La séductrice aux cheveux rouges (Take me to town, Douglas Sirk, 1953)

En cavale, une chanteuse de saloon se réfugie dans une petite ville où elle s’occupe des enfants du prêcheur.

Un John Ford aurait donné plus d’épaisseur humaine et dramatique à ce qui reste ici du domaine du western d’opérette, à part lors de quelques scènes intimistes qui sonnent juste, notamment grâce à la science de l’éclairage. Le tout demeure sympathique.

Le vagabond des mers (The master of Ballantrae, William Keighley, 1953)

Ayant pris le mauvais parti lors des guerres jacobites, le rejeton d’une famille de nobles irlandais s’exile dans la piraterie…

Le livre de Robert Louis Stevenson est possiblement un des dix meilleurs romans jamais écrits. Cette adaptation, où la substance originelle a consciencieusement été vidée au profit d’une dramaturgie des plus manichéennes, est un produit hollywoodien tout à fait standardisé. Errol Flynn a de beaux restes, il y a quelques duels sympas, le rythme est sans temps mort, le Technicolor est joli et les toiles peintes en guise d’arrière-plan ne font guère illusion. Décevant, forcément.

Verdi (Raffaello Matarazzo, 1953)

L’ascension de Verdi.

C’est sous l’angle du mélodrame (décès de son fils) et de sa relation sentimentale avec la soprano Giuseppina Strepponi que la vie du grand compositeur est ici appréhendée. Venant de Raffaello Matarazzo, on ne s’en étonnera pas mais on pourra légitimement le regretter tant le quasi-escamotage de la dimension politique de l’oeuvre du partisan du Risorgimento (sauf le choeur de Nabucco, quand même) étrique et affadit le récit. Quant à la substance musicale, elle repose tout entière sur de longs extraits d’opéra qui sont beaux en soi mais n’apparaissent pas toujours bien intégrés à la narration.

Ce couple heureux (Luis García Berlanga et Juan Antonio Bardem, 1953)

Un jeune couple espagnol est tiré au sort pour profiter d’une journée de luxe offerte par une grande marque.

Comédie sentimentalo-socialo-populiste espagnole qui montre l’universalité, après-guerre, de ce courant présent également aux Etats-Unis, en Italie, au Japon et en France. Avec ses tourtereaux confrontés à l’ambition, aux difficultés matérielles et à la chance, Ce couple heureux rappelle particulièrement Antoine et Antoinette. La mise en scène est dénuée de l’étincelant génie de Becker et l’environnement social, quoiqu’évidemment présent, n’est pas restitué avec la même ampleur que chez Jean-Paul Le Chanois ou Dino Risi mais le film demeure assez sympathique, notamment grâce à la comédienne Elvira Quintillá et à des notations dont l’une est carrément vertigineuse et mérite d’être citée: au début, les protagonistes vont voir au cinéma la première version de Elle et lui. C’est l’occasion de montrer le héros frimer auprès de sa femme avec sa connaissance de la technique cinématographique ainsi que le travestissement des films américains par la censure franquiste (le public râle au moment du baiser coupé). Et à la fin, lorsque le couple s’embrasse, le cinéaste, certainement soumis à la même censure que celle qu’il met en scène, filme les pieds des amoureux…comme le fera Leo McCarey quatre ans plus tard dans son propre remake de Elle et lui.

Bienvenue Mr Marshall (Luis Garcia Berlanga, 1953)

Un village andalou se prépare pour accueillir des représentants américains du plan Marshall.

Comédie gentiment caustique, sur un sujet aussi original que pertinent car riche d’enjeux satiriques, qui présente la particularité de ne pas se focaliser sur des récits individuels mais de garder un caractère collectif dans sa narration, dynamisée par l’amusante voix-off de Fernando Rey. Le virage onirique de la dernière partie, surprenant au début, est un peu long d’autant que, au niveau du filmage, c’est l’ancrage réaliste et local qui donne sa saveur à ce pendant espagnol du néo-réalisme rose.

A l’assaut du Fort Clark (War arrow, George Sherman, 1953)

Un officier propose à un commandant d’une garnison aux prises avec les Kiowas de s’allier aux Séminoles.

Petit western qui traite son sujet et ses personnages avec ce qu’il faut d’honnêteté intellectuelle (même si les Séminoles ne furent jamais utilisés par la cavalerie). L’assaut final est pas mal fait mais la romance entre Maureen O’Hara et Jeff Chandler reste conventionnelle.

Capitaine King (Henry King, 1953)

En 1847, aux Indes, un capitaine métis de l’armée anglaise doit combattre un ami d’enfance chef de la rébellion islamiste.

Les images sont splendides -douceur naturelle (?) de la lumière crépusculaire et maîtrise du tout nouveau Cinémascope-, le ton est digne, les scènes d’action sont impeccables et Tyrone Power toujours beau et charismatique mais il est dommage que la problématique du racisme de l’armée, présentée avec une certaine finesse, soit, dans la dernière partie, escamotée de la façon la plus conventionnelle qui soit. D’où que Capitaine King est un film réussi et séduisant mais limité.

