Le policeman (Fort Apache, The Bronx, Daniel Petrie, 1980)

Dans un commissariat du Bronx, un vétéran fait équipe avec un jeune ambitieux tandis qu’un tueur de flics sévit…

Un excellent scénario qui mêle habilement intrigue criminelle, constat social, questionnement moral et intimisme (l’inévitable histoire d’amour est superbement traitée) ainsi que la présence magnifique et émouvante de Paul Newman, soutenu par des seconds rôles parfaits, font de The Bronx un très beau polar.

Wagon tracks (Lambert Hillyer, 1919)

Un pisteur se rend compte que le convoi qu’il emmène dans l’Ouest comprend l’assassin de son frère…

Avant La caravane vers l’OuestLa piste des géants ou Le convoi des braves, Wagon tracks est possiblement le premier représentant de ce sous-genre du western où des chariots bâchés remplis de pionniers partent vers l’Ouest. Pour une fois, William S.Hart ne joue pas un cow-boy au sombre passé mais un héros d’une candeur qui confine à la naïveté. Face à lui, il y a un méchant très méchant (et très fourbe). D’où que le manichéisme se substitue aux accents tragiques emblématiques de ses meilleurs films. Il y a bien un dilemme concernant la soeur d’un méchant mais c’est très stupidement et très facilement que le drame est dénoué. Heureusement, la mise en scène est solide. Lambert Hillyer exploite bien le décor naturel et particulièrement le désert où se déroule une séquence qui a possiblement inspiré Sergio Leone pour Le bon, la brute et le truand.

Lumière dans la nuit (Helmut Käutner, 1943)

L’épouse d’un petit-bourgeois est séduite par un compositeur…

Cette adaptation nazie de Maupassant (que Goebbels trouva « défaitiste et profondément choquante ») étonne d’abord par sa finesse. En effet, les personnages du premier triangle amoureux n’y sont aucunement caricaturés et l’employé de banque se révèle attachant et amoureux de sa femme; ainsi, parce que le bourgeois est sympathique en tant qu’individu, la charge contre la bourgeoisie est d’autant plus précise. C’est avec un beau sens de la litote et de la métonymie que Helmut Käutner montre le désir d’une femme aux antipodes des attentes de son mari. La construction en flashbacks, peu cohérente quant aux points de vue mais idéalement prolongée par des mouvements de caméra d’une virtuosité presque étourdissante, accentue le caractère étouffant du drame. C’est ainsi qu’on songe très fort à Ophuls qui, c’est en cela qu’il est un peu plus grand que Käutner, a su être plus léger dans ses tragédies féminines. Lumière dans la nuit n’est pas léger du tout, c’est un film uniformément grave. Il n’en demeure pas moins, ainsi que le pensait Sadoul peu suspect de complaisance envers le cinéma du IIIème Reich, un grand film.

Bande de flics (The choirboys, Robert Aldrich, 1977)

Entre rondes dans les quartiers malfamés et fêtes débridées, le quotidien d’une bande de flics de Los Angeles.

Succession de saynètes grotesques et satiriques où l’épaisseur de la caricature va heureusement de pair avec le sens de la complexité humaine et du retournement de situation. D’où, par-delà la grossièreté des effets, une justesse de ton qui rappelle une autre adaptation d’un roman de Joseph Wambaugh: Les flics ne dorment pas la nuit. Les acteurs sont tous excellents, l’institution policière est savoureusement et pertinemment brocardée (idée géniale de la remise de médaille qui succède au tabassage) et, in fine, au fond des pires turpitudes, une certaine grandeur de l’homme est retrouvée (la lettre, sublime). Avec malice, le dénouement montre qu’un peu de corruption arrange tout le monde et que personne n’a intérêt à ce que justice se fasse véritablement. Bande de flics est ainsi une des réussites les plus achevées de Robert Aldrich.

 

 

Les ailes (Mauritz Stiller, 1916)

Un vieux sculpteur prend pour modèle un beau jeune homme…

C’est la première adaptation du roman de  Herman Bangs Michael avant le beau film réalisé huit ans plus tard par Dreyer. La technique encore un peu primitive et le jeu pas toujours subtil des comédiens font que la mise en scène garde de fâcheux accents théâtraux. A noter un début et une fin « méta-cinématographiques » qui introduisent une sympathique ironie.

