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De la fin du XIXème siècle jusqu’à Pearl Harbor, l’ascension d’un immigré originaire d’Europe centrale dans l’industrie américaine.
En raison d’une mauvaise distribution consécutive à un échec inattendu au box-office américain, An American Romance demeure un des chefs d’oeuvre méconnus de l’âge d’or hollywoodien. Rarement l’éloge de la nation américaine aura été plus consciemment mis en oeuvre que dans cette fresque entreprise par King Vidor au lendemain de Pearl Harbor. Sa particularité est d’incarner le message patriotique aussi bien dans le classique récit d’ascension sociale que dans une vue transversale du pays avec de nombreux passages simili-documentaires sur l’extraction du fer dans le Minnesota, la fusion de l’acier à Chicago ou encore l’assemblage des voitures à Detroit, passages qui enracinent littéralement le génie de la nation.
Là, la poésie plastique de Vidor, servie par le Technicolor de Natalie Kalmus, se déploie magnifiquement. Avec ses images inoubliables d’avions s’accumulant dans des hangars aux teintes bleutées, An American Romance fait figure, au sein de l’oeuvre de son auteur, de chef d’oeuvre froidement flamboyant.
A l’abri du poison du doute qui instille la décadence, chaque plan rayonne de vigueur, de santé et de conviction. Si la propagande apparaît ici comme une vérité révélée et non comme un mensonge grossier, c’est parce que ses auteurs l’ont inscrite dans un cadre réaliste avec droiture et honnêteté (à l’exception toutefois de la tirade de l’institutrice à son futur mari). Ainsi, parce que la dialectique de l’Histoire y est mieux appréhendée que dans 99% des films prétendument marxistes, cette ode au capitalisme prend-elle parti contre son héros et pour les syndicats.
Parce que le génie américain s’appuie sur le génie de l’homme et qu’il ne cherche pas à modeler celui-ci suivant une idéologie constructiviste, An American Romance ne souffre pas des artifices lourdauds de la propagande nazie ou bolchevique. Il ne cherche jamais à abolir les facultés de discernement du spectateur avec un montage accéléré, des caricatures avilissantes ou des symboles pompiers. Pour King Vidor, exalter l’Oncle Sam, c’est aussi exalter, dans des scènes émouvantes, la solidarité ouvrière ou l’apprentissage de la lecture par l’immigré.
Chantre de la civilisation de la liberté individuelle, il ne peut perdre de vue l’individu, donc l’humain. D’où la robustesse d’une oeuvre où la mise en scène, c’est à dire l’établissement des multiples rapports entre un homme et le monde qui l’entoure, est portée à son plus haut degré d’incandescence. Un anti-américain (que ce soit façon Besancenot ou façon de Benoist) qui ne mettrait pas de l’eau dans son vin après la vision de cette merveille au lyrisme lumineux serait, je pense, le dernier des connards.