L’intrépide (Fearless Fagan, Stanley Donen, 1952)

Un jeune dompteur envoyé au service militaire ne sait pas quoi faire de son lion.

Stanley Donen avait un réel talent pour animer des histoires fantaisistes et styliser discrètement les expressions et les gestes de ses acteurs sans les faire verser dans la caricature. Fearless Fagan est un film tout à fait mineur mais foncièrement sympathique.

Embrasse-la pour moi (Stanley Donen, Kiss them for me, 1957)

En 1944 à San Francisco, quatre pilotes bien déterminés à faire la fête pendant leurs quatre jours de permission se voient soumis à des obligations de propagande par des magnats de l’industrie…

L’élégance virtuose de Stanley Donen fait merveille dans cette comédie où, régulièrement, des notations amères matérialisent le retour du refoulé guerrier et viennent altérer l’élan vitaliste d’une mise en scène loufoque et colorée qui utilise parfaitement le CinémaScope pour filmer les fêtes en chambre d’hôtel. Derrière le pittoresque joyeux, Kiss them for me s’avère donc un film d’une grande justesse quant à l’état d’esprit du soldat en permission ou l’exploitation des héros par les capitalistes (là-dessus, il est infiniment plus léger mais non moins percutant que Mémoires de nos pères). Le dénouement, fondamentalement militariste, est sans doute une concession à l’US Air Force qui a prêté son concours à la production et jure un peu avec le reste.

Ailleurs l’herbe est plus verte (Stanley Donen, 1960)

Une lady tombe dans les bras d’un millionnaire américain venu visiter le château de son mari.

Les ressorts théâtraux sont patents mais la finesse des dialogues, la classe de la distribution, la splendeur de l’enrobage Technirama et la hauteur de vue d’un récit où chaque personnage a sa dignité font qu’il serait stupide de faire la fine bouche devant cette comédie presque aussi étincelante que du Guitry circa-1936.

L’escalier (Stanley Donen, 1969)

A Londres, deux vieux homosexuels vivent chez la mère de l’un deux.

Evidemment, à l’époque de sa sortie, Staircase a dû paraître audacieux et certains traits gardent une certaine justesse (la mélancolie du couple devant les enfants qu’ils ne pourront jamais avoir). Toutefois, cette adaptation d’une pièce de théâtre est sûrement le film le plus sinistre de Stanley Donen. La complaisance dans le sordide (l’appartement marronnasse, les tâches de pisse sur les draps…) rend le film très pénible à regarder. Le cabotinage de Burton et Harrisson n’amène ni la vie ni la lumière ni la gaieté ni la vérité qui font cruellement défaut au film.

Un cadeau pour le patron (Surprise package, Stanley Donen, 1960)

Un mafieux américain expulsé dans son pays d’origine, la Grèce, tente de voler la couronne d’un roi déchu.

Stanley Donen parvient à animer ses amusants croquis d’une vie véritable, notamment en peignant l’inculture de ses personnage avec une certaine tendresse. Sympathique et prestement rythmée, Surprise package est une bonne comédie policière à laquelle, toutefois, la couleur manque cruellement.

C’est la faute à Rio (Blame it on Rio, Stanley Donen, 1984)

En vacances à Rio, un quadragénaire est séduit par la fille de son meilleur ami.

Le dernier film en date du grand Stanley Donen est un remake de Un moment d’égarement. Le naturalisme parfois sordide de Claude Berri cède ici la place à un ton plus franchement comique et à une mise en scène plus colorée. Le récit n’en reste pas moins insignifiant et peu crédible, d’autant moins crédible que l’ajout le plus significatif des scénaristes américains consiste en des péripéties artificielles et larmoyantes pour résoudre le dilemme dans l’unanimisme. Médiocre.

Folie Folie (Movie Movie, Stanley Donen, 1978)

Deux films en un se passant dans les années 30: l’histoire d’un étudiant qui devient boxeur pour payer l’opération de sa soeur puis celle d’un producteur de comédies musicales qui entreprend son dernier spectacle. On aura reconnu deux schémas typiques du cinéma américain des années 30. Il est navrant de voir Stanley Donen, cinéaste parmi les plus novateurs de l’âge d’or hollywoodien, se complaire, au soir de sa carrière, dans ce stérile passéisme. Les conventions narratives de l’époque, vidées de toute substance et supposées se suffire à elles-mêmes grâce à une hypothétique connivence avec un spectateur « malin », ne fonctionnent pas malgré l’indéniable car très voyante virtuosité du réalisateur. Des ellipses faciles et le surjeu de certains seconds rôles (George C. Scott est, lui, parfait) achèvent d’anéantir les enjeux dramatiques. Movie Movie en dit bien plus sur l’idée, réductrice au possible, que le Hollywood des années 70 se faisait de son glorieux passé que sur ce glorieux passé.