Sausage party (Conrad Vernon et Greg Tiernan, 2016)

Dans un supermarché, une saucisse tente de faire comprendre conscience aux autres saucisses de l’inanité du mythe leur faisant croire qu’en étant mangées, elle vont accéder aux Paradis.

Métaphores filées (du type saucisse/phallus), comique régressif et attaques contre la religion. Une fois ce programme établi, avec un certain brio, le déroulement du film apparaît balisé et c’est essentiellement grâce à la surenchère de ses effets (violents, gores & pornos) qu’un semblant d’intérêt est maintenu. La mise en abyme finale est toutefois astucieuse.

Le prince au masque rouge (Vittorio Cottafavi, 1953)

En Février 1793, un noble s’infiltre dans la garnison du Temple pour délivrer Marie-Antoinette…

Cette seconde adaptation de Dumas après Milady et les mousquetaires est un des meilleurs films réalisés par Vittorio Cottafavi. La variété des passions (politiques, amoureuses, amicales, familiales) animant les personnages lui permet de s’éloigner du manichéisme et de déployer ses qualités tragiques. Emblématique en est le plan où Yvette Lebon annonce à son mari que leur projet de délivrer la Reine ne l’intéresse plus face à son amour pour le chef révolutionnaire. Son hiératisme, la lenteur inéluctable de son déplacement dans l’escalier et les variations de sa distance par rapport à l’objectif traduisent sublimement l’élan d’une héroïne qui, comme chauffée à blanc, vient de se choisir un nouveau joug, un nouveau destin. Ainsi, la profusion des péripéties est-elle vivifiée par le style de Cottafavi. Outre ces séquences d’une grandeur racinienne, le metteur en scène trouve matière à déployer son sens pathétique (les retrouvailles avec le dauphin où la mère s’écroule physiquement), son sens de la liturgie (l’exécution de Marie-Antoinette dont la géométrie rappelle celle de son chef d’oeuvre: La fiamma che non si spegne) et son sens sadique (le duel au poignard avec des détails d’une violence incroyable). Bref, le budget est vraisemblablement modique mais le talent est éclatant, particulièrement dans la très prenante dernière partie où le complexe écheveau narratif trouve son unité.

Le survivant des monts lointains (Night passage, James Neilson, 1957)

Après avoir été renvoyé, l’employé d’une compagnie de chemin de fer est embauché à nouveau pour convoyer la paye des ouvriers, systématiquement volée depuis quelques mois…

Produit par Universal, Le survivant des monts lointains eût pu être le sixième western de Anthony Mann avec James Stewart si le cinéaste n’avait finalement été appelé à d’autres besognes. C’est ainsi qu’un certain James Neilson fut chargé de la réalisation. Visionner ce film dont les ingédients (héros au passé mystérieux joué par James Stewart, scénario moral et tragique de Borden Chase, décors sauvages photographiés par William Daniels…) sont les mêmes que ceux des splendides Je suis un aventurier et Winchester 73 permet, par contraste, de se rendre compte du génie de Mann. En effet, quoiqu’il se suive sans trop d’ennui, Le survivant des monts lointains manque de l’unité et du caractère d’évidence que peuvent apporter un grand metteur en scène. La narration apparaît dispersée et artificielle (le gosse, pur prétexte à la confrontation morale des deux frères), le lien entre les personnages et l’environnement naturel où ils évoluent n’est pas rendu sensible par la caméra, Dan Duryea est bizarrement grotesque, l’action est rare et manque d’intensité dramatique et le format large du Technirama permet à Neilson d’éviter de faire des choix de découpage décisifs, ce qui accentue le caractère filandreux de son oeuvre. Même une séquence qui eût pu être magnifique, celle où James Stewart chante sur le wagon, est gâchée par le montage mécanique des plans qui la composent. Quant au grand acteur, il « fait le boulot » mais semble moyennement impliqué dans un rôle dont il a dû se rendre compte qu’il était une synthèse peu inspirée de ses rôles westerniens précédents.

L’homme aux cent visages (Dino Risi, 1960)

Un acteur raté fait fortune en utilisant ses talents pour escroquer.

