L’oiseau de Paradis (Delmer Daves, 1951)

Visitant un ami d’université sur son île du Pacifique sud, un jeune homme tombe amoureux de la soeur de ce dernier.

Nouvelle adaptation de la pièce déjà filmée par King Vidor en 1932. Malgré que le sujet de la différence entre les cultures ait pu inspirer Delmer Daves dans ses westerns, il est ici traité avec un respect pour l’altérité qui sombre dans le relativisme (manque de recul critique par rapport à la pratique du sacrifice humain). L’histoire d’amour est peu crédible, manquant de la sensualité que Delmer Daves a pu insuffler à ses meilleurs films. Mais les images en Technicolor sont jolies, quoique plus sombres que ce à quoi on pourrait s’attendre, et l’éruption volcanique finale est spectaculaire.

Un été prodigieux (Boris Barnet, 1951)

Dans un kolkhoze, le comptable a une touche avec une ouvrière stakhanoviste.

La surcote de Boris Barnet dans une certaine frange de la cinéphilie française est d’autant plus délirante qu’elle semble avoir commencé avec la critique d’Un été prodigieux par Jacques Rivette. A le lire après avoir vu le film, on se rend compte que son texte est un modèle de paradoxisme. Au sein de ce pur produit jdanoviste, le critique des Cahiers (peut-être amoureux de l’actrice) met en avant l’idylle de convention qu’il compare à du Renoir. Il fait fi de la laideur du Sovcolor qui donne une teinte lavasse à une histoire déjà sans intérêt sur le papier. La prééminence des débats kolkhoziens, des tracteurs et de la propagande pour Staline serait de la pudeur. Le film réel est escamoté au profit d’un film rêvé à partir d’une poignée de détails (la scène des plongeons certes mignonne) peu significatifs. C’est la définition d’une hallucination.

Les parents apprivoisés (Week-end with father, Douglas Sirk, 1951)

Un veuf et une veuve voient leur idylle contrariée par leurs enfants, en camp de vacances.

Comédie familiale, plus drôle et moins émouvante qu’Il faut marier papa, sur un sujet proche. Van Heflin et Patricia Neal sont impeccables, le découpage est concis et ce n’est pas exempt d’une certaine cruauté dans sa représentation de la virilité américaine. En dehors du chef d’oeuvre Demain est un autre jour, Les parents apprivoisés est sans doute le meilleur des films de Douglas Sirk avec la jeune Gigi Perreau.

Native son (Pierre Chenal, 1951)

A Chicago, un jeune Noir est engagé comme chauffeur par une famille de riches Blancs…

Adaptation de Richard Wright tournée en Argentine par Pierre Chenal, Native son est un sacrée curiosité. C’est aussi un très mauvais film. Cela explique peut-être l’oubli dans lequel il est tombé. En effet, il y a un insurmontable hiatus entre la réalité des actes commis par ce jeune Noir (deux meurtres de jeunes femmes) et le ton compassionnel et militant des auteurs. D’où des scènes grotesques et un récit incohérent jusqu’à l’absurde. Les acteurs, médiocres, n’aident pas (après défection de l’acteur envisagé qui n’obtint pas son visa pour l’Argentine, Richard Wright décida de jouer son propre héros sans se soucier qu’il avait le double de l’âge requis). Pour être sans appel, cet échec n’en est pas moins regrettable car la mise en scène de Chenal ne manque pas d’allant: l’inventeur du réalisme poétique (avec La rue sans nom) n’a perdu ni son sens visuel ni sa vivacité et donne un joli cachet de film noir à son Chicago reconstitué à Buenos Aires.

Ils étaient cinq (Jack Pinoteau, 1951)

Cinq copains de régiment se réadaptent difficilement à la vie civile et sont heurtés par les compromissions de l’arrière.

Pâle ersatz des équivalents américains dont le plus beau fleuron serait Les plus belles années de notre vie. L’acuité sociale, la finesse psychologique et la cohérence narrative sont sacrifiées à un pessimisme moral aussi facile que manichéen (le brave soldat qui récite un poème lorsqu’il monte sur une scène de Pigalle…comment une idée aussi grotesque peut-elle germer?), à la misogynie qui, bien sûr, réconcilie les copains et à une démagogie plus débilitante (car non fondée sur des faits) que n’importe quelle « happy end » hollywoodienne. En tout cela, Ils étaient cinq est typique du pire cinéma français des années 50.

