Dans une petite ville du Sud des Etats-Unis, une lycéenne est assassinée pendant les défilés du Memorial Day. Un professeur originaire du Nord est alors accusé par un procureur ambitieux…
Je ne sais si c’est dû à la participation de Robert Rossen (engagé à gauche et futur proscrit du maccarthysme) au scénario ou au roman initial de Ward Green mais j’ai été stupéfié par le pessimisme et le caractère foncièrement adulte, car parfaitement ambigu, du dénouement. Plus encore que Fury de Fritz Lang, La ville gronde est un film exceptionnel au sein de la production hollywoodienne de la deuxième moitié des années 30. Grâce à un récit sautillant à travers les points de vue, il montre les différentes causes d’un lynchage: haine des frères de la victime, journalistes en quête de scoops, arrivisme du procureur, rancoeurs mal éteintes de la guerre de Sécession…Grâce à la finesse de l’écriture, c’est un enchaînement social qui est montré, quoiqu’un peu superficiellement, et non des personnages qui sont diabolisés. Ainsi, plusieurs de ses réactions nuancent l’ignominie du procureur. Une seule réserve importante: la haine de la foule à l’encontre de l’accusé nordiste paraît parfois artificielle, sans doute parce que l’antisémitisme -mobile du lynchage réel qui a inspiré l’oeuvre- a été escamoté du film. Si la mise en scène n’a pas la profondeur implacable des sommets de Fritz Lang (le lynchage est représenté par un plan d’un symbolisme douteux) et si certains acteurs jouent schématiquement, le découpage et le montage maintiennent un rythme vif et un dynamisme puissant. De quoi réévaluer à la hausse Mervyn LeRoy.