Rachel et l’étranger (Norman Foster, 1948)

Un western singulier qui montre encore une fois la variété du genre. Ici, le western est un moyen de retourner à une époque archaïque et de mettre en scène des rapports humains dont la rudesse fait la beauté. On songe à Giono. Le paysan a perdu son épouse, il lui en faut une nouvelle parce qu’il faut une femme pour tenir le foyer. Quitte à ne pas l’aimer parce qu’il vit dans le souvenir de la défunte. Jusqu’à ce que l’étranger du titre, incarné par un jeune Robert Mitchum s’incruste et réveille du même coup le désir du mari pour sa nouvelle femme. La terre, la famille, le deuil, le désir. Et la frontière évidemment. Ici, le fermier est un pionnier qui doit faire face à la menace permanente constituée par les Indiens. Des situations apparemment simplissimes permettent de montrer des sentiments qui ne peuvent être que complexes. Rachel et l’étranger est autant l’histoire d’un foyer recréé que celle d’une mélancolie guérie. Le particulier et le général fusionnés dans un même mouvement. C’est le propre de nombre de chefs d’oeuvre classiques. D’un point de vue strictement formel, le budget restreint alloué par la RKO oblige les auteurs à se concentrer sur l’essentiel: la mise en scène de Norman Foster est alerte, la caméra semble semble toujours placé exactement à l’endroit où elle doit être, mettant en valeur les superbes décors naturels sans verser dans la contemplation. Les quelques chansons du film donnent lieu à des plans magnifiques où la seule composition du cadre montre que les personnages vivent des émotions différentes. Concision et beauté. Ce western élégiaque est une véritable pépite, de la même veine que Le bandit d’Ulmer.