Le dossier 51 (Michel Deville, 1978)

Pour retourner un diplomate français, un service secret étranger cherche une faille dans sa vie privée.

Sans doute le meilleur film de Michel Deville. Cette fois, l’arbitraire de la forme est justifié par l’originalité profonde de la narration. Aucune coquetterie, à part un ou deux airs de Schubert. On songe à du Resnais du début des années 60 mais sans la prétention et la gratuité. L’idée de raconter la vie du diplomate à travers documents d’archives, photos et témoignages recueillis en caméra subjective par le service secret, engendre un portrait à la Citizen Kane, où la magistrale démultiplication des points de vue et des sortes d’images met finalement le doigt sur la fêlure d’un homme. De l’invention stylistique la plus radicale résulte le tragique le plus sec. Le dossier 51 est un film suffisamment grand pour être aimé des détracteurs de son auteur: un classique.

Ce soir ou jamais (Michel Deville, 1961)

Dans un appartement parisien, un jeune dramaturge et de non moins jeunes comédiens attendent la vedette de la pièce et font passer des auditions.

Les actrices sont joliment filmées mais la faiblesse du prétexte, la nullité des développements et l’antipathie des personnages rendent démesurée la longueur de l’oeuvre. Vain.

Le mouton enragé (Michel Deville, 1974)

Sur les conseils d’un ami écrivain, un fade employé de banque gravit l’échelle sociale en séduisant de belles femmes.

L’artifice très alambiqué du postulat et l’absence de crédibilité de ses développements rendent tout ça assez vain (ainsi la dimension « satirique » évoquée par certains commentateurs est nulle) malgré l’évidente et parfois grisante virtuosité du réalisateur dont la fantaisie apparaît ici moins plaquée que dans Le paltoquet ou L’ours et la poupée.

 

Lucky Jo (Michel Deville, 1964)

A sa sortie de prison, un gangster malchanceux se retrouve soupçonné d’un braquage commis par ses anciens complices.

Le mariage entre la fantaisie mélancolique de Michel Deville et la série noire fait merveille. Le cadre du genre canalise l’inspiration du réalisateur et refrène ce sentiment d’arbitraire artificiel qui émane de la majorité de ses films. En dehors d’un ou deux raccourcis, le déroulement du récit garde une certaine logique. Eddie Constantine parfait en gangster fatigué, la musique de Delerue, des trouvailles de mise en scène comme le chien errant et des digressions où l’amitié est filmée comme dans Touchez pas au grisbi sont autant de qualités qui contribuent à faire de Lucky Jo un polar crépusculaire bien plus attachant que les films que Sam Peckinpah a ensuite tournés sur des thèmes analogues.