Quoique ce grand shakespearien ne soit pas très crédible lorsqu’il fait semblant de mal jouer Hamlet, Vittorio Gassman est l’atout maître de cette comédie qui a des allures de film à sketchs. L’inventivité renouvelée des épisodes (l’ampleur graduelle des escroqueries va de pair avec celle des quiproquos), le réalisme du cadre et le maintien d’une certaine logique dans le comportement des personnages -aussi comiques soient-ils- maintiennent croissant l’intérêt du spectateur même si le récit demeure superficiel. Très plaisant.

Adieu mon salaud (The friends of Eddie Coyle, Peter Yates, 1973)

A Boston, un truand quinquagénaire impliqué dans un trafic d’armes veut éviter de retourner en prison…

Beau polar crépusculaire où la jolie lumière automnale s’accorde aux traits fatigués du héros magnifiquement interprété par Robert Mitchum. Son réalisme de détail (émouvante justesse de l’ancrage familial) compense le manque de souffle de la mise en scène qui peine à réaliser l’unité d’un récit foisonnant.

Napalm (Claude Lanzmann, 2017)

Cinquante-huit ans après avoir vécu une histoire d’amour avec une infirmière nord-coréenne, Claude Lanzmann revient à Pyongyang.

Ceux qui ont lu Le lièvre de Patagonie n’apprendront pas grand-chose en découvrant ce film où Lanzmann revient sur l’épisode le plus romanesque de ses mémoires. En revanche, Napalm est un film extraordinaire en ceci que des images saisies à la dérobée sont l’occasion de découvrir à quoi ressemble la Corée du Nord. Le début, où la caméra descend les avenues vides et ensoleillées de la capitale avec en fond sonore un très beau texte dit par l’auteur, est fascinant. Par la suite, Claude Lanzmann articule l’intime et le politique sans toujours éviter ni la complaisance à l’égard du dernier régime stalinien de la planète ni une certaine mégalomanie narcissique (la comparaison douteuse entre le « c’était ici » de Shoah et le lieu de son rendez-vous amoureux) mais cette impudeur qui se fiche du politiquement correct est inséparable de la folie qui fait tout le prix de cette confession où un vieil homme retourne filmer en Corée du Nord pour stimuler la réminiscence d’un amour hors du commun.

Bandits à Orgosolo (Vittorio de Seta , 1961)

En Sardaigne, un berger injustement impliqué dans un vol s’enfuit avec son frère et ses moutons dans les montagnes…

L’oeil documentaire de Vittorio de Seta restitue bien l’âpre beauté de la Sardaigne profonde et n’empêche pas l’instauration via le montage d’une certaine tension dramatique qui, couplée à l’enracinement d’une intrigue quasi-mythologique, contribue à auréoler ce film néo-réaliste d’une belle dimension westernienne. Les différents gestes menant tragiquement le berger au banditisme sont restitués avec justesse mais son itinéraire singulier est assez décorrélé des dures conditions de vie des autres éleveurs sardes: le contexte de crise économique évoqué reste flou. Cela limite la portée d’une oeuvre qui n’en demeure pas moins joliment réussie.

La guerre des gosses (Jacques Daroy, 1936)

Les gamins de deux villages voisins perpétuent une animosité ancestrale en se faisant la guerre.

C’est exagérément que le manque de visibilité de cette première adaptation du roman de Louis Pergaud par rapport à celle de Yves Robert a fait monter sa cote sur le marché des valeurs cinéphiles. En effet, le film n’est pas mauvais mais dénué de tout éclat particulier. La tendresse de Yves Robert, si elle estompait peut-être la noirceur de l’oeuvre originale, avait le mérite de rendre les personnages mémorables et attachants. Ici, seul le pessimisme allégorique du dénouement insuffle un semblant d’ampleur. L’environnement varois est joli mais nullement mis en valeur par la caméra, les dialogues sont peu inventifs, la progression dramatique à peu près nulle, les personnages d’adultes n’ont pas plus de consistance que les enfants et, bizarrement, les scènes de bataille sont escamotées. Bref, grâce à ses gamins, La guerre des gosses est un film qui se laisse plaisamment regarder mais dont la réputation apparaît surfaite.