Une vraie blonde (Tom DiCillo, 1997)

A New-York, les tribulations sentimentales et professionnelles de plusieurs comédiens.

La difficulté d’appliquer concrètement ses principes, les petites lâchetés propres à chacun et surtout la corrélation entre réussite matérielle et compromission morale sont la matière de cette admirable comédie de l’héroïsme au  quotidien. L’équilibre entre satire et empathie est magistralement tenu par Tom DiCillo. Etayée par une stylisation plastique absente du genre depuis Frank Tashlin et Jerry Lewis, sa peinture des milieux arty-pubeux ne manque pas de mordant (hilarant tournage du clip avec Steve Buscemi en tyran d’opérette). Mais la grandeur de ce petit film vient surtout de sa richesse humaine, de la précision respectueuse avec laquelle sont filmés les protagonistes. Ainsi, quelle représentation plus tendre, plus drôle, plus percutante de la mesquinerie conjugale que ce bref plan où chacun des deux amoureux tire la couette?

Pour se rendre compte de l’humanisme de l’auteur, il faut aussi voir comment le regard sur Joe, qui peut être considéré comme le héros de The real blonde, évolue au cours de la projection. On se moque de sa versatilité devant l’imprésario avant d’être ému par sa noblesse lorsqu’il recadre l’assistant négationniste ou qu’il tient tête à un homme qui bat sa femme. Il n’est pas spécialement glorifié par la mise en scène et ses gestes courageux en paraissent d’autant plus humains. Ce raffinement dans la psychologie permet au cinéaste d’éviter les facilités dramatiques et de surprendre le spectateur sans jamais trahir la vérité des personnages. Ces personnages sont judicieusement interprétés. De Christopher Lloyd en maître d’hôtel intransigeant à Kathleen Turner en agent cynique, la distribution est aux petits oignons. A sa tête, Matthew Modine, remarquable. Les quelques afféteries typiques du cinéma indépendant américain contemporain (la musique, la mini-intrigue parallèle du chien perdu) ne pèsent pas lourd face à un tel condensé de noblesse et de justesse .

Box of moonlight (Tom DiCillo, 1996)

Note dédiée à Matthieu Santelli

Ses employeurs ayant prématurément mis fin à sa mission en déplacement, un cadre père de famille retourne sur les lieux de son enfance et rencontre un jeune marginal.

D’abord, on peut mesurer la réussite de Box of moonlight à l’aune des écueils que son auteur a évités. Ce film indépendant américain racontant la rencontre entre un cadre stressé et un marginal ne contient pas un gramme de démagogie ou de mépris envers les gens ayant un mode de vie conformiste, ingrédients de nombre de produits estampillés Sundance fonctionnant sur un détestable mécanisme de connivence avec ce qu’ils s’imaginent être leur public. Il y a bien un soupçon de fantaisie qui semble plaquée (les –rares- hallucinations du personnage principal) mais dans l’ensemble, Tom DiCillo se contente de filmer, avec simplicité et humour, la parenthèse douce et sensuelle que vit son héros névrosé.

Metteur en scène rigoureux, il sait restituer l’influence des lieux sur le comportement de ses personnage: le lac idyllique, le sympathique et original camp du jeune. On s’y croirait et on aimerait bien partager leur barbecue. La confrontation entre les deux modes de vie est dialectique et est l’occasion d’une belle histoire d’amitié avant d’être le prétexte à quelque propos édifiant que ce soit (même si la fin fait un peu pencher la balance en faveur du marginal, c’est dommage). La finesse de son trait empêche DiCillo de charger qui que ce soit dans son récit et lui permet de maintenir l’indispensable et fragile équilibre entre tendre moquerie et empathie envers ses personnages, personnages qui, pour cet authentique humaniste, ne sauraient se réduire à leur conditionnement social et à leurs névroses. Joli film.