Brutal (Marilou Diaz-Abaya, 1980)

Une jeune femme tue son mari et d’autres hommes. Une journaliste enquête sur le passé de la criminelle et se rend compte des diverses oppressions qu’elle a subies.

Ce qui frappe d’abord, c’est un soin à la mise en scène rare dans le cinéma philippin de cette époque: fiévreux travellings arrières, scènes de danse joliment filmées (quoique trop longues), séquences où l’angoisse naît plus du découpage que de l’horreur de ce qui est montré…La réalisatrice a un langage plus varié et plus maîtrisé que Mike DeLeon ou Ishmael Bernal. La construction en flash-backs enchâssés est audacieuse mais ne perd jamais le spectateur. La mise en rapport du drame de l’héroïne avec, d’une part , certains éléments ambigus de son passé, et, d’autre part, la romance de la journaliste, dialectise, complexifie et affine ce drame. Les actrices, Amy Austria en tête, sont excellentes. Ce qui déçoit, finalement, c’est que l’extrême-brutalité de ce que subit l’héroïne, de la part d’un mari qui s’avère méchant jusqu’à la caricature, sort son drame du cadre social donc altère la peinture ambitionnée d’une société oppressante pour les femmes, peinture qui était jusque là convaincante.

Frisson? (Mike DeLeon, 1980)

Des étudiants philippins sont poursuivis par des trafiquants japonais qui se sont servis d’eux pour faire passer de la drogue dans leur pays.

C’est en fait une comédie; une comédie qui frôle, devient, et dépasse la parodie. La faiblesse nanaresque de la forme (découpage saugrenu, rythme mollasson et scénario sympathiquement idiot quoique chargé d’un « message » contre l’impérialisme nippon) est compensée par la sympathie des jeunes comédiens et par une inventivité qui transfigure le nanar. Commençant comme une comédie d’espionnage à la Jean-Marie Poiré, Frisson? s’achève comme un opéra-rock des plus entraînants. La liberté dans le ton et les changements de registre m’a rappelé certains joyaux du cinéma français des années 30.

Trois hommes à abattre (Jacques Deray, 1980)

Après avoir amené un accidenté de la route à l’hôpital, un joueur de poker se retrouve pourchassé par des tueurs à la solde d’un magnat de l’industrie de l’armement.

La superficialité de la contextualisation politique comme de la caractérisation psychologique réduit le film à une succession de courses-poursuites où Alain Delon est chassé par des méchants puis Alain Delon chasse des méchants. Même si la photo est assez laide, c’est mené adroitement et promptement et, surtout, parsemé d’éclairs de violence qui stupéfient. Bref, cette adaptation de Manchette a l’étoffe d’une bonne série B. Sans plus.

Le diable en boîte (The stunt man, Richard Rush, 1980)

Un jeune homme en cavale se réfugie sur un tournage où le réalisateur le fait travailler en tant que cascadeur.

Les bifurcations et changements de ton du récit ainsi que le burlesque spectaculaire de la mise en scène impressionnent au début mais fatiguent à la longue (2h11, c’est énorme pour ce qui se présente comme une comédie), faute de reposer sur une structure un tant soit peu solide; soit fades (le héros joué par Steve Railsback) soit caricaturaux (le réalisateur tyrannique joué par Peter O’Toole), les personnages semblent des marionnettes.

Le voyage à Lyon (Claudia Von Alemann, 1981)

Une jeune Allemande part à Lyon sur les traces de Flora Tristan, militante féministe et socialiste du XIXème siècle.

Aucun intérêt dramatique, narratif, plastique, poétique ni même documentaire car on a beau voir beaucoup Lyon, ses rues en sont bizarrement presque toujours désertes. A côté de Claudia Von Alemann, Chantal Akerman, c’est Steven Spielberg.

