Tout pour plaire (Cécile Telerman, 2005)

A Paris, trois amies remettent en question leur vie sentimentale.

L’acuité de l’écriture, qui contient quelques observations cruellement crues, et la justesse de l’interprétation vivifient cette comédie douce-amère. Certains dialogues de Mathilde Seigner sont clairement surécrits mais procurent le même genre de plaisir que les tirades d’une Marguerite Moreno ou d’une Arletty.

Le petit lieutenant (Xavier Beauvois, 2005)

Un lieutenant frais émoulu de l’école de police intègre un commissariat parisien, sous la responsabilité d’une ancienne alcoolique.

Dans sa façon altière de mêler le mélo intime, l’étude quasi-documentaire du métier de flic et le suspense policier, Le petit lieutenant est une magistrale réussite. Excellence de l’interprétation (c’est un des meilleurs rôles de Nathalie Baye), finesse audacieuse de l’écriture, justesse de la caractérisation de chaque personnage, subtilité chargée de sens de la mise en scène (malgré deux évidentes citations cinéphiliques qui altèrent un peu l’effet de transparence: Le samouraï et Les 400 coups). Une réserve: la méfiance envers l’artifice a parfois l’effet inverse de celui recherché; ainsi faire coïncider la révélation de la mort d’un personnage central avec la sirène du premier mercredi du mois relève du volontarisme (anti-lyrique).

L’inconnue (Giuseppe Tornatore, 2006)

Une prostituée ukrainienne échappée des griffes de ses souteneurs se fait embaucher par une famille de bourgeois italiens.

Tornatore tente de revivifier le genre du mélodrame en le frottant à une réalité contemporaine. Le problème est que cette réalité est reconstituée uniquement par des clichés grossiers. L’hyperbole et les effets de manche du montage sont censés impressionner le spectateur.

Le soleil (Alexandre Sokourov, 2005)

Chronique de la vie de l’Empereur Hiro-Hito au moment de la capitulation du Japon.

Nullité à tous les étages. Ce qui caractérise d’abord Le soleil, ce sont ces images numériques vert caca d’oie qui ravalent le Japon en guerre à une cinématique de jeu vidéo. Ce sont ensuite ces cadres perpétuellement immobiles et une complaisance très « art et essai post-Antonioni » dans la lenteur. Cette esthétique pesante et affectée étouffe toute vie, tout mouvement, toute émotion, bref tout ce qui fait habituellement l’intérêt du cinéma. Ce non-style suffit à faire du film un navet mais vu la gravité du sujet touchons deux mots sur la vision qu’en a l’auteur. Cette vision est pour le moins limitée. C’est la présentation de l’empereur comme un enfant attardé irresponsable. Les questions morales, politiques liées à la fin de la seconde guerre mondiale sont purement et simplement évacuées au profit d’une solennité complètement creuse de la représentation. Pour la profondeur de la réflexion historique, c’est comme pour la mise en scène: on repassera.

In her shoes (Curtis Hanson, 2005)

Automne 2005 à la cinémathèque de Bercy, rétro Sirk. Je sors de Le temps d’aimer et le temps de mourir avec un autre cinéphile. La discussion se porte naturellement sur les derniers films vus au cinéma. Le mec, même s’il a des goûts larges, est plutôt branché chambaras, vieux cinéma japonais, cinéma bis. Il nous conseille très vivement d’aller voir In her shoes. Je lui demande de confirmer que c’est bien ce à quoi je pense, c’est à dire la dernière comédie romantique avec Cameron Diaz. Il confirme, tout en précisant que ce n’est pas tout à fait une comédie romantique et que Cameron Diaz l’a épaté alors que d’habitude il ne la supporte pas.

Janvier 2008. En vérifiant les horaires de diffusion de Desperate d’Anthony Mann, sur Cine polar, je tombe sur ceux de In her shoes sur Cine premier. Je me rappelle alors la rétro Sirk et je tente le coup, d’autant que moi, je n’ai rien contre Cameron Diaz. Bien au contraire. Eh bien, deux ans après, je me dois de remercier cet amateur fameux de chambaras pour son conseil. In her shoes est en effet un bon film, un film qui à l’instar des meilleurs produits de l’usine à rêves régénère les multiples clichés qu’il charrie grâce à une réelle conviction d’auteurs talentueux. Pas de second de degré déplacé, pas de gags débiles, pas de mise en scène ostentatoire mais une écriture dramatique impeccable et un filmage dont la figure de style la plus élaborée est le champ-contrechamp, c’est à dire un filmage entièrement focalisé sur les acteurs qui sont au centre de l’histoire, qui sont l’histoire, qui sont le film. Et si le film est si prenant, c’est en grande partie grâce à eux, ou plutôt à elles, les hommes ne tenant que des seconds rôles dans In her shoes qui est avant tout une jolie histoire de femmes. Cameron Diaz et Toni Collette -en plus d’être ravissantes- donnent une réelle épaisseur à des personnages a priori très conventionnels. Et c’est un plaisir de voir que la grande Shirley MacLaine continue à tourner dans de bons films. On pourra toujours regretter certaines sous-intrigues dispensables (l’histoire d’amour de la grand-mère), une musique sirupeuse qui détonne avec un ensemble relativement sobre mais ce serait idiot de bouder son plaisir. In her shoes est la preuve qu’un certain savoir-faire hollywoodien, celui qui en faisant la part belle aux personnages nous fait croire pendant deux heures à des histoires somme toutes conventionnelles, a encore de beaux restes.

Je ne suis pas là pour être aimé (Stéphane Brizé, 2005)

Passé un début longuet dans lequel la pauvreté plastique (manque de moyens financiers ?) est criante, le film trouve sa voie: une belle histoire qui évoque avec vérité et avec une dureté inhabituelle la fuite du temps, la négation des sentiments individuels par l’environnement familial. Patrick Chesnais porte le film sur ses épaules.