Tumultes (Robert Siodmak, 1932)

A sortie de prison, un mauvais garçon retrouve sa maîtresse qui s’est entichée d’un autre…

Le rythme manque de fluidité et de vivacité mais l’inventivité formelle de Siodmak donne de la hauteur à plusieurs séquences. Je pense notamment au travelling subjectif qui figure l’arrivée du rival chez la jeune femme. Plusieurs plans semblent sortis tout droit d’un film noir américain des années 40.

 

Pièges (Robert Siodmak, 1939)

Une taxi-girl est employée par la police pour enquêter sur des disparitions de jeunes filles…

Film emblématique de la liberté du cinéma français des années 30, Pièges se fait tour à tour polar, comédie sentimentale, musical et film à sketches façon Carnet de bal. Toutefois, il ne manque jamais d’unité, cette variation des registres étant profondément justifiée par les pérégrinations de l’enquêteuse. De concert symphonique en concours culinaire de province en passant par une soirée dans un château identique à celui de La règle du jeu, c’est un plaisir que de se faire balader par le récit d’autant que les personnages secondaires ont une belle densité humaine et ne semblent jamais asservis à l’intrigue: au contraire, leur psychologie en perpétuelle évolution nourrit celle-ci. Cela peut donner lieu à des scènes magnifiques tel celle entre le majordome-maquereau joué par Jacques Varennes et son épouse. Jouant avec son image, Maurice Chevalier est excellent.

Si le découpage de Robert Siodmak est moins inspiré qu’il ne l’a été, le montage au cordeau maintient la vivacité du rythme. Petit à petit, le foisonnement narratif fait place à un pur film à suspense n’ayant rien à envier aux films américains de l’auteur. Même: les références à la psychanalyse sont mieux intégrées que dans nombres de classiques hollywoodiens de la décennie suivante. Au peu fourni rayon des regrets, signalons une fin qui évacue trop facilement la noirceur sous-tendue précédemment.

La crise est finie (Robert Siodmak, 1934)

Une troupe de théâtre se débarrasse de sa vedette capricieuse et tente, malgré la crise, de monter un spectacle à Paris.

A partir d’un canevas dans la droite lignée des Chercheuses d’or de la Warner, les auteurs ont concocté une fantaisie aussi superficielle et agréable qu’une ivresse au champagne. L’étourdissante rapidité du rythme stimulée par les mouvements d’appareil sophistiqués, vifs et précis de Siodmak distingue La crise est finie des autres films musicaux français de l’époque.

Le suspect (Robert Siodmak, 1944)

Dans le Londres du début du XXème siècle, un homme marié à une mégère s’entiche d’une jeune femme adorable. Bientôt, la mégère est assassinée…

Le suspect est un exercice de style dont les coutures sont parfois apparentes (l’inspecteur dont l’acharnement est inexpliqué, les modifications de l’opinion publique suivant les nécessités de l’intrigue au détriment de la vraisemblance) dans la lignée de certains films de Hitchcock. Pour vous donner une idée du genre de film dont il est question, sachez que l’un de ses moments forts est un apéritif avec un cadavre planqué sous le canapé. La mécanique, au fond très théâtrale, est brillamment agencée mais le tout est véritablement transcendé par un dénouement magnifique qui voit se révéler le méchant le plus gentil de l’histoire du cinéma. Ce flou moral donne une passionnante profondeur à l’exercice de style d’autant que les acteurs ont la présence nécessaire pour incarner leurs rôles stéréotypés. Ella Raines est très belle tandis que les manières de Charles Laughton font merveille. Au final, Le suspect peut être considéré comme un des meilleurs films de Robert Siodmak.

Double énigme (The dark mirror, Robert Siodmak, 1946)


Un médecin est tué dans son appartement. Les soupçons s’orientent rapidement vers deux jumelles…

Malgré l’apparente originalité de l’idée de départ (la gémellité), le déroulement de l’enquête est ennuyeux et convenu.  Comme c’était souvent le cas à l’époque, l’utilisation de la psychanalyse à des fins dramatiques est naïve et lourdingue. Bref, Double énigme est un film noir qui sans être franchement mauvais (la double prestation d’Olivia de Havilland y est remarquable) s’avère oubliable.

Pour toi j’ai tué (Criss Cross, Robert Siodmak, 1949)

De retour dans sa ville natale, un homme tente de renouer avec son ex-femme. Celle-ci est désormais la compagne d’un caïd…

Ce film noir archétypal est parfaitement réussi à ceci près que sa construction narrative a quelque chose de frustrant: l’exposition (la présentation des protagonistes et de leur environnement) vient après un démarrage en trombe et fait donc retomber la tension. Le procédé du flashback a pu donner de brillants résultats, surtout dans ce genre, mais ici son emploi s’avère malhabile. Il s’agit moins pour les auteurs de pénétrer la subjectivité du personnage (comme dans Laura) que de dispenser au spectateur les informations nécessaires à la compréhension de la suite du récit. Quitte à briser le crescendo entamé précédemment. Le mouvement dramatique est descendant alors que si le film avait été raconté à l’endroit, il aurait été ascendant (cf La femme à l’écharpe pailletée réalisé l’année suivante par le même Siodmak). Pour toi j’ai tué n’en reste pas moins un bon film, montrant un personnage de femme fatale particulièrement ambivalent -donc intéressant- ainsi qu’une séquence finale absolument superbe.

La femme à l’écharpe pailletée (The file on Thelma Jordon, Robert Siodmak, 1950)

L’assistant de l’avocat général d’une petite ville américaine est entraînée dans une histoire sordide par une mystérieuse femme…

La femme à l’écharpe pailletée est un film noir aussi beau que son titre. On admirera particulièrement l’efficacité avec laquelle le personnage masculin principal est caractérisé. Wendell Corey est excellent dans le rôle. Ses troubles conjugaux, son sentiment d’échec personnel…Tout cela est présenté rapidement et annonce intelligemment le drame qui va s’ensuivre. Le scénario est impeccable, la photo superbe, Barbara Stanwyck égale à elle-même, la mise en scène aux petits oignons. L’oeuvre est tout à fait typique de cette perfection du film de studio où l’excellence des différents intervenants insuffle une réelle substance aux situations les plus conventionnelles. 1950, meilleure année du cinéma hollywoodien?