Pendant l’été, dans un motel social situé près des parcs d’attraction en Floride, des gosses sont livrés à eux-mêmes…
J’ai vu ce film le lendemain de ma découverte de Ça commence aujourd’hui. Contraste frappant. Filmant tous les deux des enfants en marge de la société, Sean Baker et Bertrand Tavernier ont réalisé deux oeuvres aux antipodes l’une de l’autre. Au manichéisme dramatique, aux effets de manche pathétiques et à l’indignation démagogique du Français s’oppose le vitalisme coloré de l’Américain qui, loin de les trahir, saisit des personnages dans toute leur richesse, sans vouloir-dire apparent: la mère irresponsable mais aimante, les enfants tête-à-claques mais attachants, le gardien sévère mais bienveillant. Basée sur un récit pointilliste, la mise en scène invente une série de moments comiques, malaisants ou heureux -mais toujours très dynamiques- autour d’acteurs stupéfiants de spontanéité (les enfants mais aussi la mère, repérée sur Instagram) dans des cadres rigoureusement travaillés qui mettent en valeur les couleurs des décors sans pour autant verser dans la réduction wes-andersonienne. Cet alliage de rigueur formelle et de fraîcheur dans la direction d’acteurs explique peut-être le miracle d’une réussite où la distance critique n’exclut pas l’empathie. Dans les séquences les plus délicates (comme celle de la passe), Sean Baker fait preuve d’un tact qui est l’apanage des grands cinéastes. En filigrane de cette histoire entre une mère et sa fille, il nous propose une plongée dans le lumpenprolétariat américain, qui, par son sens aigu de la dialectique, semble très juste*. Un bémol à cet enthousiasme: la dernière séquence, dont l’artifice criard jure avec le reste.
*les rapports entre l’héroïne et l’administration en disent long sur les raisons du vote Trump dans les classes les plus pauvres, sans qu’il ne soit besoin d’expliciter