Chérie recommençons (Once more, with feeling!, Stanley Donen, 1960)

Un chef plaqué par sa femme harpiste tente d’embaucher celle-ci dans son nouvel orchestre…

Comédie de remariage adaptée d’une pièce de théâtre et tournée en Angleterre. Le déroulement est particulièrement statique, les décors luxueux mais uniformes. Les couleurs pastels sont agréables et quelques gags sont drôles mais cette timide stylisation, au service d’une dramaturgie absolument conventionnelle, tourne à vide. Les personnages demeurent à l’état de marionnettes archétypales.

Les aventuriers du Lucky Lady (Stanley Donen, 1975)

En Californie durant la Prohibition, deux hommes et une femme s’enrichissent grâce au trafic d’alcool.

Un film hétérogène. D’un côté, Lucky Lady est une faramineuse superproduction où le talent graphique de Stanley Donen s’épanouit à filmer moultes explosions (l’arsenal dont disposent les gangsters frôle le surréalisme). De l’autre, Donen raconte l’histoire d’un ménage à trois avec une candeur incroyable et magnifique. Les relations entre ces trois semi-ratés qui se lancent dans le trafic d’alcool, entraînés puis freinés par la dame, sont assez touchantes. Ces deux aspects ne sont pas très bien mêlés par l’écriture. Ainsi, la dernière partie -une gigantesque scène d’action- apparaît comme de la surenchère pure et simple faute de justification digne de ce nom en termes narratifs. Bref, Lucky Lady est un film assez divertissant et intéressant par bien des aspects mais trop complaisant et pas assez synthétique. Donen peine à trouver le ton juste. De plus, les acteurs manquent de la fantaisie nécessaire à ce genre de film. Gene Hackman est un comédien génial mais il n’est guère à sa place dans cette sorte de bande dessinée filmée.

Fantasmes (Bedazzled, Stanley Donen, 1967)

Un pauvre type qui se suicide reçoit la visite du Diable qui lui propose d’exaucer sept voeux.

Série de sketches sans grand intérêt tant les images soignées de Stanley Donen (Cinémascope précis et couleurs « pop ») donnent l’impression de tourner à vide. L’arbitraire de la narration reposant sur les facilités offertes par un contexte irréaliste n’est guère compensé par l’inspiration comique et encore moins par l’approfondissement des caractères, qui restent conventionnels de bout en bout. A l’exception du passage avec les mouches, les gags sont rares et peu inventifs. Peter Cook, en diable version membre caché des Who, est tout de même amusant.

Love is better than ever (Stanley Donen, 1952)

Une jeune professeur de danse provinciale va à New-York pour un gala annuel et se fait séduire par un imprésario de Broadway…

La gentille satire des mœurs provinciales, le joyeux cynisme du héros, le charme de la jeune Liz Taylor qui ne rechigne pas à montrer ses jambes, les gags surprenants et parfois méchants occasionnés par des enfants filmés au naturel (à en croire Stanley Donen dans son entretien donné aux Cahiers du cinéma en mai 1963) et la vivacité de la caméra assurent une agréable fraîcheur à cette comédie romantique.

Donnez-lui une chance (Give the girl a break, Stanley Donen, 1953)

Trois femmes postulent pour être la vedette d’un nouveau spectacle à Broadway.

Give the girl a break est un parfait petit musical de la MGM. La rigoureuse convention de l’intrigue est vivifiée par l’extrême dynamisme de la mise en scène. Voir entre autres l’allégresse quasi-ophulsienne des mouvements de caméra. La fraîcheur et l’inventivité des musicals du jeune Stanley Donen (il n’avait pas trente ans) font de ceux-ci les films les plus proches de l’esprit de la Nouvelle Vague parmi ceux tournés au sein du Hollywood de l’âge d’or.

Drôle de frimousse (Stanley Donen, 1956)

Un photographe de mode emmène une jeune libraire de Greenwich Village à Paris dans l’espoir de la faire poser.

Drôle de frimousse dispose des vertus propres aux meilleures comédies musicales. C’est à dire que c’est un film dont les nombreuses expérimentations démultiplient le pouvoir enchanteur. Voici deux exemples de l’inventivité sans commune mesure de Stanley Donen:

-d’abord, le numéro formidablement entraînant « Bonjour Paris » dans lequel le cinéaste réinvente tranquillement le split-screen quinze ans avant Richard Fleisher.

-Ensuite, la danse d’Audrey Hepburn dans une cave de Saint-Germain des Prés où la star plus féline que jamais se meut sur de la musique contemporaine. De la musique contemporaine dans un musical hollywoodien! Il fallait le faire, et la suprême élégance des auteurs est que leur originalité ne rompt nullement la continuité du film. Admirable art d’usine où les egos ne comptent pour rien et où une idée n’a d’intérêt que si elle sert le spectacle!

