Un jeune oisif qui croit en sa bonne étoile devient clochard lorsque ses amis en ont assez de l’entretenir…
Ce premier long-métrage d’Eric Rohmer est son film le plus marqué par l’esthétique « Nouvelle Vague », esthétique dont il s’éloignera par la suite. Le budget est probablement minuscule, c’est produit et tourné avec les copains (on aperçoit Godard) en décors naturels (rarement la ville de Paris aura été aussi présente dans un film). Le tout paraît un peu « amateur ». Certaines séquences d’errance auraient gagnées à être condensées; le cinéaste n’a pas encore atteint sa maturité stylistique, ce qui est assez normal pour un premier long. Il y a de la musique extradiégétique et des mouvements de caméra voyants, fioritures que le réalisateur bannira par la suite.
En revanche, ses obsessions sont déjà présentes. Le récit est une parabole janséniste particulièrement bien ficelée. Il est facile de s’y laisser prendre. C’est également le film le plus dur et le plus concerné socialement parlant de Rohmer puisque le hasard divin ne s’y manifeste pas dans un marivaudage mais engage la situation matérielle d’un homme. Il y a des séquences très dures de clochardisation que le metteur en scène filme sans fard ni complaisance. Le signe du lion est donc un bon film, intéressant et surprenant.
D’accord avec cette belle analyse : le film est un peu déconcertant de prime abord pour le fidèle rohmerien mais je le trouve passionnant, surtout à la deuxième vision…
Ce film est peut-être le meilleur « documentaire » (eh oui, moi aussi j’utilise les « guillemets ») sur le Paris des années 1950.
Quiconque utilisera de manière péjorative le terme « amateur » sera à mon sens considéré comme un âne.
A bon entendeur…
Bonjour Christophe, je n’ai vu aucun Rohmer. Quels sont ses meilleurs films selon vous ou du moins ses plus accessibles ?
Bonjour Dédé,
C’est assez difficile de déterminer le meilleur film de Rohmer ou le plus accessible tant son oeuvre forme un tout qui frappe à la fois par sa cohérence et sa variété et tant la réponse à votre question pourrait varier suivant le « rohmérien » qui y répond.
Ainsi, je pourrais vous conseiller le merveilleux L’ami de mon amie mais les commentaires de mon article sur celui-ci vous montreront que le bloggeur sonic eric, quelqu’un qui a de forts bons goûts puisqu’il en partage 90% avec moi, n’est pas aussi enthousiaste que je le suis.
Pour ma part, c’est Pauline à la plage -le deuxième que j’ai vu- qui m’a fait aimer le cinéaste. Les jeunes filles en maillot de bain, l’atmosphère de vacances si bien rendue, la magnifique lumière estivale, la saveur hitchcockienne insufflée au marivaudage…m’ont fait prendre un plaisir tel que j’ai pu passer outre les aspects de Rohmer qui sont au prime abord (et au prime abord seulement!) les plus rebutants (diction des comédiens anti-naturelle…).
Il y a aussi le classique « Ma nuit chez Maud », plus sérieux et moins léger que ses films « de vacances » mais dont la grandeur est peut-être plus évidente que celle de ces films. On y retrouve de grands comédiens « confirmés », tel Jean-Louis Trintignant, ce qui est assez rare chez Rohmer.
En tout cas, avec Rohmer, il ne faut pas s’arrêter à la première déconvenue.
Merci pour ces précisions, ça sent le passionné de l’oeuvre rohmerienne ! En ce qui concerne la diction anti-naturelle des acteurs, est-ce que c’est plus ou moins la même que chez Bresson ? J’avoue que parfois ça me gêne un peu chez ce dernier. Là je suis en plein cycle Bresson et bon, faut dire ce qu’il y a à dire, ce n’est pas trop ma tasse de thé. Jusque-là je retiens Journal d’un Curé de Campagne, Pickpocket, Le Procès de Jeanne D’Arc et Mouchette (très beau, celui-là), le reste (Un Condamné à Mort…, Au Hasard Balthazar, Une Femme Douce, L’Argent) ne m’a pas intéressé des masses. Trop froid, hermétique, j’ai même envie de dire péniblement « démiurgique ».
Au fait de mémoire je crois que Lourcelles déteste Rohmer non ?
Lourcelles déteste Rohmer mais se montre assez malhonnête dans sa -réjouissante- notice sur Le rayon vert puisque ce film, quoique très beau, est l’un des moins représentatifs de son auteur.
La diction chez Rohmer me semble moins affectée que chez Bresson, cinéaste que je n’aime guère pour des raisons très bien exposées par Michel Mourlet dans sa critique de Pickpocket (critique trouvable dans l’indispensable recueil sur Sur un art ignoré -recueil qui contient par ailleurs un excellent éloge de Ma nuit chez Maud).
Pour bien appréhender l’œuvre de Rohmer, l’idéal est d’en voir un de chaque série :
« Ma nuit chez Maud » ou « Le genou de Claire » pour les « contes moraux »
« Le rayon vert » ou « Les nuits de la pleine lune » pour les « comédies et proverbes »
le superbe « Conte d’été » pour les « contes des quatre saisons »
« Perceval le gallois » et « Triple agent » pour les films « hors série »
Mais en gros, je suis d’accord avec Christophe : l’œuvre est tellement cohérente et « compacte » qu’on a du mal à distinguer un titre plus que l’autre.
attention, je mets un bémol au message du dr orlof: il ne faut pas entamer l’oeuvre de Rohmer par Perceval le Gallois, sans doute son film le plus ahurissant. Triple Agent par contre, mille fois oui, surtout si vous aimé L’affaire Cicéron.
Merci à vous deux pour ces recommandations. J’ai fait une petite sélection en me procurant Ma Nuit chez Maud, Le Genou de Claire, L’Amour l’après-midi, La Femme de l’Aviateur, Pauline à la Plage et Conte d’été qui figurent tous, semble-t-il, parmi ses oeuvres les plus intéressantes.
tenez nous au courant de vos découvertes!
petit topo jusque-là: beaucoup aimé Le Genou de Claire et L’Amour l’après-midi, un peu moins Ma Nuit chez Maud et La Femme de l’Aviateur. Quant à Pauline à la Plage, je l’ai trouvé trop niais et factice, parfois à la limite du supportable. Donc en gros avec Rohmer, ou ça passe ou ça casse. Impatient néanmoins d’en voir d’autres !
ça me fait plaisir d’avoir votre retour Dédé!
« Factice » je comprends, « niais », moins. C’est quand même bien tordu comme intrigue.
bonnes vacances à vous si vous en avez
L’intrigue tient tout de même plus du marivaudage que du roman-feuilleton ! Et puis je pensais surtout à l’interprétation et aux dialogues en parlant de niais.
de bonnes vacances à vous itou
J’en profite pour vous poser une question. Cela n’a rien de péjoratif mais ça m’intrigue: est-ce qu’il vous arrive de regarder des films récents, c’est-à-dire de ces 10 dernières années ?
oui ça m’arrive:
http://films.nonutc.fr/category/depuis-1989/
et puis il y a les films que je vois et dont je ne parle pas parce que tout le monde en parle et que je n’aurai pas forcément grand-chose à dire de neuf…