L’homme du Niger (Jacques de Baroncelli, 1939)

Au Niger, un ingénieur qui voulait entreprendre de grands travaux d’irrigation disparaît avec l’aide de son ami médécin lorsqu’il apprend qu’il a attrapé la lèpre.

Derrière le mélo colonial à l’écriture souffreteuse (théâtral et mal construit), il y a un étonnant et digne mélo homosexuel. Les séquences entre Harry Baur et Victor Francen sont d’une belle force émotionnelle.

Pêcheur d’Islande (Jacques de Baroncelli, 1924)

A Paimpol, une jeune fille est amoureuse d’un marin qui part tous les ans pêcher en Islande.

Des images soignées, d’un dépouillement typiquement baroncellien, et des stock-shots documentaires sur la pêche retiennent l’oeil mais il est regrettable -quoique compréhensible compte tenu du succès de Pêcheur d’Islande en son temps- que les adaptateurs aient aussi servilement respecté le piètre roman de Loti, avec ses digressions inutiles et son intrigue languissante.

Le père Goriot (Jacques de Baroncelli, 1921)

Un vieil homme dilapide ses économies pour ses filles coquettes.

Après la découverte de Nène, j’ai encore une fois été frappé par la beauté dépouillée des images de Baroncelli. Le classicisme impeccable de sa facture n’empêche pas la vibration émotionnelle grâce à de bons acteurs et à la vérité des gestes violents (la force brutale de Vautrin est superbement restituée lors de son arrestation). Sans être aussi puissamment lyrique que le chef d’oeuvre de Balzac, Le père Goriot version Baroncelli en est une digne adaptation.

Cessez le feu! (Jacques de Baroncelli, 1934)

Après 1918, un capitaine d’aviation a du mal à s’intégrer à la vie civile.

Malgré des faiblesses d’écriture (en premier lieu un happy end plaqué et l’intrigue avec la femme qui fait dériver le récit vers un conventionnel triangle amoureux), Cessez le feu! est un film impressionnant de lucidité amère. Le ton est donné dès le début où, pendant la liesse de la Victoire, on suit un homme entrain de chanter avant que la caméra ne descende le long de son corps et ne dévoile un cul-de-jatte. Jacques de Baroncelli utilise de savants mouvements d’appareil qui accentuent particulièrement la vivacité des scènes avec de la figuration (cafés, réceptions…).

L’absence de vraie justification à l’échec durable du héros, impeccablement interprété par Jean Galland, est terrible. A quelques regrettables répliques près, son ancien lieutenant qui lui a piqué sa femme n’est pas chargé par le scénario. Jacques de Baroncelli ne dénonce pas les profiteurs, il ne s’en prend pas à un ordre social qui serait injuste, il se contente de montrer la vérité nue, à savoir que le plus valeureux des hommes (car quel révélateur plus incontestable que le champ de bataille pour déterminer la valeur d’un homme?) peut échouer matériellement, socialement et donc sentimentalement.

Dans tout le cinéma des années 30, je ne connais pas grand-chose de plus cafardeux que les scènes où le capitaine retrouve successivement ses anciens soldats; l’acmé étant les plans, nimbés d’une musique déchirante, où il s’apprête pour le banquet des anciens combattants. Cette dernière partie nous montre une camaraderie que la paix a inéluctablement rendu caduque en dépit des simulacres des retrouvailles. Ces retrouvailles sont d’autant plus belles que, l’alcool aidant, les vieux soldats se prennent à leur propre mise en scène et, le temps d’une ivresse, le simulacre devient réalité. Après de telles abîmes de pessimisme tranquille, le facile dénouement apparaît d’autant plus déplacé.

La duchesse de Langeais (Jacques de Baroncelli, 1942)

Pendant la Restauration, la reine des salons parisiens séduit un général sans expérience du monde…

Pierre-Richard Willm et Edwige Feuillère ont beau être les interprètes idéaux des héros du roman, la mollesse décorative de la mise en scène et l’affadissement de l’adaptation giralducienne qui a notamment escamoté la scène du fer rouge et rectifié le dénouement dans un esprit vichyssois ravalent le sombre chef d’oeuvre passionnel de Balzac au rang de pâlichon mélo.

Nène (Jacques de Baroncelli, 1923)

Une employée de ferme qui adore les enfants de son patron veuf s’échine pour son frère devenu manchot et amoureux d’une harpie.

Jacques de Baroncelli a été accusé d’affadir le roman de Ernest Pérochon (prix Goncourt 1920) par des concessions commerciales. En témoigne notamment une lettre citée par Bardèche et Brasillach dans leur Histoire du cinéma, lettre adressée à l’écrivain par le réalisateur où celui-ci défend candidement l’idée qu’un happy-end est préférable à la fin originelle car « le public n’aime pas les noyées ». Aujourd’hui, c’est pourtant l’impression inverse qui naît chez le spectateur ne connaissant pas le livre. L’histoire est un tel galimatias mélodramatique que l’on est agréablement étonné de la tenue générale de l’oeuvre.

Le dépouillement -clairement prémédité- des cadrages, les scènes montrant les ouvriers agricoles au travail, les décors naturels et la sobriété de la direction d’acteurs (à quelques passages près) insufflent une certaine dignité à ce qui, fondamentalement, demeure un mélo de la plus basse extraction. Le scénario aurait d’ailleurs gagné à être dégraissé des intrigues secondaires: se concentrer uniquement sur l’itinéraire de Nène aurait peut-être évité coïncidences et autres facilités narratives. Le trait est également épais, qui souligne par des cartons chaque révélation de peur, sans doute, de perdre « le public ».

Pourtant, Nène ne manque pas de qualités. Les paysages sont joliment filmés et, parfois, Jacques de Baroncelli inscrit dans ces paysages le présent du drame entrain de se jouer; la valeur de ces paysages n’est alors plus uniquement décorative mais a une fonction aussi essentielle que dans les westerns d’Anthony Mann. Je songe par exemple au plus beau plan du film, celui de la séparation du frère et de la soeur, plan qui justifie à lui-seul la vision de Nène. De plus, la gracile Sandra Milowanoff joue très bien les victimes de mélo tandis que le physique de Edmond Van Daële préfigure étonnamment celui de Jean Gabin.