Un psychiatre s’oppose à la tyrannique direction d’un centre de redressement pour jeunes filles.
Ce film indépendant tourné en dix jours a les atours, racoleurs et hypocrites, du film d’exploitation façon « women in prison » mais Bernard Vorhaus, qui abandonna le tournage à Edgar Ulmer après six jours pour cause de persécutions maccarthystes, semble l’avoir entrepris avec une réelle conviction morale. Il y a un certain réalisme dans la mise en scène ainsi que la volonté de faire passer un message progressiste. La façon dont est dispensé ce message est d’ailleurs la principale faiblesse du film: en faisant du problème social abordé un problème de personnes (le gentil progressiste face au méchant directeur), l’auteur ôte toute portée générale à son discours tout en soumettant les caractères des personnages à un schématisme manichéen. Cette facilité, très typique du cinéma américain, est d’autant plus regrettable que So young so bad ne manque pas d’audace par ailleurs.
Inceste, suicide, lesbianisme et meurtre d’animal sont ainsi évoqués, plus ou moins explicitement. Sans que cela n’apparaisse gratuit car ces thématiques ont toute leur place dans un film sur des jeunes filles à la dérive. Eluder les questions sexuelles avec un tel sujet aurait été idiot. Les petites productions indépendantes étaient moins surveillées par la censure que les films des majors et cela fut une bonne chose pour un film social tel que So young so bad qui, réalisé dans le cadre d’un gros studio, aurait probablement été plus aseptisé.
On retrouve d’ailleurs ce côté rentre-dedans dans l’ensemble de la mise en scène, particulièrement inspirée. Dès l’introduction sur les chapeaux de roues (littéralement), le spectateur est frappé par un style viscéral et percutant. Une excellente idée parmi quinze autres: le fait que la mise au cachot des filles, passage obligé du genre, s’accompagne pour l’une d’entre elles de luttes physiques pour l’y faire entrer. Cela fait violemment ressortir l’angoisse du personnage. Les réalisateurs ont également tiré parti de leur manque de décors en décuplant l’expressivité de leur lumière, contrastée et dramatisante.
La distribution de jeunes actrices au jeu naturel et dru est aussi pour beaucoup dans la vérité du film. Même lorsqu’ils sont écrits à gros traits, leurs personnages sont touchants. Il faut voir Anne Francis arriver à rendre crédible le plus vulgaire des rebondissements de mélo pour mesurer combien la belle méritait plus grande carrière qu’elle n’a eu.
Sorti la même semaine que le Caged de John Cromwell, So young so bad n’aurait pu être qu’un « woman in prison » de plus; c’est, malgré un scénario décevant, une petite merveille dans la droite lignée des brûlots humanistes (plus que féministes) d’Ida Lupino.