Malinconico autunno (Raffaello Matarazzo, 1958)

Un enfant élevé par sa mère seule identifie un contrebandier comme une figure paternelle.

Attention, rien à voir avec Moonfleet. Matarazzo oblige, on est ici dans le mélodrame. C’est agencé avec une sobriété narrative et un sens de l’épure visuelle qui nous attache directement aux personnages. Ma réserve principale porte sur le manque de lyrisme, d’approfondissement, de détails de la mise en scène dans les acmés, particulièrement celui du sublime retournement final qui aurait gagné en justesse humaine et en force émotionnelle s’il avait été davantage étayé. Peut-on réaliser un chef d’oeuvre dans le genre mélodramatique en restant perpétuellement épuré donc schématique? Je ne le crois pas. Cependant, ce sens de l’épure donne aussi une dimension quasi-mythologique aux personnages et aux situations dramatiques. C’est ainsi qu’il émane de ce mélo une vérité sur la virilité et la paternité qui semble venue du fond des âges. Dernier des six films réalisés par Matarazzo avec le couple Nazzari/Sanson, Malinconico autunno est également le meilleur.

Le chevalier mystérieux (Riccardo Freda, 1948)

Pour délivrer son frère des geôles vénitiennes, Casanova est chargé d’intercepter une lettre envoyée à Catherine de Russie.

Riccardo Freda prend de très grandes libertés avec les mémoires du séducteur vénitien pour trousser un film d’aventures dynamique et enlevé. C’est superficiel mais le sens du décor et de l’action font du Chevalier mystérieux un des bons films de cape et épée italiens. Pour une fois, un film de Freda ne pèche pas côté interprétation grâce à une révélation de tout premier ordre dans le rôle principal: Vittorio Gassman.

Le prophète (Dino Risi, 1968)

Ayant tout plaqué pour vivre en ermite, un ancien employé de bureau est forcé de retourner à Rome où il rencontre une hippie.

Décousue, laide et caricaturale, cette satire de la société de consommation est un échec (et cet échec fut reconnu en tant que tel par son réalisateur, sa vedette et son scénariste Scola, trio à l’origine de tant de réussites).

La femme aux deux visages (Angelo bianco, Raffaello Matarazzo, 1955)

 

Un veuf éploré tombe amoureux d’une entraîneuse qui ressemble à l’amour de sa vie.

Le potentiel de cet intéressant argument dramatique -anticipant celui de Sueurs froides– est malheureusement vite enseveli sous l’avalanche de péripéties ineptes propre aux mélos de la série Nazzari/Sanson. La fin est pas mal car le talent de Matarazzo trouve à s’y épanouir dans des scènes liturgiques et géométriques.

Larmes d’amour (Torna!, Raffaello Matarazzo, 1953)

Un riche oisif ne recule devant rien pour ébranler le mariage d’une amie d’enfance dont il est resté amoureux…

La première partie du film est assez terne (sentiment renforcé par des couleurs fadasses). En pilotage automatique, Raffaello Matarazzo se contente d’illustrer une intrigue peu surprenante. Qu’Yvonne Sanson soit l’objet d’âpres disputes entre mâles est toujours aussi difficile à imaginer pour le spectateur normalement constitué. Cependant Larmes d’amour décolle lorsque le mari joué par Amadeo Nazzari se met à croire à l’infidélité de son épouse. Le film prend à ce moment toute sa dimension mélodramatique. S’enchaînent alors -avec une précision qui n’a pas toujours été de mise chez l’auteur du Navire des filles perdues– des péripéties extraordinaires (sublime personnage que cette mère endeuillée complètement folle!) mais plus vraies que le conventionnel début à travers ce qu’elles révèlent sur la foi en l’autre comme socle nécessaire à l’amour. Pas mal.

Le fils de personne (Raffaello Matarazzo, 1951)

Une comtesse met fin à la liaison entre son fils et une de ses employés mais un enfant est né…

L’avalanche de péripéties, souvent faciles et peu crédibles, déconcerte de prime abord mais touche finalement au sublime. Raffaello Matarazzo et ses scénaristes ont quand même réussi à faire un film où une mère voit son enfant mourir deux fois. Chapeau les mecs. De plus, et paradoxalement, le sérieux et l’épure de la mise en scène désamorcent le caractère extravagant des situations pour mieux faire ressortir le tragique de l’ensemble. Intrigant.

Bannie du foyer (Raffaello Matarazzo, 1950)

Une jeune femme qui s’est enfuie de chez ses parents voit son fiancé emprisonné pour un crime qu’il n’a pas commis…

L’accumulation de malheurs qui s’abat sur l’héroïne a quelque chose de surréaliste. L’archaïsme du mélo se traduit également dans la caractérisation des personnages : manichéenne et sans nuance. A ce niveau-là, d’autres mélos de Matarazzo -tel L’intruse– étaient bien plus complexes. Dans Bannie du foyer, les caractères sont figés et la méchante restera méchante envers et contre tout. Enfin, Yvonne Sanson n’est guère crédible en jeune fille. C’est dommage que le scénario abuse à ce point de la « suspension d’incrédulité » du spectateur car le talent du metteur en scène s’épanouit dans de belles séquences pleines de pureté naïve, tel celle du mariage en prison. La participation du grand Roberto Murolo qui joue ici un second rôle insuffle aussi une véritable émotion à plusieurs passages musicaux.

Le mensonge d’une mère (Catene, Raffaello Matarazzo, 1950)

Le retour de son ancien fiancé trouble une femme et met en péril l’équilibre de son foyer.

Malgré le manque de crédibilité de l’amant dont le comportement est in fine plus féminin que masculin, la construction dramatique est rigoureuse et concentre le drame de cette femme écartelée dans un récit particulièrement retors et pervers. Il y a cependant un hiatus entre la rigidité de la mise en scène et les passions exacerbées qui sont son objet. De ce fait, on voit les comédiens faire semblant de pleurer plus qu’on ne voit les personnages pleurer tant les larmes arrivent vite et sans progression dramatique subtile à l’intérieur de la scène. Les larmes ici ne sont pas une acmé (comme chez les grands du mélo hollywoodien) mais une donnée. La communication de l’émotion au spectateur s’en trouve amoindrie.