule (Elia Kazan, 1957)

L’ascension sans limite d’un homme de la rue devenu speaker à la télévision. Avec ce sujet, on se doute d’où Kazan veut en venir. Et effectivement, on n’est pas surpris. Jamais. Un homme dans la foule est une fable schématique qui critique la société américaine. Pendant deux heures. Successivement jouet des puissances de l’argent et de la politique, le héros n’a aucune individualité. Le déterminisme scénaristique répond au déterminisme social, vision du monde un peu limitée intellectuellement et esthétiquement mais à laquelle Kazan le marxiste devait être sensible. L’histrionisme d’Andy Griffith et la perpétuelle outrance de la mise en scène, loin de compenser la pesanteur de la dramaturgie alourdissent le film. Le cinéphile à la recherche d’un bon film sur un quidam moyen propulsé tribun se tournera vers L’homme de la rue, chef d’oeuvre de Capra qui n’a rien perdu de son acuité et de sa beauté. L’amateur à la recherche du film définitif sur le cynisme des gens de la télévision se tournera vers l’excellent Network de Sidney Lumet.