Un timide employé de bureau est confondu avec l’ennemi public n°1 dont il est le sosie…
Le moins fordien -et le plus oublié- des classiques réalisés par John Ford est un chef d’oeuvre. Un chef d’oeuvre de la comédie américaine au même titre que New-York Miami, L’amour en première page ou L’impossible M. Bébé. Tourné pour Columbia et écrit par Robert Riskin, Toute la ville en parle aurait pu être signé Frank Capra. Sauf que les comédies de Capra n’ont pas la densité et le réalisme du film de Ford. Ce dernier est d’abord un sommet de narration où, à partir d’un postulat incongru, et sans jamais que le parcours individuel des personnages ne soit oblitéré par un quelconque « message », l’ensemble de la société américaine est satirisé avec une fantaisie naturelle; les policiers agissant comme des cow-boys, le matriarcat, l’oppression capitaliste, la toute-puissance des journalistes…sont tour à tour moqués dans la joie et la bonne humeur. Evidemment, cela n’empêchera pas le film de se conclure par une fin typiquement américaine où l’homme de la rue défait les méchants. Pour le plus grand bonheur du spectateur.
De l’inénarrable Donald Meek qui a le don de faire rire en deux secondes d’apparition à la grande Jean Arthur, l’interprétation, colorée mais jamais caricaturale, est de la plus haute qualité. Une mise en scène extrêmement précise et jamais décorative confère à Toute la ville en parle un rythme parmi les plus parfaits de la comédie américaine des années 30; ce qui n’est pas peu dire. En tous points, la profusion d’inventions comiques est canalisée par le dynamique récit. A noter que, soixante ans avant Christian Clavier dans Les visiteurs, Edward G.Robinson apparaît parfois deux fois dans le même plan. Remarquable exemple de trucages sophistiqués mis au service de la narration, sans la moindre ostentation. Tout, ici, respire le juste dosage des ingrédients, la maîtrise totale de chacun des savoir-faire du cinéma, la soumission du talent de tous les artistes au résultat final. En un mot: la perfection classique.