Certaines nouvelles (Jacques Davila, 1980)

Pendant la guerre d’Algérie, une famille de colons profite de l’été…

Il ne suffit pas de montrer des bonnes femmes en maillot de bain discuter de choses futiles pendant qu’à la radio on annonce des attentats horribles pour figurer l’insouciance d’une classe sociale qui danse sur un volcan. Malgré la toujours excellente Micheline Presle, le film est assez peu intéressant, vide d’enjeux narratifs et dramatiques et dénué de saveur particulière dans son appréhension des corps et des décors.

Middle age crazy (John Trent, 1980)

Crise de la quarantaine chez un bourgeois américain.

Film tiré de la chanson éponyme de Sonny Throckmorton immortalisée par Jerry Lee Lewis (qui a co-écrit le scénario). Ce n’est pas du Blake Edwards mais c’est bien vu, tendre et touchant voire non dénué d’une certaine complaisance. Figurer la crise de conscience avec des inserts « mentaux » est facile mais efficace.

L’Écrin de l’ombre (The shadow box, Paul Newman, 1980)

Dans une clinique, trois personnes condamnées, rejointes par leurs familles, acceptent de répondre à des questions devant une caméra.

L’humilité de la mise en scène de Paul Newman efface l’origine théâtrale de son script pour atteindre à une vérité universelle sur la mort, la vie, la famille, l’amour…Ce qui aurait pu n’être qu’un exercice abstrait de dramaturge sur des thèmes majuscules se révèle vibrant de justesse et de sensibilité grâce, notamment, à des acteurs parfaits et à un ton qui, tantôt drôle, tantôt sentimental, tantôt amer, tantôt allègre (la danse improvisée), n’est jamais plombant malgré l’extrême gravité du sujet: c’est le récit d’un consentement (à l’inéluctable) qui nous est narré.

Bona (Lino Brocka, 1980)

Dans un bidonville philippin, une jeune fille amoureuse d’un acteur de troisième ordre devient sa boniche.

L’attirance de la jeune fille pour le bellâtre n’est pas rendu suffisamment sensible, ce qui amoindrit la dialectique dramatique. Peut-être le ton, plus léger que celui de Insiang, aurait-il gagné à être franchement comique. En revanche, Lino Brocka nous gratifie, par la bande, d’un percutant documentaire sur les bidonvilles philippins. En particulier, la dérisoire aliénation de la jeunesse sous l’emprise culturelle anglo-saxonne est cocassement restituée.

The black marble (Harold Becker, 1980)

A Los Angeles, une policière est mise en équipe avec un ancien de la brigade des homicides devenu alcoolique. Les deux doivent enquêter sur le rapt d’un chien.

Faux polar, vrai film d’amour illuminé par Paula Prentiss, toujours superbe quinze ans après Le sport favori de l’homme. La tendresse du regard, les doux méandres de la narration, le sens de la rupture de ton et de la digression et la grande sympathie du couple central rendu crédible par la justesse des longues séquences consacrées au premier rencart font de The black marble un film très attachant.

Bianco, Rosso e Verdone (Carlo Verdone, 1980)

Un père de famille maniaque, un émigré muet et un puceau qui accompagne sa grand-mère se rendent voter.

Ce deuxième film de Carlo Verdone est plus abouti que le premier. Par rapport aux réalisateurs italiens de comédie des décennies précédentes, il a certes abdiqué toute ambition politique, sociologique, historique ou même simplement satirique mais c’est efficace. On se marre pas mal. Le comique est varié: Carlo Verdone fait son miel de crétins divers et mélange comique verbal, comique de situation et burlesque façon Harpo Marx. Grâce à la tendresse de l’auteur, à un joli thème de Ennio Morricone et à la touche de mélancolie finale, les personnages de la grand-mère et du petit-fils sont chargés d’une humanité vraie.

Un sacco bello (Carlo Verdone, 1980)

A Rome, un jour de mois d’août, un hippie retrouve son père à un feu rouge, un électronicien qui vit chez sa mère rencontre une jeune Espagnole qui ne sait pas où dormir et un rocker part avec un ami  à Cracovie pour draguer.