A noter que, quoiqu’adapté du même roman de Talbot Mundy et ayant pour héros le même personnage, Capitaine King n’est pas du tout un remake de La garde noire et que ses enjeux dramatiques sont très différents du film de John Ford.

Jack Slade le damné (Harold Schuster, 1953)

Au milieu du XIXème siècle, un homme violent utilise ses talents de tireur contre les bandits.

Quel bonheur de découvrir encore aujourd’hui, après plus de vingt ans de cinéphilie, des pépites du western! Même pas mentionnée par le pavé de Tavernier et Coursodon, cette petite production de Allied Artists frappe par son rythme endiablé et sa force dramatique peu commune.

Retraçant la vie d’un fameux pistolero du Far-West, mythifié par Mark Twain dans ses mémoires, Jack Slade le damné ne fait aucune concession au manichéisme et montre la désespérance de ce genre de personnage, fût-il du bon côté de la barrière. Comme La cible humaine, il s’agit d’un western crépusculaire d’une époque où le terme n’avait pas encore été inventé. Incapable de sortir d’un cycle infernal de violence, accro à l’alcool, le (anti)héros préfigure le William Munny de Clint Eastwood.

C’est avec des séquences d’une brutalité exceptionnelle, mettant souvent en scène des enfants, qu’est montré l’aspect purement et simplement chaotique d’un territoire d’avant la loi, d’avant la civilisation. Terrible plan où Jack Slade prend un gosse fauché par une balle dans ses bras, un gosse auquel il s’était confié cinq secondes auparavant: l’impossibilité de la rédemption pour Jack est figurée instantanément, avec une poignante amertume.

Dans le rôle éponyme, avec son chapeau noir et ses favoris, Mark Stevens a un charisme et une sobriété expressive dignes des plus grandes stars du genre. Face à lui, Dorothy Malone apporte une sensualité sans apprêt qui ajoute à la brutalité de l’ensemble. Les dialogues, laconiques et riches de sens, dénotent également l’ambition inhabituelle des auteurs de ce western de série.

Sans se faire valoir en tant que telle, la réalisation, à laquelle aurait contribué Mark Stevens, est impeccable: découpage fluide, riche de mouvements de caméra précis et efficaces, photo noir et blanc au diapason d’une atmosphère tourmentée, détails réalistes (les grosses auréoles de sueur sur le héros!) ou d’une poésie macabre (les pieds d’un pendu qui frottent sa guitare), montage sophistiqué des séquences de duel qui engendre un maximum de tension.

Bref, quelques raccourcis de scénario habituels à ces productions n’empêchent pas Jack Slade le damné d’être un western singulier, brillant et poignant.

La mer cruelle (Charles Frend, 1953)

Pendant la bataille de l’Atlantique, les missions d’un équipage de la marine marchande anglaise.

Aussi chiant que ce résumé le suggère, La mer cruelle est un film de guerre anglais typique: un vernis de sobriété documentaire qui dissimule mal des effets de manche théâtraux et qui semble surtout justifier l’absence totale d’invention de la mise en scène (une exception: la poésie morbide des voix-off lorsque les cadavres des naufragés sont filmés), un récit programmatique et monotone, une dignité générale qui empêche le film d’être vraiment mauvais. Voyez ce qu’un grand cinéaste comme John Ford peut tirer d’une matière analogue avec un chef d’oeuvre comme Les sacrifiés.

Le profil de la ville (Hiroshi Shimizu, 1953)

Dans le quartier commerçant de Ginza, un homme-sandwich prend en charge une petite fille qui a perdu sa mère et part à la recherche de cette dernière.

Passant de la campagne à la ville, Shimizu n’a rien perdu de son style. Désormais, ses longs travellings et d’amples mouvements à la grue permettent de restituer l’immensité des centres commerciaux et l’anonymat de Tokyo. Sans insister, avec une succession d’aperçus aux frontières du documentaire, l’auteur montre la soumission mercantile des Japonais -surtout des Japonaises- aux touristes occidentaux et les effets négatifs de la société de consommation. D’entraînantes scènes de cabaret, filmées en d’impecables plans-séquence, montrent que Shimizu lui-même ne rechigne pas à exploiter les recettes de l’industrie américaine du divertissement pour agrémenter son oeuvre. Comme souvent dans ses films, le noeud de l’intrigue dévoilé à la fin révèle la profonde cohérence de l’errance qui a précédé. Bref, sans être aussi plein d’instants de grâce que Monsieur Merci ni aussi émouvant que Les enfants de la ruche, Le profil de la ville est une nouvelle réussite à l’actif de Shimizu.

Histoire de trois amours (Gottfried Reinhardt et Vincente Minnelli, 1953)

Trois passagers d’un paquebot se souviennent d’un amour:

  • Un créateur de ballet (James Mason) rencontra une ballerine (Moira Shearer) à qui les médecins avaient interdit de danser.
  • A Rome, une professeur de Français (Leslie Caron) tomba amoureuse de son élève de 11 ans (Ricky Nelson) transformé en homme (Farley Granger) le temps d’une nuit.
  • A Paris, un ancien trapéziste (Kirk Douglas) traumatisé par un accident sauve une jeune fille (Pier Angeli) qui s’était jetée dans la Seine et en fait sa partenaire pour un prochain numéro.

