Geneviève (Léon Poirier, 1923)

Pendant le premier empire dans un village montagnard, l’histoire d’une femme qui rata son mariage à cause de la pauvreté de sa condition et que sa soeur fut séduite par un officier.

La trame de Lamartine est mièvre, les développements sont trop longs et le jeu des actrices parfois exagéré mais la mise en scène de Léon Poirier, dans la droite lignée de celle de Jocelyn, sobre, aérée, vigoureuse et bucolique, est le meilleur équivalent français de l’école suédoise et sauve le film en élevant le ton.

Narayana (Léon Poirier, 1920)

Un étudiant désoeuvré se voit offrir une statuette orientale lui permettant de faire 5 voeux avant de mourir…

Pour adapter La peau de chagrin de Balzac, Léon Poirier a accentué l’orientalisme du roman et a incarné le Destin dans les actions de personnages « méchants ». Le problème est que la motivation de ces derniers pour faire le mal n’est jamais expliquée et que le récit s’en trouve donc embrouillé. Ce n’est pas l’affectation du jeu de Edmond Van Daële qui compense cette confusion narrative. En revanche, la fusion de séquences autonomes réalisée via un montage quasi-musical permet parfois à la dramaturgie de se déployer indépendamment de l’armature d’un scénario fumeux mais via la poésie des ressources propres au cinéma. Rien que pour ces beaux moments qui exploitent intelligemment les intuitions avant-gardistes d’un L’Herbier, Narayana, film par ailleurs mis en scène avec goût, vaut la peine d’être vu.

Jocelyn (Léon Poirier, 1922)

Suite à la Terreur, un aspirant-curé se réfugie dans les montagnes et y rencontre deux nobles en fuite…

Les rebondissements mélodramatiques du poème de Lamartine sont transfigurés par la sûreté du goût et la maîtrise générale de Léon Poirier. Au point de vue narratif, les flashbacks introduisent jusqu’à trois niveaux de temporalité et le rythme soutenu du montage entretient le souffle du récit. Plastiquement, cadrages et lumières composent souvent des images admirables. Mais ce qui impressionne le plus dans Jocelyn, c’est le sens du paysage de Poirier. La montagne, avec la neige qui alourdit les déplacements des héros et le bouvier des Pyrénées qui accompagne les chèvres, influe directement sur le drame. Toute la partie centrale, où son inscription dans la Nature accentue la présence physique de l’action, montre que le cinéaste français a bien retenu la leçon des Proscrits.

Verdun, visions d’histoire (Léon Poirier, 1928)

« Docu-fiction » sur la bataille de Verdun.

Ce film, réalisé par cette sorte de cinéaste officiel de la IIIème République qu’était Léon Poirier, témoigne parfaitement de l’état de la mémoire française de la Première guerre mondiale dix ans après l’armistice. Comme le disent si bien Bardèche et Brasillach, le ton oscille sans cesse entre Déroulède et Eric Remarque, entre « On les aura! » et « Plus jamais ça » . De nombreuses séquences d’archives mettant en scène des officiels ou des anonymes font office de gage de réalisme. La petite part de fiction est très schématique.

Si Verdun, vision d’histoire ne s’affaisse pas complètement sous sa lourdeur édifiante, c’est grâce au saisissant effet de réel qui naît des -nombreuses- scènes de bataille. Peu découpées, en plans larges, ces tableaux infernaux renvoient à la spécificité ontologique de l’image cinématographique chère à André Bazin. Une séquence très impressionnante parmi d’autres: deux soldats, filmés en plan pas si large que ça, discutent lorsque un obus tombe au milieu d’eux. Il n’y a pas le moindre raccord au moment de la chute de la bombe. D’une certaine façon, il n’y a donc pas le moindre truquage.

Amours exotiques (Léon Poirier, 1925)

Deux moyens-métrages sur l’Afrique :

  1. Zazavavindrano, adaptation d’une légende malgache qui voit deux jeunes amoureux dont l’union est empêchée par leurs parents car elle n’est pas fertile.
  2. L’Eve africaine, documentaire sur la femme dans différentes sociétés africaines.

Léon Poirier se comporte ici en digne émule de Robert Flaherty. Son talent naturel pour le cadrage et la captation de la lumière donne une présence sensible aux éléments de la légende. Les plans superbement éclairés où l’on voit les deux jeunes amoureux batifoler au bord de l’eau annoncent clairement Tabou. Quoique Poirier ait par ailleurs tourné plusieurs films à la gloire de l’Empire français (Amours exotiques est un projet parallèle à La croisière noire), les peuples indigènes et leurs coutumes sont ici filmés avec le respect d’un ethnologue. S’il y a un personnage hors-champ dans ces deux moyens-métrages, c’est bien l’homme blanc. Dans le second, on notera le respectueux génie avec lequel les danseuses exotiques sont filmées. Rarement film muet avait donné une telle impression musicale. Bref, Amours exotiques est à voir si vous en avez l’occasion.