The actress (George Cukor, 1953)

A la Belle-époque, la fille d’un marin à la retraite désire devenir actrice.

Les adaptateurs ne se sont pas donnés grand mal pour transformer en film la pièce de Ruth Gordon. The actress représente le pire du théâtre filmé: décor quasi-unique, monotonie visuelle, timing artificiel des rebondissements, absence de détails concrets dans la mise en scène, surjeu des acteurs. Même si Teresa Wright et le jeune Anthony Perkins sont plus crédibles, j’ai rarement vu des comédiens -Spencer Tracy et Jean Simmons pourtant habituellement excellents- aussi mauvais dans un film de Cukor qui semble avoir perdu toute finesse en matière de direction. D’où des personnages grotesques dont il est difficile de prendre au sérieux les tourments intimes. Et comme d’un autre côté, le comique est très pauvre et la satire à peu près nulle, il en résulte une oeuvre simplement morose et parfois grimaçante. Médiocre.

 

Les invités de 8 heures (George Cukor, 1933)

Dans la haute-société new-yorkaise, huit invités à un dîner sont suivis durant la semaine précédant ce dîner.

La force -limitée- du film, adapté d’une pièce de théâtre, demeure théâtrale car basée uniquement sur de bons acteurs et des dialogues ciselés. Certes, Cukor filme ces scènes de conversation avec  une fluidité rare compte tenu de l’époque du tournage (début du parlant) mais l’impression de narration artificielle demeure. Voir notamment les trop nombreux arrangements avec la temporalité, si typiques d’un récit théâtral.

Comment l’esprit vient aux femmes (Born yesterday, George Cukor, 1950)

Un lobbyiste sans scrupule demande à un intellectuel de gauche d’éduquer sa maîtresse écervelée pour qu’elle intègre la haute-société de Washington.

Une fable amusante quoique prévisible et non dénuée d’artifices théâtraux (c’est l’adaptation d’une pièce de Garson Kanin). Le plus patent de ces artifices: la situation de l’action à Washington assimile un peu facilement le fait de se cultiver à l’assimilation de nobles principes hérités des pères fondateurs. La subtilité comique de Judy Holliday, la sympathie de William Holden et l’abattage -si monotone soit-il- de Broderick Crawford portent le film.

Je retourne chez maman (The marrying kind, George Cukor, 1951)

Devant la juge de divorce, deux époux retracent l’histoire de leur couple.

La comédie de remariage a ici gagné en précision sociologique ce qu’elle a perdu en loufoquerie. La vision d’un chimérique rêve américain qui broie le couple est aussi amère -mais moins féroce donc moins réjouissante- que les satires d’un Dino Risi contre la société de consommation italienne dans les années 60. Le film est peu drôle, aigre et touchant de par la finesse implacable qu’il déploie pour représenter l’évolution de l’amour face aux problèmes matériels et aux ambitions avortées. Un bémol toutefois: l’inopportune introduction dans le scénario d’un événement à la gravité hors de proportion avec le reste dont les résonances conjugales et métaphysiques auraient nécessité un Henry King pour être dignement traitées mais que George Cukor se contente d’expédier comme une péripétie simplement plus larmoyante que les autres. A noter que, contrastant avec un style globalement sans éclat, le jeu sur les deux voix-off commentant un même flash-back propulse le récit avec une originalité dont Martin Scorsese a du se souvenir lorsqu’il a réalisé Les affranchis, quarante ans plus tard.

Riches et célèbres (George Cukor, 1981)

Par-delà les années, l’amitié teintée de jalousie et de rancœur entre deux copines d’université.

Ce dernier film de George Cukor ne rajoute pas à la gloire du très inégal réalisateur. Sans doute moins entravé par le studio qu’il ne l’était dans les années 40, le cinéaste laisse ici libre cours à son aigreur et à ses penchants misogynes. Ainsi la scène de séparation entre les époux n’est-elle pas un moment émouvant mais un moyen de moquer l’hystérie de la dame. L’auteur appuie la vulgarité et se délecte de la bassesse de ses personnages, notamment la très caricaturale Sudiste jouée par Candice Bergen. On a certes connu Cukor plus fin. Cette charge serait éventuellement intéressante si le style était à la hauteur. Malheureusement, sa mise en scène est aussi nulle qu’à l’époque de My fair lady ou Edward, my son. Manque de fermeté dans la narration, exploitation du décor inexistante, découpage fait à la va-comme j’te pousse (témoin la causette sur la plage). Reste la beauté feutrée de l’attachante Jacqueline Bisset ainsi que la belle musique de Georges Delerue qui offre un lyrique contrepoint à des images ternes.

Edward, my son (George Cukor, 1949)

Après l’avoir sauvé du handicap en grugeant une assurance, un homme d’affaire devient véreux et passe tous les caprices de son fils.

La platitude de la mise en scène de Cukor fait ressortir la redondance des artifices de théâtreux constituant l’essentiel du récit. Heureusement qu’il y a Spencer Tracy pour introduire un peu de vie dans ce programme.

Vacances (George Cukor, 1938)

Introduit dans la famille richissime de sa fiancée, un jeune homme de la classe moyenne se rend compte en faisant connaissance de la soeur fantasque de sa promise qu’il n’a peut-être pas fait le bon choix…

Vacances s’annonce comme une comédie sur les rapports de classe, le truc convenu avec un gars du peuple qui veut épouser une fille de la haute. Et puis c’est réalisé par Cukor donc le rythme est assez plat et c’est pour le moins pauvre en gags. Bref, au début, ça a l’air franchement moyen. Quand soudain, le personnage de la soeur arrive…C’est alors que le drame se noue subtilement. La caractérisation des personnages s’affine, une certaine vérité psychologique affleure. Et le film, via des scènes inattendues, commence alors à dispenser un troublant sentiment de nostalgie. Et puis, sans crier gare, Cukor nous gratifie d’une des évocations parmi les plus percutantes qui soient de la naissance du sentiment amoureux.

Grâce à ses qualités de metteur en scène de théâtre (maîtrise du timing dramatique, sens de la condensation narrative), grâce à son élégance innée mais aussi grâce à quelques gros plans savamment distillés sur une superbe Katharine Hepburn qui est une des stars les moins aimables qui soient mais dont force est de constater qu’elle nous éblouit à chacune de ses interprétations, le cinéaste arrive à créer une profonde émotion sans se départir d’une apparente légèreté de bon aloi. Cette qualité est caractéristique d’une certaine catégorie de films de l’âge d’or hollywoodien qui comptent parmi les plus beaux.

Car sauvage est le vent (Wild id the wind, George Cukor, 1957)

Ce mélodrame est un ramassis de clichés qui se prend trop au sérieux pour être intéressant. Une séquence suffit à comprendre le pittoresque faisandé de ce film: celle où la Magnani chante une chanson italienne le soir sur la terrasse tandis qu’Anthony Quin essaie de nous faire croire qu’il joue de la guitare. Ajoutons à cela un symbolisme lourdingue, celui des chevaux sauvages, et une absence de rythme typique de Cukor et on comprendra que les ingrédients sont trop lourds pour que la sauce ne prenne.