Dans une cité, un adolescent à la dérive se fait virer par ses parents et entraîne une jeune fille dans sa fugue.
Le développement heurté de l’histoire d’amour est parfois beau. Les deux jeunes s’abstraient de leur condition sociale et familiale comme des héros de Frank Borzage. Certaines idées de Civeyrac, comme le fait que les coups et crachats de son (anti)héros se retournent contre lui, touchent juste. Mais l’oeuvre est handicapée par une maladresse d’élaboration qui fait ressortir les intentions de son auteur avec grossièreté. La musique, déjà. L’orgue de Bach sur des scènes triviales, c’est facile quand ce n’est pas grotesque (voir le gavage dégueu). Comme Pasolini, Bresson et Brisseau avant lui, Civeyrac entend mêler le sacré au social…Dans le même ordre d’idée, les lectures bibliques succédant au meurtre sont déplacées. De plus, après une telle acmé, la fin ouverte apparaît comme une lâcheté. Et, surtout, la décisive articulation du récit qui provoque la fugue est ratée. D’abord, l’ivresse de la mère semble un artificiel prétexte de scénariste. Ensuite, si, au moindre hurlement féminin, les voisins se comportaient comme dans le film (à savoir comme des lyncheurs de chez John Ford), cela ravirait peut-être les féministes inquisitrices façon « Balance ton porc » mais ces même féministes vous le diront: une telle réaction n’est nullement vraisemblable. Mais cette exagération des bas instincts du peuple permet à l’ancien élève de la Femis (plus complaisant envers les voyous du lumpenprolétariat) de réussir le meilleur plan de son film: un panoramique façon western. Pour confus et maladroit qu’il soit, Ni d’Eve ni d’Adam n’en demeure pas moins un film infiniment plus intéressant que le très oiseux Toutes les belles promesses.