La belle du Montana (Belle Le Grand, Allan Dwan, 1951)

En 1870, une joueuse professionnelle tente d’empêcher sa petite soeur, chanteuse d’opéra qu’elle n’a guère connu parce qu’elle était en prison, de tomber dans les griffes de l’homme qui la fit sombrer.

Belle le Grand se situe à mi-chemin exact entre le western et le mélodrame, genre auquel il s’apparente par la nature des péripéties mais pas par le ton, toujours pudique voire feutré. Lors des séquences dramatiques, un plan final sur le visage féminin suffit à évoquer son tourment, sans qu’il ne soit besoin d’épanchement lacrymal. Le découpage fluide et concis sert un récit pas si conventionnel que ça, dont les ressorts dramaturgiques sont canoniques mais où les registres varient et où la compassion des auteurs pour chacun des personnages engendre des surprises. C’est très typique de Dwan. A noter enfin l’importance de la musique, airs d’opéra et negro spirituals, qui vient poétiser la parabole romanesque. A ce titre, le sommet est le superbe travelling du retour de Belle chez ses esclaves.

The fabulous Texan (Edward Ludwig, 1947)

De retour de la guerre de Sécession, un Texan devient peu à peu hors la loi…

Bon petit western, situé entre la série B et la série A. Wild Bill Elliott fut en son temps une star du genre mais c’est John Carroll, dont le personnage est plus complexe et plus fascinant, qui lui vole la vedette. L’histoire est intéressante et développée avec une certaine sensibilité et une franchise qui évite trop de simplisme dans la dramaturgie. Il y a plusieurs scènes d’action trépidantes et mouvementées. Enfin, la photo a un petit charme vaguement charbonneux.

Angel in exile (Allan Dwan, 1948)

Après un séjour en prison, un braqueur va chercher son butin planqué dans un village près du Mexique où les gens sont très croyants…

Une fable surprenante et variée (au niveau du ton) où le héros évoluera suite à son séjour dans une communauté dont le cinéaste excelle à montrer la mythique harmonie. C’est très typique d’Allan Dwan et c’est simplement beau. Adela Mara, sorte de Natalie Wood de série B, ne manque pas de charme.

Decision at sundown (Budd Boetticher, 1957)

Injustement sous-estimé (voyez la façon dont il est expédié par les différents critiques du Positif spécial Boetticher de novembre 69), Decision at sundown est pourtant un film excellent, un opus qui ne manque pas d’originalité au sein d’une série, celle des collaborations entre Budd Boetticher et Randolph Scott, par ailleurs génialement uniforme. Ce qui est suggéré, latent dans Sept hommes à abattre ou Ride lonesome est ici  éclatant. Sans se départir de son sens de la litote, le cinéaste montre les affects du héros vengeur joué par Scott. Simplement. Sans pathos, la mélancolique minéralité cède la place à une expression profondément humaine de la douleur. Humaine car instable, imprévue. Les trémolos dans la voix de Randolph Scott au moment de l’assassinat de son ami par le shérif pourri sont remarquables pour trois raisons. D’abord, ils sont à peine perceptibles; ils sont là mais Boetticher reste Boetticher, Scott reste Scott, et il ne s’agit jamais que d’une inflexion de voix qui ne dure pas plus de trois secondes. Ensuite, ils sont d’autant plus tristes qu’ils sont complètement inattendus de la part du héros habituellement impassible. Comme si l’espace d’un instant, la mécanique implacable dérapait. C’est l’émotion qui surgit et l’émotion est par essence imprévisible. D’où, devant cette image, l’impression rare et précieuse de captation et non de simulation d’un état d’âme. Enfin, cet évènement précis renvoie à une tristesse d’ordre beaucoup plus général, comme si l’espace d’un instant le personnage de Scott laissait libre cours à son dégoût devant la pourriture du monde, dégoût accumulé durant ses années d’errance mélancolique.

Cette amertume, ce profond désaccord avec le monde, caractérise le héros tout le long du film. Cela apparaît notamment à la fin, fin exceptionnellement inhabituelle pour le genre. La belle subtilité du film, c’est que les erreurs du héros serviront au moins à une prise de conscience de la communauté. Decision at sundown est d’ailleurs le western le plus politique de Boetticher. Toute l’action y est concentrée dans une petite ville, ce qui le différencie des films « désertiques » du cycle. Il y a plus de personnages, plus de dialogues mais cela n’empêche pas la merveilleuse simplicité de la narration. La ville est représentée par une poignée d’endroits-clés et on retrouve l’unité de temps et l’unité de lieu qui caractérisaient d’autres joyaux du western de série B « politique », tel Quatre étranges cavaliers d’Allan Dwan.