La dernière chance (Leopold Lindtberg, 1945)

En septembre 1943, deux évadés alliés aident des réfugiés à passer de l’Italie à la Suisse.

Ce beau film suisse se distingue d’autres films contemporains sur les civils face aux ravages de la seconde guerre mondiale (un genre à part entière dans la deuxième moitié des années 40) car il préfère la sobriété aux effets de manche expressionnistes, qui gâchent Les assassins sont parmi nous ou Quelque part en Europe. Avec ses interprètes eux même anciens prisonniers de guerre, La dernière chance est un film authentiquement néo-réaliste à rapprocher de Rossellini. Le récit, porteur d’espoir, est simple et nourri par les variations de la géographie (la montagne est joliment filmée) et les rencontres; les personnages de dix nationalités différentes sont liés par les circonstances dans une fuite et un combat face à un ennemi commun. Ce réalisme de bon aloi se retrouve dans les dialogues: on y entend au moins cinq langues différentes, ce qui contribue à faire de La dernière chance le parangon le plus éclatant, et pas du tout désincarné, de film européen.

Une fois, la nuit (Boris Barnet, 1944)

Dans une ville dévastée et occupée par les Allemands, une jeune femme soigne des aviateurs russes.

Les paysages de ruine, dignes d’Allemagne année zéro, impressionnent mais ne sont pas très bien exploités: en plus d’être un récit de propagande des plus basiques et manichéens (avec un méchant très méchant), Une fois, la nuit pâtit d’un découpage confus qui annihile l’intérêt de ses scènes d’action.

Terre et soldats (Tomotaka Tasaka, 1939)

Les opérations de soldats japonais en Chine.

Terre et soldats frappe par ses accents documentaires, son focus sur l’action des soldats, son invisibilisation de l’ennemi, son dédain du récit et de la dramaturgie; toutes caractéristiques qui, aux yeux d’un spectateur contemporain, lui donnent l’apparence d’un film éminemment moderne, tendance abstraite. Ce serait l’accoutumance du public japonais aux images d’actualité guerrière qui incita les cinéastes du cru à accroître le réalisme de leurs films, avec l’aval du bureau de censure. Terre et soldats est bien sûr un film de propagande mais la valorisation du dévouement au collectif est nuancée par de jolies parenthèses sentimentales (scène de la photo à la fois pudique et lyrique). 

Après Cinq éclaireurs du même Tomotaka Tasaka, Terre et soldats fait figure de paroxysme de cette tendance réaliste du cinéma de guerre nippon. Il commence par vingt minutes de bataille presque en temps réel sans autre préalable narratif que la succincte définition des objectifs militaires de chaque compagnie; comme, soixante ans plus tard, Il faut sauver le soldat Ryan (sans les détails gores) mais, à la différence du film de Spielberg, il continue sur cette lancée pendant toute sa durée, à savoir deux heures. Deux heures de batailles, de marche, de repos. A la longue, il faut bien dire que l’absence de dramatisation (la progression géographique des soldats n’est même pas corrélée à une progression dramatique) ennuie quelque peu. Terre et soldats est un film très intéressant mais très peu passionnant, malgré le beau sens du cadre de son réalisateur.

Ils étaient cinq (Jack Pinoteau, 1951)

Cinq copains de régiment se réadaptent difficilement à la vie civile et sont heurtés par les compromissions de l’arrière.

Pâle ersatz des équivalents américains dont le plus beau fleuron serait Les plus belles années de notre vie. L’acuité sociale, la finesse psychologique et la cohérence narrative sont sacrifiées à un pessimisme moral aussi facile que manichéen (le brave soldat qui récite un poème lorsqu’il monte sur une scène de Pigalle…comment une idée aussi grotesque peut-elle germer?), à la misogynie qui, bien sûr, réconcilie les copains et à une démagogie plus débilitante (car non fondée sur des faits) que n’importe quelle « happy end » hollywoodienne. En tout cela, Ils étaient cinq est typique du pire cinéma français des années 50.

Les sept tonnerres (Hugo Fregonese, 1957)

En 1943, deux évadés anglais se planquent dans le Vieux-Port de Marseille…quartier qu’Hitler a l’intention de raser.

