Ecarts de conduite (Riding in cars with boys, Penny Marshall, 2000)

Une brillante adolescente voit ses ambitions scolaires contrariées par un jeune homme qui l’a mise enceinte.

Riding in cars with boys commence comme une comédie pour ado puis, sans rompre tout à fait avec l’humour, par la magie de l’écriture romanesque (à la fois source et thème du film), se transforme en drame existentiel comparable aux portraits de femme de Naruse les plus amples (tel L’histoire de la femme). La justesse d’observation, l’implacabilité du constat et la complexité de la caractérisation des personnages vont de pair dans ce film authentiquement féministe parce que sans complaisance avec son héroïne, ce film qui est, entre autre qualités, un parfait antidote à Juno. Plus encore que Drew Barrymore, contrainte de jouer un personnage de l’âge de 15 ans à l’âge de 35 ans, Steve Zahn émeut, en cas social pathétique mais jamais caricatural. Inattendu chef d’oeuvre.

Les démons à ma porte (Jiang Wen, 2000)

Pendant l’occupation japonaise, des paysans chinois sont chargés par la Résistance de garder un soldat nippon et son interprète…

Relativisme moral (apologie de la veulerie déguisée en humanisme), personnages perpétuellement ravalés au rang de bestiaux et style frimeur et envahissant, entre gratuité des contrastes et hystérie du cadrage censée insuffler artificiellement de l’énergie aux scènes: ce film unanimement encensé à sa sortie relève d’une esthétique que j’appellerais « forcing naturaliste » et qui fait de Jiang Wen le dépositaire des pires tendances de Clouzot. En est parfaitement symptomatique un des plans les plus cons de l’histoire du cinéma: celui du regard depuis une tête coupée (avec passage du noir et blanc à la couleur).

Ainsi soit-il (Gérard Blain, 2000)

Un fils venge son père assassiné par des employeurs véreux.

La « rigueur », à force de refuser toute déviation et, même, tout développement narratif, du postulat dramatique présenté au départ « le fils va venger le père des salauds », frise la vacuité. Néanmoins, le lyrisme tragique se concrétise dans quelques beaux instants, tel l’étreinte du fils à la mère au tribunal ou les dernières secondes du plan de la lecture de la lettre.

Le poids de l’eau (Kathryn Bigelow, 2000)

A l’occasion d’une excursion en bateau avec son mari et son beau-frère, une photographe enquête sur un double meurtre commis sur une île du New Hampshire 120 ans plus tôt.

La relation entre passé et présent est imprécise et fumeuse. Malgré de bons acteurs et un sens du rythme qui tient en haleine, Le poids de l’eau est le pire film de Bigelow.

Beau travail (Claire Denis, 2000)

A Djibouti, un légionnaire devient jaloux d’une nouvelle recrue.

Le sens et la narration sont réduits à néant au profit d’un pompeux lyrisme de la fascination pour les corps virils et la nature grandiose (le bleu de la mer est un des plus sublimes jamais vus au cinéma): Claire Denis se montre ici digne héritière de Leni Riefenstahl. Un montage ouvertement insensé apporte la griffe arty-moderniste nécessaire à l’adoubement contemporain.

Saint-Cyr (Patricia Mazuy, 2000)

A la fin du XVIIème siècle, Madame de Maintenon ouvre l’école de Saint-Cyr destinée à éduquer les jeunes filles de la noblesse pauvre.

Après le formidable Travolta et moi, une relative déception. Si l’injection d’un réalisme physique inédit dans la reconstitution historique produit des scènes étonnantes de vérité (le désir et le sexe sont judicieusement filmés), un film dont l’ambition se limite à ce programme apparaît fatalement étriqué. Par manque d’esprit de synthèse, la mise en scène échoue à faire apparaître le sens profond d’un récit qui s’éparpille autant qu’il effleure. J’ai peiné à voir où l’auteur voulait en venir, pourquoi elle avait voulu raconter la fondation de Saint-Cyr. Par exemple, le revirement bigot de Madame de Maintenon après la représentation à Versailles, aussi radical que peu justifié, apparaît exagéré. Le ressassement des deux thèmes de la bande originale, vernis uniforme appliqué à des scènes très diverses, n’insuffle pas l’unité qui fait défaut mais ajoute au sentiment d’incongruité. Parfois, Patricia Mazuy tente de compenser la faiblesse de son script en en rajoutant dans la brutalité mais le résultat apparaît alors convulsif et grotesque; ainsi des scènes de flagellation ou de la tentative de noyade dans la baignoire.