Comment savoir (How do you know, James L.Brooks, 2010)

Une brillante joueuse de soft-ball voit sa carrière brisée le jour où elle n’est pas sélectionnée par son entraîneur. En pleine crise existentielle, elle rencontre deux hommes: un champion de base-ball et un jeune PDG trop naïf.

Comment savoir est la meilleure comédie romantique sortie depuis 1998, date de sortie de Pour le pire et pour le meilleur, autre film de James L.Brooks.

Une scène, au début du film, permet de cerner un peu le secret de la beauté de cette petite merveille. L’analyser permet de montrer comment l’auteur se joue des conventions pour faire exister ses personnages tout en restant amusant:
la fille passe une super nuit avec un super mec (le mec lui prépare même un milk-shake au réveil). Elle découvre au moment de se brosser les dents que le mec a dans sa salle de bains une multitude de pyjamas pour filles. On découvre donc que son amoureux est un tombeur. Elle prend alors la mouche et claque la porte. Pour l’instant, on est dans du vaudeville; du vaudeville bien écrit, bien joué et bien mis en scène mais qui ne dépasse pas la convention du théâtre de boulevard. Ce qui est génial dans Comment savoir, c’est que la fille REVIENT juste après avoir claqué la porte. Elle s’excuse de s’être emportée, nous fait naïvement part d’un de ses principes « ne pas juger les autres avant de se juger soi-même » et s’avère bien décidée à ne pas gâcher ce qui s’annonçait comme une belle histoire. Elle révèle donc ses qualités de cœur. Et c’est simplement beau.
Par ses propres moyens (certes plus limités tel qu’en témoigne la relative banalité plastique du film), James L.Brooks retrouve un peu de l’esprit de Leo McCarey qui est, rappelons-le, le maître absolu de la comédie américaine.

On pourrait citer beaucoup de séquences du film qui fonctionnent sur ce principe de douce rupture de ton, de basculement vers l’émotion. Grâce à ce style d’écriture, les personnages de comédie acquièrent une réelle profondeur. Avec cette simplicité et cette foi qui n’appartiennent qu’aux Américains, Brooks n’hésite pas à mettre en avant des principes moraux pour caractériser ses protagonistes. Ces principes moraux sont d’ailleurs une des clés de la dramaturgie de Comment savoir puisque tout au long de l’histoire, les personnages confrontent leur vision du monde et l’affinent au fur et à mesure des évènements et des rencontres. Mue par ce qui se révèlera être l’amour vrai donc le désintéressement, l’héroïne va se débarrasser des illusions liées à son éducation de sportive de haut niveau (ha, les posts-it dans la salle de bains!).

Cette œuvre de moraliste anti-cynique, Brooks l’entreprend avec une remarquable finesse et un sens profond de la « justice dramatique ». J’entends par là que les personnages les moins sympathiques le sont tout de même un peu. Ils ne sont jamais surchargés, ils ont leurs raisons, ils sont aussi capables de sentiments, ils ont aussi leur vérité. Voyez le sourire du père sur le balcon ou encore l’étreinte finale du champion de base-ball. La « justice dramatique » est ici une condition nécessaire à la justesse de l’expression. Il faut dire que les comédiens sont tous formidables (avec un bémol sur le cabotinage trop grimaçant de Nicholson mais celui-ci ne tient ici qu’un second rôle). Décidément une des meilleures actrices de sa génération, la trop rare Reese Witherspoon est adorable. Brooks émeut en montrant les choses sans qu’elles n’apparaissent pré-calculées; ce qui est peut-être la définition du grand cinéma.