Film anglais tourné par un Argentin en France et à Pinewood, Les sept tonnerres avait de quoi inspirer la suspicion. Mais, en dépit de quelques conventions mal digérées (la toute fin et, de façon générale, la romance), c’est un sommet de narration auquel les auteurs ont su insuffler nervosité, densité et (relative) authenticité. Le foisonnant enchevêtrement de personnages et de situations est si bien ficelé qu’on n’a jamais l’impression d’un film choral avec démultiplication artificielle et surplombante des protagonistes.

Le but de ce film trépidant n’est clairement pas de donner une leçon d’histoire et pourtant, plusieurs fois, à la faveur de l’action, Hugo Fregonese, grâce notamment à son sens de la suggestion et de la cruauté, donne à voir la vérité de l’époque avec une force que peuvent lui envier bien des auteurs plus apparemment ambitieux. C’est par exemple un soldat allemand paniqué qui engueule son collègue venant de commettre la plus affreuse des bavures. C’est aussi ce plan étonnant où le héros en fuite se mêle à la foule des réfugiés, point culminant d’une intégration de la petite histoire à la grande Histoire parmi les plus organiques jamais vues sur un écran.

Les acteurs, peu connus (le plus célèbre étant Stephen Boyd, futur Messala), sont tous très biens et insufflent une dimension humaine inattendue à des figures parfois stéréotypées (je pense par exemple à la matrone sympathiquement campée par Kathleen Harrison).

L’ange rouge (Yasuzo Masumura, 1966)

Pendant la seconde guerre mondiale, une infirmière japonaise se donne à un amputé, tombe amoureuse d’un chirurgien puis est affectée dans un camp dévasté par le choléra.

Succession de tableaux infernaux, admirablement composés en Cinémascope-noir et blanc (la couleur aurait été insoutenable), qui manque quelque peu de continuité narrative et, s’il n’y avait l’intrigue amoureuse avec le docteur qui apporte une petite lueur comme le font certains paragraphes dans le Voyage au bout de la nuit, se limiterait à un effet « dans-ta-face ». Certains dialogues dialogues qui généralisent le propos sonnent artificiel.

La bataille pour notre Ukraine soviétique (Alexandre Dovjenko, 1943)

Le titre est un parfait résumé du film.

Puissante exaltation de l’Ukraine et du combat contre l’envahisseur allemand. Il faut voir le plan immense où, à l’image des nazis déferlant, un nuage voile progressivement une région pour se rendre compte combien Dovjenko reste insurpassable en matière de lyrisme cosmique; c’est un exemple parmi cent autres images magnifiques de la Nature. Aussi édifiant qu’il puisse être, étayant son didactisme avec des images d’archives allemandes (on voit ainsi Goering visitant l’Ukraine), le cinéaste garde pourtant un style gorgé de sève, de chaleur et d’inventions. Il délaisse le montage « marteau-piqueur » de ses films muets pour un rythme souple et délié. Il donne des aperçus du quotidien du peuple, avec de vieilles dames parlant en langue ukrainienne. Il singularise aussi son film de propagande avec une étonnante poésie macabre, tel ces images de partisans qui veillent aux côtés d’un squelette de soldat allemand. Enfin, l’épopée va de pair avec une mise en exergue des horreurs nazies qui préfigure Nuit et brouillard; voir les atroces plans de cadavres d’enfants. A l’heure de la nouvelle guerre en Ukraine, il serait judicieux de diffuser ce film qui, en plus d’être magnifique, est révélateur de la complexité de la mémoire russo-ukrainienne; sur Arte par exemple, avec une éventuelle contextualisation d’historiens.

Machenka (Youli Raizman, 1942)

Entre 1939 et 1940, l’idylle entre une télégraphiste et un chauffeur de taxi, contrariée par la légèreté de l’homme ainsi que par la guerre d’Hiver.

Spectaculaire et violente, la dernière partie relève du film de guerre, avec un final bien sûr propagandiste et irréaliste, mais la majorité du métrage ressort de la romance légère, ancrée dans le quotidien et la réalité sociale (les personnages qui travaillent, passent leurs examens…). Dans l’ensemble, Machenka touche par sa fraîcheur et simplicité. Ces qualités résultent notamment de l’interprétation de Valentina Karavayeva et d’une caméra souple et attentive. Joli film.

Six heures du soir après la guerre (Ivan Pyriev, 1944)

A Moscou pendant la Grande guerre patriotique, un artilleur et une jeune fille mobilisée par la DCA tombent amoureux.

