Trois ouvriers franciliens amateurs de rockabilly ainsi que la copine de l’un d’entre eux entreprennent un voyage au Havre pour voir un concert.
Violent days est un film qui oscille entre documentaire et fiction sans qu’on puisse le réduire à l’une ou l’autre de ces deux catégories.
Pour le meilleur et pour le pire, il y a d’abord une intention sociologique dans la démarche de Lucile Chaufour.
Le meilleur, ce sont les interviews des rockers façon Strip-tease; des propos éclatants de vérité nue souvent montés en voix-off qui donnent un ancrage réaliste au film. Ils parlent de leur travail aliénant à l’usine, de leur passion pour le rockabilly, de leur fascination pour une certaine Amérique, de leur famille aussi.
Le pire, c’est le déterminisme bourdieusien présent sans être explicité. Le film n’est heureusement pas un exposé sociologique sur les banlieues prolétaires mais du coup l’absence d’explication sérieuse, de prise en compte des éléments pouvant éventuellement contredire la vision désespérée de la cinéaste donne au film un côté « Les gauchistes parlent aux gauchistes » assez désagréable. Autrement dit: le discours est bien là mais puisqu’on est entre gens de bonne compagnie, on n’a pas besoin de montrer en quoi il est vrai.
Ceci étant, cette intention que l’on imagine préalable au tournage est peu importante par rapport à la magnifique justesse avec laquelle Lucile Chaufour filme ses protagonistes. Sans mépris, sans complaisance mais avec une certaine dose d’humour, elle les écoute (c’est la partie Strip-tease de Violent days) et en fait les personnages d’un superbe road-movie en Noir&blanc (c’est la partie fiction). Façon pour elle de les projeter dans leur idéal de cinéma américain. De plus, l’absence de contextualisation temporelle les situe dans une sorte de réalité éternelle. Enfin, la bande-son hypnotique, la lumière charbonneuse et surtout le visage incandescent de la magnifique Serena Lunn dont le personnage vulnérable est le sublime et nécessaire contrepoint de l’ambiance macho achèvent de faire de la projection de Violent days une expérience fascinante.
Ce poème rock&roll sur les illusions d’évasion de certains prolétaires figure parmi ce que le cinéma français a produit de plus vivant, de plus original et de plus beau ces quinze dernières années.