The bay (Barry Levinson, 2011)

Le jour de la fête nationale, une petite ville de la baie du Maryland est ravagée par une infection bactériologique.

Une excellente surprise qui montre que les vertus traditionnellement attribuées au meilleur de la série B -concision, vivacité, inventivité formelle, franchise de la critique politique- ne sont pas encore mortes! On avait initialement proposé au vétéran Barry Levinson de réaliser un documentaire sur les conséquences néfastes de la pollution dans la Chesapeake Bay. Il a jugé qu’un film d’horreur intégrant un maximum de détails réalistes serait plus à même d’alerter le spectateur. D’où l’idée formelle à la base du projet: faire croire que The bay est un montage créé par l’héroïne du film pour alerter les internautes du scandale étouffé par les autorités. Ce montage aurait été réalisé à partir de sources diverses et variées: reportages, téléphones portables, caméras de surveillance, conversations webcam, images médicales…Techniquement, seule la qualité de la prise de son contrecarre ce postulat du « pris sur le vif » et les situations canoniques du film d’horreur (on pense aux Dents de la mer, à Alien) voient leur crédibilité renouvelée. L’ancrage dans la réalité est ainsi tellement probant qu’on n’a qu’une envie après la projection: taper « isopode » dans Google.

Mais ce n’est pas tout! Si, au-delà de sa fraîcheur formelle, The bay s’avère aussi percutant et aussi effrayant, c’est que Barry Levinson y fait montre de tout son talent de petit maître ayant vite assimilé les secrets du genre. Le récit, avec son unité de lieu, son unité de temps et sa multitudes d’actions est conduit avec une belle rigueur et 80 minutes suffisent à son déroulement. De plus, la mise en scène est particulièrement soignée et intelligente. On sent que, à l’opposé de la tendance contemporaine à la surenchère visuelle et au découpage fait par des robots, notre vieux routier du cinéma s’est, pour chaque séquence, posé les questions de base en vue de produire un maximum d’effets sur son spectateur: qu’est-ce qu’il faut montrer et qu’est-ce qu’il ne faut pas montrer? A quelle distance poser la caméra? Et les résultats sont là: les passages horrifiques surprennent le spectateur blasé et n’ont rien à envier aux clous des films de Jacques Tourneur ou de John Carpenter.

Bref, The bay est un digne descendant de Silver Lode, cette autre série B politique où un vétéran du cinéma américain filmait, en 1954, les festivités du Jour de l’Indépendance tourner au vinaigre.

 

Bugsy (Barry Levinson, 1991)

Evocation de la vie de Bugsy Siegel, beau gosse mafieux parti racketter les producteurs d’Hollywood avant de construire Las Vegas.

La mise en scène se complait dans une reconstitution ripolinée du Hollywood des années 40 mais mais peu à peu le véritable  sujet du film se dessine. C’est le portrait d’un gangster immature, impulsif et trop faible pour prendre une décision conjugale. Warren Beatty est évidemment formidable dans le rôle titre. Il produit le film qu’il songea même à réaliser. Les plus belles scènes sont celles entre lui et Annette Benning, Annette Benning qui allait devenir Mme Beatty après le tournage. Elles apportent un peu de mystère à ce film de facture néoclassique.

Liberty heights (Barry Levinson, 1999)

Lorsqu’ils prennent pour cadre Baltimore, la ville natale de leur auteur, les films de Barry Levinson valent généralement plus qu’un coup d’oeil. Diner, excellente chronique adolescente et Tin men comédie douce-amère avec un formidable duo Danny De Vito/Richard Dreyfuss vérifiaient déja cet adage. Il y a d’ailleurs une continuité entre Diner,  son premier film, et Liberty heights, qui se focalise sur une famille juive. Les deux se déroulent à la même époque: les années 50, les années de la jeunesse de Barry Levinson. Dans les deux, le réalisateur reconstitue avec gourmandise la culture populaire dans laquelle il a baigné: l’amour des belles bagnoles, des disques, du rock&roll est palpable.
Ici, la photographie automnale de Christopher Doyle et la musique d’Andrea Morricone (fils de…) participent aussi au caractère nostalgique de l’oeuvre. Pourtant, derrière cette patine, une vérité, plus complexe, affleure. Levinson, à travers la voix de son narrateur, regrette sa jeunesse mais n’élude ni l’envers des clichés (les compromissions morales pour se payer les superbes Cadillac par exemple) ni les tares de l’époque représentée. C’est cette nostalgie lucide qui fait le sel de son oeuvre. Ainsi, les deux adolescents de Liberty heights sont-ils confrontés à des problèmes de deux ordres: intime et social. Comme dans toutes les chroniques adolescentes, les troubles sentimentaux et les conflits générationnels tiennent une place importante. Ils sont ici traités avec finesse et humour. Ainsi de cette inénarrable séquence qui voit les parents choqués par leur cadet déguisé en Hitler pour Halloween. « They don’t have any sense of history ! » se lamente le père qui ne goûte guère la plaisanterie. La guerre n’est pas finie depuis dix ans. Comme chez Lubitsch, comme chez Chaplin expressément cité, humour et gravité procèdent d’un même mouvement. C’est avec la même élégance qu’est traitée le communautarisme sectaire qui pourrissait la société américaine d’alors. Le rire s’étrangle souvent lorsque le spectateur réalise que des personnages prennent au sérieux ce que le comique de la mise en scène avait rendu absurde (le racisme par exemple).
Liberty heights est donc un très beau film, honteusement boudé à sa sortie en France.