L’histoire d’amour, que d’aucuns ont abusivement comparé à Elle et lui car elle est basée sur des rendez-vous manqués, souffre de l’absence d’épaisseur de personnages qui se réduisent à leurs stéréotypes mais ce film de propagande guerrier et opératique ne manque pas de souffle: la musique de Tikhon Khrennikov s’allie à la virtuosité formelle de Ivan Pyriev au service d’un lyrisme un chouïa grandiloquent et typiquement soviétique qui fait particulièrement mouche dans les scènes de bataille enneigées. Pour autant, ce film dont la durée ne dépasse pas l’heure et demi n’est pas une grosse machine indigeste. Il m’a semblé préfigurer Quand passent les cigognes. En outre, Pyriev se paye le luxe de filmer la victoire un an avant qu’elle n’ait eu lieu.

Arise my love (Mitchell Leisen, 1940)

Pour écrire un article, une journaliste américaine sauve un compatriote des geôles franquistes puis les deux batifolent dans une Europe de plus en plus menacée par Hitler.

Un an après Ninotchka et un an avant l’entrée en guerre des Etats-Unis, Arise my love est une nouvelle comédie politique écrite par Billy Wilder et Charles Brackett. C’est avec courage et finesse que les auteurs traitent de la dialectique entre bonheur individuel et engagement dans le monde, dialectique qui structure habilement leur dramaturgie. Aussi bien que d’allusions comiques dignes de Lubitsch (le pansement sur le nez lorsque son patron revient de la chambre de son employée!), la reconstitution hollywoodienne est émaillée de notations qui frappent par leur justesse; ainsi cet officier allemand qui demande à la journaliste, couvrant l’armistice à Rethondes, d’enlever son rouge à lèvres et de ne pas fumer en présence du Führer. Il manque peut-être à Ray Milland la fantaisie d’un Cary Grant mais l’abattage de Claudette Colbert convient idéalement à l’héroïne. Dans la meilleure tradition des comédies américaines, le rythme enlevé n’empêche pas la prise au sérieux des tourments intimes des personnages. Bref, c’est très bon.

Les évadés (Jean-Paul Le Chanois, 1955)

En 1943, deux soldats et un lieutenant français s’évadent d’Allemagne et tentent de rejoindre la Suède.

Le film a beau être inspiré des souvenirs de Michel André, qui a co-écrit et joue dans le film, sa dramaturgie poussiéreuse, ses dialogues terriblement édifiants et son interprétation maniérée (Fresnay a rarement été aussi mauvais) font que tout sonne faux et conventionnel; à l’exception de ce fugitif moment où les évadés entendent chanter des Juives dans un train: inattendue, pudique et claire évocation de la Shoah.

L’armée du crime (Robert Guédiguian, 2009)

L’histoire des résistants, immigrés et communistes, du groupe Manouchian.

Au début du film, il y a un plan de soldats allemands devant la Tour Eiffel avec, en fond sonore, l’Internationale, puis un journal commence à apparaître en surimpression. Un bref instant, j’ai cru Robert Guédiguian capable d’ironie et de subtilité, pensant qu’il faisait allusion au pacte germano-soviétique et à la demande de reparution de L’Humanité aux autorités allemandes en 1940. Las! C’est en fait l’opération Barbarossa qui est ainsi, hyper conventionnellement, évoquée. L’absence de rigueur dans la chronologie avait pu m’induire en erreur mais pas la mise en scène de Guédiguian qui se borne à une illustration de la légende, ainsi qu’il le revendique lui-même à la fin de son film.

Ce mépris de la vérité historique engendre deux problèmes cinématographiques. D’abord un déficit de justesse dans la reconstitution, notamment dans la façon dont les personnages s’expriment: comme des jeunes -quand ce n’est pas comme des éditorialistes de gauche- d’aujourd’hui. Ensuite, et c’est encore plus fâcheux que ce dernier décalage auquel le spectateur s’adapte finalement, la réduction de la complexité de l’Histoire à une leçon d’éducation civique simplifie éhontément la dramaturgie: l’attentisme communiste avant juin 1941 est escamoté, le débat interne à la Résistance sur l’assassinat de soldats allemands -et les représailles alors engendrées- n’est qu’effleuré (l’objectif politique du PC n’est même pas même dit), le refus de la direction du PC de replier le groupe affaibli n’est pas évoqué…

En résulte une fresque aux effets faciles quoique parfois irrésistibles (la Passion selon Saint-Matthieu pour illustrer le calvaire des résistants), prévisible mais prenante. Ceci essentiellement grâce au remplissage d’une condition nécessaire à la réussite d’une telle épopée: les notations intimistes, qui peuvent sortir le film de ses rails propagandistes (voir l’ambiguïté du personnage malheureusement secondaire de Darroussin) et qui sont ce qu’il y a de plus réussi dans le film, notamment grâce à l’excellence des comédiens; plaisir de revoir Virginie Ledoyen, chargée de fond de teint pour faire croire qu’elle est arménienne mais toujours sublime.