C’est le deuxième segment qui est mis en scène par le grand Vincente Minnelli mais il n’est pas spécialement mieux que les deux autres. Dans l’ensemble, c’est plutôt très bon, à la fois classiquement hollywoodien avec le Technicolor, les stars, les capitales européennes reconstituées en studio et le sens du spectacle (trapèze, danse, fantastique) mais aussi révélateur d’une certaine modernité car chacune des trois intrigues, traitées avec justesse, s’articule autour d’une ou de deux névroses, plus ou moins graves. Le dernier sketch est à ce titre le chef d’oeuvre du spicilège.

Un homme pas comme les autres (Trouble along the way, Michael Curtiz, 1953)

Pour sauver son université de la faillite, un curé embauche un entraîneur de football américain au passé prestigieux. Celui-ci accepte avec d’autant plus d’empressement que, en plein conflit avec son ex-femme pour la garde de sa fille, il veut montrer sa bonne moralité.

Le comportement de l’épouse, trop diabolisée, manque de cohérence et ce qui y a trait constitue la faiblesse d’un récit particulièrement varié dans ses enjeux dramatiques et mené avec tact et fluidité. La relation entre le personnage de John Wayne et sa fille n’y manque pas de tendresse et surprend au regard de l’image de l’acteur.

The actress (George Cukor, 1953)

A la Belle-époque, la fille d’un marin à la retraite désire devenir actrice.

Les adaptateurs ne se sont pas donnés grand mal pour transformer en film la pièce de Ruth Gordon. The actress représente le pire du théâtre filmé: décor quasi-unique, monotonie visuelle, timing artificiel des rebondissements, absence de détails concrets dans la mise en scène, surjeu des acteurs. Même si Teresa Wright et le jeune Anthony Perkins sont plus crédibles, j’ai rarement vu des comédiens -Spencer Tracy et Jean Simmons pourtant habituellement excellents- aussi mauvais dans un film de Cukor qui semble avoir perdu toute finesse en matière de direction. D’où des personnages grotesques dont il est difficile de prendre au sérieux les tourments intimes. Et comme d’un autre côté, le comique est très pauvre et la satire à peu près nulle, il en résulte une oeuvre simplement morose et parfois grimaçante. Médiocre.

 

Le trésor du Guatemala (Treasure of the golden condor, Delmer Daves et Otto Preminger, 1953)

Au XVIIIème siècle, un jeune Breton accompagne un vieil homme chercher un trésor au Guatemala pour reconquérir le titre et les terres dont son oncle l’a dépossédé.

Dans ce film d’aventures, Delmer Daves, secondé par Otto Preminger, ne fait preuve d’aucun génie mais le Technicolor et un récit dense et varié niveau décors assurent le minimum syndical en terme de divertissement.

La neige était sale (Luis Saslavsky, 1953)

Le fils d’une prostituée fait fortune sous l’Occupation.

Concentré des pires tares de la « qualité française »: tout réalisme de contexte est éludé au profit d’une psychologisation de l’origine du Mal des plus conventionnelles, les nuances sont absentes et la noirceur est aussi appuyée que déconnectée de toute sorte de vérité. Tout est lourd, faux, détestable de bassesse et de stupidité.

Sangaree (Edward Ludwig, 1953)

Peu de temps après l’indépendance américaine, le fils adoptif d’un riche Géorgien lutte contre des aristocrates pour jouir de son héritage.

Petit film d’aventures peu sauvable. Rien ne vient compenser la permanente facilité du script, l’indigence des décors, les transparences flagrantes et les faux raccords. Certes, je ne l’ai pas vu en relief -procédé avec lequel Sangaree a été réalisé- mais je ne vois guère de séquence où la troisième dimension ajouterait de l’intérêt tant la mise en scène est peu dynamique. On se demande également comment Michel Mourlet a pu voir en Fernando Lamas dans ce film un corps de la race de Charlton Heston. Heureusement, il y a la sublime Arlene Dahl qui pimente le film d’un érotisme bienvenu.

No room for the groom (Douglas Sirk, 1953)

Un soldat en permission constate que toute la famille de sa nouvelle épouse s’est installée chez lui.

Le découpage vif et précis de Douglas Sirk, le sens du tempo comique et l’entrain de Tony Curtis transfigurent les artifices théâtraux de l’intrigue (coïncidences opportunes et condensation abusive des péripéties). Bonne comédie.

La reine vierge (Young Bess, George Sidney, 1953)

Avant son accès au trône sous le nom de Elizabeth, l’amour tragique d’une bâtarde de Henry VIII pour un brillant amiral.

Le déroulement du drame manque de concision et est trop statique mais le style rend le tout intéressant: l’esthétisme de George Sidney, son goût pour les cadres larges admirablement composés et coloriés, n’empêche pas que son film comporte aussi des scènes d’un lyrisme intense où les cordes de Miklos Rosza sur le si doux visage de Jean Simmons font merveille.