Histoire inachevée (Unfinished business, Gregory La Cava, 1941)

Partie à New-York, une provinciale épouse le frère du play-boy qui l’a séduite dans le train…

Un canevas attendu et un dénouement aussi facile qu’artificiel n’empêchent pas cette comédie douce-amère, qui ne rechigne pas à tirer sur la corde sensible, d’intéresser grâce à la qualité de son interprétation et à la finesse de certains traits: l’empathie de Gregory La Cava pour les décadents mondains équilibre le moralisme de l’intrigue.

Romola (Henry King, 1924)

Au XVIème siècle à Florence, un louche aventurier épouse la fille d’un érudit à qui il a sauvé la vie.

Superproduction fastueuse, assez dynamique, relativement surprenante dans sa dramaturgie et illuminée par la présence de Lilian Gish, certes moins mise en valeur que chez Sjöström ou Griffith.

Un matin comme les autres (Beloved infidel, Henry King, 1959)

La passion entre la journaliste mondaine Sheilah Graham et Francis Scott Fitzgerald, alors au crépuscule de sa carrière et de sa vie.

Si ses images demeurent superbes (et naturelles), le vétéran Henry King peine à se coltiner les fêlures inhérentes à son sujet. Il y a ainsi quelque chose de mécanique dans l’appréhension de l’alcoolisme de Fitzgerald et de ses effets. L’écrivain se fait virer ou refuser un manuscrit->il boit->il devient saoul->son comportement met en péril l’avenir de sa compagne. Et cela deux fois. L’artifice de cette écriture n’est pas atténué par la façon dont Gregory Peck simule l’ébriété.

Pourtant, le lyrisme tranquillement grandiose (plans larges et longs, présence aristocratique de Deborah Kerr, décors somptueux, symphonie de Waxman…) donne du corps à ce film; dans ses moments les plus substantiels, l’union entre deux êtres qui se guérissent mutuellement de leurs complexes est bien rendue sensible au spectateur. Bref, cet avant-dernier film d’Henry King n’est pas aussi mauvais qu’on eût pu le croire a priori.

Carousel (Henry King, 1956)

Remake musical de Liliom.

L’histoire tirée de Ferenc Molnar est toujours aussi artificielle, poussiéreuse et moralement sinistre. Mais cette adaptation, musicale, est dix fois pire que les films de Lang et Borzage car elle est une fois et demi plus longue. Les numéros musicaux ne font que ralentir l’action même s’il faut reconnaître qu’un sacré standard a été composé pour l’occasion: You’ll never walk alone. Gordon McRae, qui reprend le rôle qu’aurait dû tenir Frank Sinatra, fait regretter Frank Sinatra. L’écran large (obtenu avec l’éphémère procédé 55 mm) redouble le statisme de la mise en scène et le kitsch visuel. Bref, Carousel est une indigeste choucroute.

Maryland (Henry King, 1940)

Après la mort accidentelle de son mari, une femme interdit à son fils de monter sur un cheval.

Contexte social et géographique restitué avec netteté (le fait que ça se passe dans le Maryland a un impact direct sur la dramaturgie puisque l’omniprésence de la culture équestre rend d’autant plus tragique la décision de la mère), superbes images carrées de la campagne américaine en Technicolor signé Natalie Kalmus, musique d’Alfred Newman qui reprend son thème poignant d’Ann Rutledge (composé pour Vers sa destinée), pudeur qui n’est pas pusillanimité, vérité sympathique des comédiens (Walter Brennan en tête de la distribution!), découpage parfait car concis, souple et dynamique: Maryland exprime bien, à l’instar de Margie, Adieu jeunesse ou La foire aux illusions, la quintessence d’Henry King.

Son suprême classicisme transfigure ce sous-genre hollywoodien pas évident qu’est le film d’équitation (Walsh, Ford et Capra n’y ont guère brillé). La résolution est certes, comme souvent, un peu expéditive mais la mise en scène, en plus de happer le regard par la splendeur des images et la fluidité de leur déroulement, occasionne des surprises: ainsi de l’importance donnée aux personnages de serviteurs noirs, qui culmine dans une longue et stupéfiante séquence de gospel, digne de l’Hallelujah de Vidor. Cette surprise, tout l’opposé d’une volontariste bifurcation, trouve plus tard sa justification puisqu’elle permet le raccord de l’arc du personnage secondaire noir -jusqu’ici comiquement traité- à l’intrigue principale des maîtres blancs.

Capitaine King (Henry King, 1953)

En 1847, aux Indes, un capitaine métis de l’armée anglaise doit combattre un ami d’enfance chef de la rébellion islamiste.

Les images sont splendides -douceur naturelle (?) de la lumière crépusculaire et maîtrise du tout nouveau Cinémascope-, le ton est digne, les scènes d’action sont impeccables et Tyrone Power toujours beau et charismatique mais il est dommage que la problématique du racisme de l’armée, présentée avec une certaine finesse, soit, dans la dernière partie, escamotée de la façon la plus conventionnelle qui soit. D’où que Capitaine King est un film réussi et séduisant mais limité.

A noter que, quoiqu’adapté du même roman de Talbot Mundy et ayant pour héros le même personnage, Capitaine King n’est pas du tout un remake de La garde noire et que ses enjeux dramatiques sont très différents du film de John Ford.

A l’abordage (Against all flags, George Sherman, 1952)

En 1700, un officier de Sa Majesté infiltre la république pirate de l’île de Madagascar.

Un Errol Flynn vieilli (prématurément par l’alcool), un Anthony Quinn cabotin, des décors peints qui sautent aux yeux et une histoire d’amour un peu poussive même si traitée sur le mode de la screwball comedy (Maureen O’Hara oblige)…A l’abordage n’est clairement pas un chef d’oeuvre du film de pirates mais il a suffisamment d’atouts -le superbe Technicolor de Russell Metty, le rythme impeccable et un joli final où les trois dimensions de l’espace sont exploitées par la mise en scène pour un maximum de spectacle- pour permettre de passer une sympathique soirée, façon « La dernière séance ».