Ayant volé le secret d’un mourant sur le champ de bataille, un homme usurpe la fortune de sa veuve…
Une des cinq bobines du film est perdue; ce qui ne clarifie pas la narration d’un mélo capillotracté mais vivifié par le lyrisme brutal du style. Si les articulations du récit ne sont pas très fines, c’est aussi parce que Bernard-Deschamps semble privilégier un violent symbolisme visuel aux motivations psychologiques (sans toutefois se passer complètement de ces dernières). Ainsi de la représentation du Mal avec des mains en ombres chinoises qui préfigure Nosferatu. Nombre de plans « fonctionnels » sont absents de son découpage où s’enchaînent des scènes réduites à une image forte. Voir par exemple la stupéfiante rapidité de l’enchaînement entre la rencontre avec la veuve et l’incendie de sa maison.
La présence de Séverin-Mars, toujours halluciné, mais aussi la beauté des cadrages et l’inventivité du montage au service de l’émotion évoquent, sur un mode mineur, les chefs d’œuvre contemporains d’Abel Gance. D’ailleurs, comme chez l’auteur de La roue, cette inspiration fiévreuse charrie autant de fulgurances que de naïvetés. Il n’empêche que La nuit du 11 septembre est un film étonnant qui gagnerait à être exhumé. Une exploitation retardée par trois ans de démêlés avec la censure empêcha malheureusement cet idéal chaînon manquant entre le cinéma d’avant-garde et le mélo commercial de prétendre à la postérité.