Femme entre chien et loup (André Delvaux, 1979)

De son mariage en 1939 jusqu’à 1954, l’itinéraire d’une femme mariée à un nationaliste flamand engagé aux côtés des Allemands sur le front russe et qui eut une liaison avec un résistant planqué chez elle.

« Itinéraire » est un bien grand mot dans la mesure où le personnage évolue peu et demeure politiquement et psychologiquement pas très consistant. Fidèles à leur titre, les auteurs s’intéressent à une femme soumise à des forces antagonistes qui a peu de prises sur son destin. L’évocation du contexte historique se borne à quelques allusions et l’essentiel du film se déroule dans le foyer. Contrairement à ce que disait Michel Mourlet dans sa critique, le personnage du collabo n’est guère approfondi, restant dans son stéréotype de réprouvé aigri. D’irritants fondus au noir qui interviennent, dans la grande tradition d’une soi-disant modernité cinématographique, juste avant l’acmé des séquences, altèrent la fluidité du récit en même temps qu’ils neutralisent la dramaturgie.

En résulte un film trop mou compte tenu de son passionnant sujet (la présence de Rutger Hauer et l’ancrage flamand évoquent évidemment Paul Verhoeven) mais digne, notamment grâce à de beaux cadres larges, à la justesse parfois percutante des scènes prises isolément et à une Marie-Christine Barrault parfaite dans son rôle « koulechovien » (le champ sur une horreur de la guerre/contrechamp sur son visage -expressif mais pas trop- revient souvent dans le film).

Destination Tokyo (Delmer Daves, 1943)

La veille de Noël, un sous-marin américain part pour une mission secrète à Tokyo.

Dès cette première réalisation, Delmer Daves impose un ton: le film de propagande militaire est traité sous l’angle intimiste. L’accent est mis sur la nostalgie du foyer et la camaraderie, le personnage du capitaine joué par Cary Grant est un type bienveillant. Ce film qui inventa le sous-genre de film de sous-marin s’avère encore aujourd’hui, malgré une longueur un brin excessive, un de ses représentants les plus réussis: la sensibilité humaniste y va de pair avec la clarté documentaire et l’ampleur des scènes d’action.

Onoda – 10 000 nuits dans la jungle (Arthur Harari, 2021) 

Refusant de croire à la reddition, un lieutenant japonais resta trente ans à combattre sur une île philippine, avec sa section de guérilla.

Bien sûr, l’ambition d’un « jeune » cinéaste français qui part tourner dans la nature cambodgienne avec des acteurs japonais force le respect. De plus, ce cinéaste a un admirable sens du découpage, restituant la beauté des paysages divers sans esthétisme et la topographie des quelques scènes d’action avec une rare clarté. Mais après? Que raconte Onoda? Quel est le point de vue de l’auteur sur son personnage extraordinaire? Difficile à dire. Malgré qu’il dure 2h47, le film ne développe guère son formidable postulat; il le ressasse. L’absence de concision se fait ressentir d’autant plus cruellement. Voir par exemple la scène de la première rencontre avec le touriste dont la longueur finit par diluer le sel. Harari a la sens de l’espace (ô combien) mais, ici, le sens du rythme, tant interne à chaque séquence que global, lui fait défaut (Diamant noir était mieux géré de ce point de vue). La relative fadeur de l’acteur principal et le quasi-escamotage des conséquences violentes de son fanatisme (le véritable Onoda tua une centaine de Philippins après la fin de la guerre) participent également à ce sentiment de neutralisation académique d’un sujet extrêmement fort. Ceci étant dit, s’il ne faut pas confondre Onoda-1000 nuits dans la jungle avec Fièvre sur Anatahan, ses qualités déjà mentionnées en font un film non seulement estimable mais aussi, ponctuellement, frappant. La dernière scène est franchement, même si presque forcément, émouvante.