Et quel spectacle que Drôle de frimousse! Drôle, entraînant, infiniment charmant. Une vraie bulle de champagne. La stylisation de la mise en scène ne concerne pas que les numéros musicaux mais permet de retranscrire un lieu, une atmosphère, un état d’esprit en un minimum de temps. Voyez l’ouverture dans le bureau de la directrice où l’organisation des décors, des couleurs et du mouvement des actrices permet à Donen de croquer le cynisme débile de la presse féminine. Plus tard dans le film, la fumisterie des existentialistes sera moquée avec le même génie de la mise en scène.

Il faut louer le travail du directeur de la photographie Ray June qui, en plus de nous concocter des images chatoyantes, s’est lui aussi permis d’expérimenter intelligemment: ainsi du flou des plans près de l’église qui restitue admirablement la lumière de certaines campagnes lorsqu’elles sont écrasées par le soleil. Il faut bien sûr rappeler combien la musique, en grande partie composée par George et Ira Gershwin, est réussie.

Et évidemment, il y a les deux stars. En 1956, Fred Astaire est encore un immense danseur et Audrey Hepburn est déjà la plus gracieuse des femmes. Elle est l’actrice idéale pour faire discrètement affleurer la mélancolie le temps d’un plan sur son ravissant visage et le couple qu’elle forme avec l’ancien partenaire de Ginger Rogers est à la hauteur de ses promesses (au contraire de celui qu’elle formera avec Cary Grant dans le décevant Charade).

Un jour à New-York (On the town, Gene Kelly et Stanley Donen, 1949)

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Les marivaudages de trois marins pendant une permission de 24 heures à New-York.

Une comédie musicale qui brille par son esprit juvénile et hédoniste. En effet, il ne faut pas se laisser avoir par les apparences sucrées du genre. Les marins n’ont qu’une idée en tête: baiser. Le film n’est jamais que la mise en scène des différentes manoeuvres des trois hommes pour arriver à leurs fins. Il n’y a aucune mièvrerie. Dans un mouvement gentiment anarchiste, les auteurs opposent à la fougue des jeunes gens la bêtise des policiers municipaux, policiers sortis tous droits d’un court-métrage de la Keystone.

Perfection du rythme, perfection des chorégraphies, perfection de la mise en scène. Le miracle est que la maîtrise absolue de Kelly et Donen (qui n’avait alors que 25 ans!), loin d’étouffer la vitalité de leur matière, l’avive prodigieusement. N’est-ce pas là le secret de la réussite d’un musical? Réalisme et onirisme sont maniés au gré de la fantaisie des audacieux créateurs qui ont régénéré le genre pour les dix ans à venir. Avec ce classique éblouissant qui n’a rien perdu de sa force, la comédie musicale entrait dans un nouvel âge d’or, âge d’or placé sous la houlette du génial producteur Arthur Freed.

Mariage royal (Stanley Donen, 1951)

Le film tourné par Stanley Donen juste avant Chantons sous la pluie. C’est malheureusement un musical qui n’a d’autre intérêt que deux ou trois numéros éblouissants de Fred Astaire dont un dans lequel il danse sur les murs et le plafond. L’histoire est complètement niaise. Les couleurs pastels sont particulièrement laides. A voir ce genre de photographie, on comprend certains critiques des années 50 qui fustigeaient le Technicolor parce qu’il aplatissait vulgairement toutes les nuances, tous les contrastes. Fred Astaire est la vedette mais le film est dénué de la grâce surranée des comédies musicales de la RKO des années 30. On est en plein dans le loukoum kitsch typique de ce que pouvait avoir de pire les productions MGM de l’époque.

Indiscret (Stanley Donen, 1958)

Sur le papier, cela avait de quoi exciter l’amateur. Jugez-donc: une comédie romantique en Technicolor mise en scène par Stanley Donen avec Ingrid Bergman et Cary Grant dans un rôle de playboy similaire à celui qu’il tenait l’année précédente dans le chef d’oeuvre absolu de Leo McCarey qu’est Elle et lui. Le problème, c’est justement que le film ne va jamais au delà des clichés. Conscients des stéréotypes utilisés, les auteurs ne s’en servent pas pour arriver à quelque chose d’autre. Tout paraît balisé, tout semble avoir été déja vu auparavant en mieux (1958, c’est la fin de l’âge d’or). Le couple de stars cabotine plus qu’autre chose et le rythme est trop plat pour une comédie. Résulte de tout ça, un film assez ennuyeux malgré de jolis décors et un Cary Grant qui porte toujours aussi beau le smoking.