Carlo Verdone est un comique de télé que Sergio Leone lança au cinéma. L’intérêt de son premier film naît plus de ses talents de transformiste (il joue les trois rôles) que de ses talents d’auteur. C’est la queue de comète de la comédie italienne.

Cocktail Molotov (Diane Kurys, 1980)

Trois jeunes ratent mai 68 parce qu’ils sont partis en Italie.

Suite de Diabolo menthe. La complaisance de la réalisatrice par rapport aux médiocres aspirations de personnages égoïstes ou stupides est effarante. C’est d’autant plus dommage que plusieurs sujets intéressants, notamment la différences de classes sociales entre amoureux et amis, sont effleurés mais escamotés par l’écriture paresseuse et démagogique. Le film se résume à une invertébrée succession de saynètes qui oscillent entre l’insignifiance (les velléités comiques autour du personnage de Cluzet) et la fausseté d’un vouloir-dire mal canalisé (la tirade du flic déprimé). Une belle scène à sauver: celle de la manifestation ratée.

Le policeman (Fort Apache, The Bronx, Daniel Petrie, 1980)

Dans un commissariat du Bronx, un vétéran fait équipe avec un jeune ambitieux tandis qu’un tueur de flics sévit…

Un excellent scénario qui mêle habilement intrigue criminelle, constat social, questionnement moral et intimisme (l’inévitable histoire d’amour est superbement traitée) ainsi que la présence magnifique et émouvante de Paul Newman, soutenu par des seconds rôles parfaits, font de The Bronx un très beau polar.

Spetters (Paul Verhoeven, 1980)

Dans la banlieue de Rotterdam, une vendeuse de frites avide de s’élever socialement s’intéresse à trois copains dont un jeune champion de motocross.

Force est de constater que la générosité romanesque de la narration et la puissance vitaliste de la mise en scène l’emportent face à la laideur délibérée du décor, de la lumière, des acteurs, de la musique, des images de sexe parfaitement gratuites et des consternants clichés (l’homo refoulé qui s’accepte grâce à un viol) qui sous-tendent une Weltanschuung ne déviant jamais de son cynisme programmatique. Pas sûr toutefois que Spetters supporte une révision.

Du sang sur la Tamise (The long good friday, John Mackenzie, 1980)

A Londres à la fin des années 70, un caïd entend profiter de l’entrée de l’Angleterre dans le Marché commun pour devenir respectable mais une série de morts violentes altère ses plans.

Un bon polar qui mêle habilement stylisation plastique et saupoudrage documentaire. La nervosité de la caméra, l’inventivité des scènes de violence, une certaine sensibilité de coloriste et l’emphase de la musique vivifient un récit aux enjeux variés. Les docks londoniens ont rarement été aussi bien filmés. Scorsese a dû voir The long good friday avant de réaliser Les affranchis.

Baddegama/Village dans la jungle (Lester James Peries, 1980)

Dans la campagne sri-lankaise, un fermier est victime du sort que lui jette un vieil homme à qui il a refusé sa fille puis des magouilles de l’administrateur colonial.

La rigueur de la mise en scène et la beauté nue des cadres sont altérées par le ridicule nanardesque des images d’hallucination. Il y a une certaine beauté tragique dans le destin de ce personnage écrasé aussi bien par les mythes archaïques de sa communauté que par les subtilités de l’administration anglaise mais la narration aurait gagné à fusionner ces deux intrigues. Bref, c’est pas mal mais ça aurait pu être mieux, d’autant que les acteurs ont une belle présence.

 

Melvin et Howard (Jonathan Demme, 1980)

Dans le Nevada, un père de famille qui a du mal à joindre les deux bouts recueille Howard Hughes après un accident de moto…

La partie consacrée aux déboires économico-sentimentaux du jeune couple est un peu répétitive et manque d’ampleur mais le testament relance joliment le récit. Les mouvements de caméra sont parfois ostentatoires. Un film assez sympathique.