Eve paie sa dette (The lady pays off, Douglas Sirk, 1951)

Une professeure reconnue mais malheureuse va jouer au casino et perd. Pour rembourser sa dette, elle accepte de donner des cours particuliers à la fille du gérant.

Sympathique comédie romantique même si la pulpeuse Linda Darnell n’est pas très crédible dans un rôle de vieille fille. Vite vu, vite oublié.

La première légion (Douglas Sirk, 1951)

La subite guérison d’un prêtre ébranle une communauté de jésuites et le médecin, amoureux d’une handicapée, qui s’occupe de cette communauté.

Produit et réalisé par Douglas Sirk dans une ancienne mission californienne, ce mélo catho est adapté d’une pièce de théâtre. Le récit présente l’intérêt de s’organiser autour d’un prêtre qui doute du miracle face à un médecin mécréant mais qui refuse de démystifier. La communauté de prêtres est dépeinte sans charge anticléricale et avec une certaine tendresse mais les tensions, les ambitions et les changements d’organigramme ancrent cette description dans une réalité terrestre aussi bien que les belles images du jardin. Charles Boyer est très bien et le découpage est élégant. D’un sujet pas évident tant il est chargé, Douglas Sirk se tire avec les honneurs grâce à sa douceur et à sa précision. Seul le miracle final nécessite un saut de foi. Mais n’est-ce pas le propre des miracles?

Deux sous de violettes (Jean Anouilh, 1951)

Une jeune Parisienne déclassée est envoyée chez une riche tante lilloise pour une convalescence.

Plus romanesque que théâtrale, cette réalisation de Jean Anouilh constitue une étude de moeurs large, variée et soigneusement construite malgré quelques traits appuyés et plusieurs péripéties attendues mais quasi-inévitables. Bonne distribution, dans laquelle Michel Bouquet s’illustre déjà.

Juliette ou la clé des songes (Marcel Carné, 1951)

Un détenu s’évade dans un rêve au cours duquel il recherche sa bien-aimée dans un village où tout le monde est amnésique.

De même que celui entre le romantisme de ses sujets et sa mise en scène désincarnée, le fossé entre les velléités oniriques de Marcel Carné et la réalité d’un talent extrêmement rigide et pesant est un des hiatus les plus ahurissants de l’histoire du cinéma. Jamais ce film, d’une terrible platitude visuelle malgré le prestige des collaborateurs techniques (Trauner, Alekan…), ne transfigure le ridicule artifice de son intrigue, de ses situations, de ses personnages.

Showboat (George Sidney, 1951)

A la fin du XIXème siècle, les pérégrinations d’une famille de comédiens sur un bateau du Mississippi…

En dehors du personnage de Julie Laverne dont l’évolution est plus claire du fait qu’il est désormais joué par Ava Gardner et qu’on lui accorde plus d’importance, cette nouvelle version de Showboat est en tous points inférieure au film de James Whale. La poésie a disparu tandis que le Technicolor, la réécriture sirupeuse de la fin, l’interprétation et la pesanteur globale font tendre l’ensemble vers le cirque Barnum. Les chanteurs sont également moins bons (qui pourrait rivaliser avec Paul Robeson?).

Clara de Montargis (Henri Decoin, 1951)

Dans le Gâtinais, un jeune campeur part à la recherche d’une belle et mystérieuse femme qui l’a pris en autostop.

Comme tout commence par un rêve et que le personnage principal est un puceau, on aurait pu craindre niaiserie et rêverie de pacotille. Or il n’en est rien, ou presque. En effet, à l’exception d’une scène de rêve et d’une fin maladroite car voulant jouer sur les deux tableaux du réalisme et de l’onirisme, Henri Decoin reste terre-à-terre. Il montre un jeune homme rencontrant différents habitants de Montargis et des villes alentours. L’éventuel lyrisme induit par le romantisme de sa quête est sans cesse altéré par des détails prosaïques, tels les bruits de voiture dans la scène avec la comédienne au bord de la Loire.

