En se vengeant des meurtriers de son fils, un journaliste met à jour une vaste conspiration.
Télésuite policière en sept parties réalisée par un parangon du cinéma indépendant français, Les jurés de l’ombre interroge sur « la part de l’auteur » dans la commande télévisuelle. D’abord, il faut préciser que, à en croire ses mémoires, Paul Vecchiali souhaitait adapter le roman de Patrick Hutin depuis deux ans lorsqu’un producteur travaillant avec Antenne 2 le lui a, providentiellement, proposé. Quelques frictions avec l’écrivain n’empêchèrent pas le réalisateur de Femmes femmes d’être content de son travail et fier de son oeuvre. Il voulait alors sortir de son image de « cinéaste intimiste ».
Ce qui frappe en premier lieu, c’est l’action, aussi « décomplexée » que dans un blockbuster hollywoodien (mais dont la mise en scène a malheureusement plus à voir avec Hollywood night qu’avec John McTiernan). Cascades, explosions, fusillades et bastons se succèdent généreusement, voire gratuitement. La surenchère de violence ne va pas sans complaisance; ce qui nuit à l’intensité tragique (déjà limitée par les limites de l’acteur principal, qui n’est pas Alain Delon) et étonne de la part d’un cinéaste si prompt à condamner ses collègues pour leur fautes morales. Exemple: lors de l’exécution du type dans son lit, comment justifier le fait que la victime avait un pistolet caché sous son oreiller (comme dans un mauvais western spaghetti) si ce n’est par facilité pour rendre le vengeur sympathique aux yeux du spectateur?
De plus, force est de constater que cette action manque parfois de clarté dans sa restitution visuelle. Admirateur de Budd Boetticher et Michael Curtiz, Paul Vecchiali n’a pas leur science topographique. Les scènes d’action, nombreuses et dilapidatrices de douilles, sont inégales. Au mieux, le côté rentre-dedans de certains plans et le heurt des raccords peuvent évoquer le Samuel Fuller des derniers (télé)films, contemporains des Jurés de l’ombre et également produits par la télévision française. Pas le meilleur de son oeuvre, donc. La musique, synthétique et répétée en boucle, ne contribue pas à réhausser le niveau esthétique.
La clarté manque également à une narration trop souvent obscurcie à dessein. Devant ce feuilleton qui met aux prises un gentil avec des conspirateurs criminels à travers divers affrontements et courses-poursuites dans Paris, on songe aux Vampires de Feuillade: même surenchère, ludique et assomante, de rebondissements et de scènes d’actions. Cette surenchère engendre la confusion et éloigne le film de ce que j’ai identifié comme ses deux sujets profonds: d’abord, la douleur d’un homme qui venge la perte de son fils: cette douleur est surtout évoquée par d’intermittents flash-backs qui sont occasionnellement touchants; ensuite, la trouble analogie entre la croisade du héros et celle de ses ennemis, idée éminemment dialectique qui passionna donc certainement Vecchiali. Malheureusement, elle se retrouve comme diluée dans un fatras.
Dynamique et ancré dans le Paris de son époque, ce fatras est certes divertissant et l’expression de ma déception devant une oeuvre que je rêvais de voir depuis des années ne doit pas vous laisser croire à un navet: combien de télésuites françaises des années 80 se laissent aujourd’hui regarder avec intérêt? Je ne sais car je n’en regarde jamais mais je doute qu’il y en ait beaucoup.