Les anges marqués (The search, Fred Zinnemann, 1948)

Dans l’Allemagne ravagée par la seconde guerre mondiale, un enfant rescapé des camps quitte ses nourrices américaines tandis que sa mère le recherche, de son côté.

La cruelle audace des vignettes sur les gosses victimes de la guerre n’a pas grand-chose à envier à celle de Rossellini: l’influence de Allemagne année zéro dans cette production MGM est prégnante même si nimbée d’un discours édifiant d’autant plus estimable qu’il n’est dénué ni de glaçante précision (Auschwitz est nommé) ni d’une certaine finesse (les séquences avec le petit imposteur juif). La force dramatique de ce que Les anges marqués vise à documenter est rehaussée par les vertus typiquement hollywoodiennes de la mise en scène: maîtrise du cadre, concision du découpage, sens de la suggestion. Cependant, la sécheresse du style de Fred Zinnemann, à la limite de l’aridité, est aussi la limite du film: elle ne contribue pas à étoffer un récit et des personnages parfois trop schématiques. Ce n’est pas si grave: comme dans les grands films italiens ou japonais contemporains sur le même thème, la puissance émotionnelle intrinsèque des séquences se suffit souvent à elle-même.

L’invasion secrète (Roger Corman, 1964)

En 1943, un commando formé par des criminels est chargé de délivrer un général enfermé dans une imprenable forteresse yougoslave….

Cela préfigure Les douze salopards, sorti trois ans plus tard. Moins nihiliste que le film d’Aldrich, L’invasion secrète ne s’appuie guère sur la crapulerie de ses personnages mais préfère développer un classique film de commando avec brio et efficacité: un insert mélo inattendu mais assez cohérent, une belle appréhension des décors naturels de Dubrovnik, des situations de l’action variées entre montagnes, souterrains, cimetières et prison ainsi qu’une fin dont l’ingéniosité sous-tend un vrai propos politique en sont les principales qualités.

Les démons à ma porte (Jiang Wen, 2000)

Pendant l’occupation japonaise, des paysans chinois sont chargés par la Résistance de garder un soldat nippon et son interprète…

Relativisme moral (apologie de la veulerie déguisée en humanisme), personnages perpétuellement ravalés au rang de bestiaux et style frimeur et envahissant, entre gratuité des contrastes et hystérie du cadrage censée insuffler artificiellement de l’énergie aux scènes: ce film unanimement encensé à sa sortie relève d’une esthétique que j’appellerais « forcing naturaliste » et qui fait de Jiang Wen le dépositaire des pires tendances de Clouzot. En est parfaitement symptomatique un des plans les plus cons de l’histoire du cinéma: celui du regard depuis une tête coupée (avec passage du noir et blanc à la couleur).

A l’aube du 5ème jour (Giuliano Montaldo, 1969)

Début mai 1945 en Hollande, deux déserteurs de l’armée allemande sont capturés par les Canadiens…

Les sabots de plomb nuisent à cette retranscription d’un aspect méconnu de la deuxième guerre mondiale: les déserteurs fusillés par leurs compatriotes prisonniers. Le jeu de Franco Nero, caricatural et plein de hurlements injustifiés, est à l’image d’un film où la dramaturgie est beaucoup plus spasmodique que dialectique. Comme souvent, la musique de Morricone est supérieure à l’oeuvre pour laquelle elle fut commandée.

La bataille de la montagne du Tigre (Tsui Hark, 2014)

En 1946 dans le Nord-Est de la Chine, des soldats de l’Armée de libération populaire tentent d’attaquer le repère d’un seigneur de guerre.

Le sens de l’Histoire et la psychologie des personnages sont superficiels mais, entre James Bond, Les sept samouraï et Le détachement féminin rouge, La bataille de la montagne du Tigre est transfiguré par deux qualités essentielles: l’amour palpable de Tsui Hark pour les récits mythologiques et épiques, récits mis en perspective de façon ludique et nostalgique, et, surtout, sa générosité spectaculaire qui ne semble jamais bourrative mais toujours pleine d’une certaine légèreté. Son génie de l’action n’a rien perdu de sa superbe à l’exception d’une scène où les effets spéciaux numériques sont trop voyants (celle avec le tigre). C’est à la fois frénétique, grisant et d’une grande élégance. Par exemple, son utilisation du ralenti, loin d’avoir la gratuité complaisante de Peckinpah, introduit une clarté analytique au sein du chaos. Un brillant divertissement.