Un syndicaliste victime d’un plan social se fait braquer l’argent du voyage de son anniversaire de mariage par un jeune qui a été licencié avec lui. Ce vieux communiste hésite à aller voir les flics pour défendre sa propriété…
La démarche initiale de Robert Guédiguian est évidemment louable. Remettre en question la validité d’un engagement de trente ans en le mettant à l’épreuve du réel, un réel de moins en moins accommodant, est l’apanage d’un esprit intelligent et, a priori, la matière d’un film passionnant (car riche de potentiels narratifs). Le problème est que si la démarche est honnête, l’artifice du procédé est criant. Trop souvent, Guédiguian délaisse la représentation intimiste (plutôt réussie) pour donner à son film des allures de dissertation filmée. En faisant référence à Jaurès tous les quarts d’heure et en plaçant des dialogues trop généralistes dans la bouche de ses protagonistes, il diminue la vérité naturelle d’un film qui, tout de même, se veut en prise avec la réalité contemporaine des prolétaires marseillais. Sans parler des choix musicaux incongrus (des dockers quincas et marseillais qui dansent sur Blondie?? ).
Si Darroussin est excellent parce que sa charge d’humanité excède les idées que son personnage symbolise (c’est le gentil très gentil), il est très difficile de croire au personnage du braqueur tout droit sorti des fantasmes angélistes de Guédiguian. Il n’est là que pour symboliser une réaction plus brutale et plus égoïste que celle du syndicaliste face au licenciement. Sa caractérisation est ratée. Ses répliques, qui suggèrent une conscience sociale pour le moins extraordinaire chez un braqueur, sonnent faux. Sa relation sage, attentionnée et bienveillante avec ses petits frères sonne faux. Le soir, il braque un vieux couple d’ouvriers, gifle la femme et le matin, il fait réciter leurs tables de multiplication à ses petits frères qu’il emmène au bus. Ses petits frères eux même, pauvres, ayant grandi en cité HLM sans parents mais aussi mignons que Shirley Temple sonnent faux. Le jeu de Leprince-Ringuet sonne faux. C’est un personnage que l’auteur dédouane complètement. Il explique son geste horrible par le poids du licenciement et par l’influence d’un comparse que, d’ailleurs, il évacue très rapidement du film. Ce faisant, il élude purement et simplement la question du mal, certainement parce que ça l’obligerait à nuancer sa vision uniformément sympathique des petites gens. Nous ne nous étendrons pas sur le personnage d’Ariane Ascaride, sorte de sainte de gauche obnubilée par sa bonne conscience.
Bref, à force de manque de précision dans les observations (quand ce n’est pas un déni de réalité pur et simple), Guédiguian dé-crédibilise sa fable. Pour ces raisons, le paradoxe final n’émeut guère.
Les grands catholiques hollywoodiens (tel Capra ou McCarey), eux, croyaient à la transcendance et n’avaient pas besoin de tordre le réel pour faire croire aux miracles. Et de fait: La route semée d’étoiles, c’est quand même autre chose que Les neiges du Kilimandjaro.