Si poésie il y a, il ne s’agit pas d’une poésie à la Borzage mais d’une poésie à la Simenon, révélant l’envers de la tranquillité provinciale avec subtilité, sans pittoresque ni satire. Au long de ses pérégrinations dans le Gâtinais, le jeune homme va rencontrer une série de personnages gentiment vicieux: un alcoolique, un collectionneur de photos de femmes nues, un garagiste adepte de « parties fines », une cafetière amatrice de jeunes soldats…Chacun trompe l’ennui à sa façon. Cette révélation des dessous de la province voit son expression la plus littérale dans une surimpression, rare entorse de la mise en scène au réalisme des apparence, audacieuse à deux titres: elle montre la nudité d’une femme et cette femme est moche.

Bref, la juste distance de l’auteur par rapport à son personnage et les racines réalistes des facteurs de poésie (la nuit, la troupe de comédiens…) permettent au romantisme et à la critique flaubertienne de s’équilibrer finement. Clara de Montargis est un des bons films de Decoin, en plus d’être un des plus originaux du cinéma français des années 50.

Casabianca (Georges Péclès, 1951)

En 1943, le sous-marin Casabianca est chargé d’aider les maquisards corses à se soulever.

Comme j’aurais aimé aimer ce film, rare représentant du cinéma patriotique français de sous-marin, mais comme c’est mauvais! Interprétation approximative, mise en scène toute molle, élusion, au profit d’un unanimisme de pure convention (risible scène du défilé des partisans), des conflits Anglais vs Français, Français libres vs ORA ou Résistance vs Alger, qui auraient pu enrichir la dramaturgie d’un récit plat et particulièrement mal construit. Et je ne parle même pas de la trahison historique qui consiste à oublier le rôle de l’armée italienne, tout juste retournée par Badoglio, dans la libération de l’île de beauté car qu’aurait importé une telle omission si le film avait été bon.

Journey into light (Stuart Heisler, 1951)

Après le suicide de son épouse, un pasteur perd la foi, devient clochard et rencontre la fille aveugle d’un autre pasteur.

Malgré un début percutant, Sterling Hayden, piètre comédien aux capacités alors altérées par sa citation à comparaître devant la Commission des activités anti-américaines de McCarthy, ne rend pas crédible cette crise de foi au déroulement attendu.

La belle du Montana (Belle Le Grand, Allan Dwan, 1951)

En 1870, une joueuse professionnelle tente d’empêcher sa petite soeur, chanteuse d’opéra qu’elle n’a guère connu parce qu’elle était en prison, de tomber dans les griffes de l’homme qui la fit sombrer.

Belle le Grand se situe à mi-chemin exact entre le western et le mélodrame, genre auquel il s’apparente par la nature des péripéties mais pas par le ton, toujours pudique voire feutré. Lors des séquences dramatiques, un plan final sur le visage féminin suffit à évoquer son tourment, sans qu’il ne soit besoin d’épanchement lacrymal. Le découpage fluide et concis sert un récit pas si conventionnel que ça, dont les ressorts dramaturgiques sont canoniques mais où les registres varient et où la compassion des auteurs pour chacun des personnages engendre des surprises. C’est très typique de Dwan. A noter enfin l’importance de la musique, airs d’opéra et negro spirituals, qui vient poétiser la parabole romanesque. A ce titre, le sommet est le superbe travelling du retour de Belle chez ses esclaves.

La rivière de la mort (Little Big Horn, Charles Marquis Warren, 1951)

Un officier de cavalerie qui couche avec la femme de son supérieur rejoint ce dernier dans une mission qu’il sait suicidaire: retrouver le général Custer à Little Big Horn.

Un pessimisme sans forfanterie émane d’une mise en scène au classicisme solide et brutal. Bon western.

Le cap de l’Espérance (Raymond Bernard, 1951)

La patronne d’un bar est courtisée par un policier qui recherche les auteurs d’un hold-up parmi lesquels figure son amant.

La présence de Edwige Feuillère et Jean Debucourt et la fluidité du découpage de Raymond Bernard ne sauvent pas ce film noir à la Française, excessivement mal écrit, de la pire médiocrité.